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Nouveau délai de prescription de l'action en réparation du préjudice d'anxiété
Risque hygiène sécurité
A compter du 1er avril 2021, les DIRECCTE seront remplacées par les DREETS
Agressions physiques par des usagers et faute inexcusable de l'employeur
AVC, dysfonctionnement du système d'alerte des secours et faute inexcusable de l'employeur
Enquête obligatoire en cas de réserves motivées de l’employeur
Erreur de l’URSSAF en votre faveur !
Risque contentieux social
Dans quelles conditions un salarié peut prendre des heures de délégation en dehors du temps de travail ?
Licenciement économique et responsabilité de l'employeur : faute ou erreur de gestion ?
L’action en justice du salarié ne constitue pas une protection automatique contre son licenciement
Sur les conditions de mise en place d’une convention de forfait en jours
La charge de la preuve en matière de harcèlement
La faute grave n’exclut pas l’indemnisation du préjudice né des circonstances vexatoires du licenciement.
Risque pénal
Des propos flatteurs répétés peuvent créer une situation offensante
Revirement de jurisprudence s’agissant de la responsabilité de la société absorbante pour des faits antérieurs à la fusion.
Risque environnemental
Les conditions de réparation du préjudice écologique sont-elles conformes à la Constitution ?
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Nouveau délai de prescription de l'action en réparation du préjudice d'anxiété
L’application d’une prescription participe à la sécurité juridique de l’employeur dans les contentieux susceptibles d’être portés à son encontre. Si celle-ci peut être acquise, la jurisprudence conserve dans certaines situations, le privilège d’apprécier son point de départ établissant, s’agissant de l’indemnisation du préjudice d’anxiété, un régime dual quant au point de départ dudit préjudice.
La dualité de ce régime se fondait sur la chronologie du développement contentieux, initialement réservé aux salariés justifiant d’un emploi au sein d’un établissement listé au visa de l’article 41 de loi du 23 décembre 1998, au motif qu’il se trouve dans un état d’inquiétude permanent généré par le risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante. L’inscription sur la liste dite ACAATA rendait le bénéfice de l’indemnisation automatique dès lors que le salarié n’avait pas à rapporter la preuve de la réalité de l’anxiété subie.
Devant l’inégalité de certaines situations, la chambre sociale s’est vue contrainte d’élargir le bénéfice de l’indemnisation de l’anxiété tout d’abord aux salariés justifiant d’une exposition asbestosique, sans avoir à justifier de l’inscription ACAATA, puis à tout salarié justifiant d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition. Ce dernier peut désormais agir contre son employeur, au visa des articles L.4121-1 et –2 du code du travail, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.
Si le bénéfice indemnitaire était identique, les modalités étaient distinctes. En effet et comme évoqué, le point de départ de la prescription diffère selon que le demandeur ressort du régime ACAATA, ou de ce qui est devenu le régime de droit commun, bien qu’établi postérieurement au premier. Dans le premier cas, le fait générateur de l’anxiété est constitué par la publication de l’arrêté listant l’employeur du requérant, tandis que dans le second, la prescription ne court qu’à compter de la date à laquelle le salarié a eu connaissance de son exposition, sans que ce point de départ ne puisse être antérieur à la date de cessation de l’exposition (Soc., 8 juillet 2020, n°18-26585).
Restait un point à définir, le délai de prescription.
La loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile a réduit à cinq ans au lieu de trente ans le délai de la prescription extinctive pour toute action personnelle. L’article 2224 du Code civil a été modifié en ce sens. Ces nouvelles dispositions ont pris effet à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi, c’est-à-dire le 19 juin 2008.
La question se posait donc de savoir si les demandes relatives à l’indemnisation du préjudice d’anxiété ressortaient d’une action personnelle.
Dans un arrêt du 19 novembre 2014 (n°13-19263), la chambre sociale faisait application de la prescription quinquennale quant à l’indemnisation de l’anxiété. En l’espèce, les faits portaient sur l’inscription liste ACAATA le 7 juillet 2000. Postérieurement au fait générateur de ce qui a donné lieu à cet arrêt, mais antérieurement à sa publication, le législateur a instauré un nouveau délai de prescription « de droit commun » applicable au contrat de travail. Ainsi et par la Loi du 14 juin 2013, la prescription biennale quant à des demandes indemnitaires portant sur l’exécution du contrat de travail devenait la norme.
La question pouvait se poser de savoir si l’indemnisation de l’anxiété allait être régie par ces dispositions.
Dans un premier arrêt du 8 juillet 2020 (n°18-26585), la chambre sociale faisait application de l’article L.1471-1 du code du travail et de la prescription biennale, infirmant l’arrêt déféré en ce qu’il avait débouté les salariés de leur action tendant à l’indemnisation de leur préjudice d’anxiété et de leur préjudice résultant de la violation de l’obligation de sécurité et de l’obligation de bonne foi.
Dans cet arrêt, la chambre sociale rappelle l’article susvisé, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 22 septembre 2017, à savoir « qu’aux termes de ce texte, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ». Toutefois cet arrêt portait sur des requérants ne se prévalant pas du dispositif ACAATA, mais du « nouveau préjudice d’anxiété », fondé sur l’obligation de sécurité de résultat et la jurisprudence de septembre 2019.
Restait à savoir si ce qui avait été finalement édicté postérieurement à la reconnaissance du préjudice d’anxiété, à savoir une anxiété généralisée, pouvait être précurseur dans les modalités d’indemnisation du dispositif ACAATA. Dans un arrêt du 29 janvier 2020 (n°18-15388), la chambre sociale précisait « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Ainsi et à cette date, la Cour faisait clairement la distinction, quant à la durée de la prescription, entre le régime ACAATA et le régime de droit commun, ce dernier disposait d’un délai plus court.
Dans son arrêt du 12 novembre 2020, la Chambre sociale continue son œuvre d’uniformisation, après celle d’élargissement et considère que « l’action par laquelle un salarié, ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l’amiante ou des matériaux contenant de l’amiante, demande réparation du préjudice d’anxiété, au motif qu’il se trouve, du fait de l’employeur, dans un état d’inquiétude permanente généré par le risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante, se rattache à l’exécution du contrat de travail ».
La chambre sociale aurait pu faire du particularisme de la situation des salariés dont l’établissement était inscrit ACAATA, une cause de distinction quant à la durée de la prescription, l’ayant déjà pour l’appréciation du fait générateur. Toutefois et certainement dans un souci de sécurité juridique à l’égard des employeurs, elle privilégiait l’uniformité de délai à défaut de régime.
La question demeure à notre sens dans l’application de ce délai biennal à l’anxiété de « droit commun », telle que fixée par les arrêts du 11 septembre 2019. En effet, il sera rappelé que la base contractuelle de cette indemnisation est le manquement à l’obligation de sécurité de résultat.
Or celui-ci, dans d’autres cas, bénéficie d’une durée de prescription plus importante, ainsi est-ce le cas des situations de harcèlement moral dont l’indemnisation est irrecevable postérieurement à l’expiration d’une prescription quinquennale, en application de l’article 2224 du code civil. Au visa de cet article, « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
Considérant que l’anxiété n’est pas une pathologie, mais un état d’inquiétude permanent, est ce qu’un salarié forclos à solliciter l’indemnisation d’un tel préjudice pourrait contourner les dispositions de l’article L1471-1 en démontrant que de sa subjectivité pathologique naît une dégradation de ses conditions de travail caractérisant une situation de harcèlement.
En effet et rappelant que l’atteinte à l’état de santé, dans cette situation, n’a pas besoin d’être avérée, mais peut être hypothétique, un salarié pourrait envisager d’étendre la recevabilité de l’indemnisation de l’anxiété, sans pour autant modifier le manquement contractuel fondant son action, mais se fondant sur une situation de harcèlement moral. La sécurité juridique liée à la prescription aurait requis dès le début, de circonscrire un tel préjudice à des situations limitées, soit administrativement comme ce fût le cas pour le dispositif ACAATA, soit matériellement comme pour l’amiante, plutôt que de l’étendre à toute substance « nocive ou toxique », sans donner davantage de cadre à ces recours.
Si la prescription participe à la limitation de ces recours, l’appréciation de son point de départ dans les arrêts de juillet 2020 démontre la volonté de la Cour de statuer en faveur des salariés, considérant avoir été suffisamment clémente avec les employeurs quant à l’évolution de l’obligation de sécurité de résultat et la possible exonération de ceux-ci.
Néanmoins et pour conclure, nous rappellerons que l’exclusion de toute forme d’exposition n’est matériellement pas possible, sauf à exclure la présence desdites substances. A l’inverse, si leur présence est avérée, démontrer l’efficience totale de la prévention reste une tâche difficile pour les employeurs. Ainsi, la seule évolution à attendre de la jurisprudence, dans leurs intérêts, serait que la Haute juridiction statue clairement sur l’évolution de l’obligation contractuelle, affirmant qu’elle est de moyens et ainsi contraigne les requérants à établir une faute de l’employeur.
Risque hygiène sécurité
A compter du 1er avril 2021, les DIRECCTE seront remplacées par les DREETS
Le décret 2020-1545 du 9 décembre 2021 crée à compter du 1er avril 2021 les Directions Régionales de l’Economique de l’Emploi du Travail et des Solidarités (Dreets) lesquelles regrouperont les missions actuellement confiées aux Direccte et aux services déconcentrés chargés de la cohésion sociale.
Les missions et prérogatives de l’inspection du travail sont conservées et restent sous l’autorité de la direction générale du travail.
A compter du 1er avril 2021, toutes les demandes initialement adressées à la Direccte devront être envoyées à cette nouvelle autorité administrative qui sera le nouvel interlocuteur des employeurs.
Agressions physiques par des usagers et faute inexcusable de l'employeur
Dans cette affaire, un salarié conducteur de bus a été victime d’une agression, prise en charge par la Caisse au titre de la législation professionnelle.
Estimant que ce sinistre était dû à la faute inexcusable de son employeur il a saisi la juridiction de sécurité sociale.
Selon les articles L.452-1 du code de la Sécurité sociale et L.4121-1 et suivant du code du travail, le manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité et de protection de la santé a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel étaient exposés ses salariés.
Les juges écartent l’argumentation en défense de l’employeur lequel faisait valoir que le DUER identifiait le risque d’agression, qu’il avait pour projet d’équiper les véhicules d’un système de vidéo-surveillance et que le CHSCT n’avait formalisé aucune alerte sur ce danger particulier avant l’accident.
Selon la Cour de cassation, la conscience du danger est caractérisée lorsqu’il ressort qu’au jour de l’accident, quatre agressions en vingt mois avaient été signalées sur la ligne, que le salarié avait également fait part de son souhait de changer de ligne et signalé les injures, humiliations et menaces dont il avait été victime avant son agression.
Civ., 2ème, 8 octobre 2020, n° 18-25021
AVC, dysfonctionnement du système d'alerte des secours et faute inexcusable de l'employeur
Dans cet arrêt, la Cour de cassation revient sur la caractérisation de la faute inexcusable de l’employeur laquelle est constituée lorsqu’il apparait que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et n’a pas pris les mesures de protection nécessaires pour préserver la santé et la sécurité des travailleurs.
En l’espèce, un salarié d’une entreprise de surveillance, travailleur isolé, a été victime d’un accident du travail et plus précisément d’un accident vasculaire cérébral. Il sollicitait, devant les juridictions de sécurité sociale, la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, estimant que les défaillances dans la mise en œuvre du dispositif de secours avaient retardé leur intervention.
Plus précisément, dans le cadre des mesures de prévention prises par l’employeur, les salariés exerçant une activité dans des conditions d’isolement étaient porteurs d’un dispositif qui, en cas d’incident, déclenchait une alarme vers un centre de télésurveillance chargé de rappeler l’agent. En l’absence de réponse de celui-ci, un centre opérationnel de surveillance était contacté afin d’envoyer un intervenant sur site et, le cas échéant, prévenir les secours.
A la lecture du dispositif de la décision d’appel, les juges relèvent que malgré le déclenchement de l’alerte par la victime, de multiples dysfonctionnements avaient retardé l’intervention des secours, les sapeurs-pompiers avaient été appelés à 12h45 et étaient intervenus à 13h00 soit 3h30 après l’accident. De plus, ils constatent qu’aucun personnel encadrant de l’employeur ne s’était rendu sur les lieux. Pourtant ils déboutent le salarié considérant qu’il a été victime d’un accident cardio-vasculaire que l’employeur n’était pas en mesure de prévoir, écartant ainsi le critère de la conscience du danger.
La Cour de cassation sanctionne cette décision, estimant que le fait que l’employeur ait jugé nécessaire de mettre en place un dispositif de sécurité caractérise sa conscience du danger. La défaillance du système lui est reprochable de sorte que la faute inexcusable est retenue. Cette décision s’inscrit dans la droite ligne d’autres arrêts de la deuxième chambre civile au terme desquels la Cour de cassation ne se contente plus d’apprécier si l’employeur a mis en œuvre toutes les mesures de prévention, mais également si ces dernières sont efficaces.
Civ., 2ème, 12 novembre 2020, n°19-13.508.
Enquête obligatoire en cas de réserves motivées de l’employeur
Dans cette affaire, l’employeur fait grief à la Caisse d’avoir pris en charge un accident du travail sans avoir préalablement diligenté d’enquête.
En effet, et selon les dispositions de l’article R. 411-11 du code de la Sécurité sociale : « en cas de réserves motivées de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie, avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie, ou procède à une enquête auprès des intéressés ».
Pour justifier l’absence de mesures d’instruction de la Caisse, la Cour d’appel estime que les réserves émises par l’employeur ne sont pas motivées au sens où il n’apporte pas la preuve d’une cause totalement étrangère au travail mais se limite à instiller un doute sur la véracité des déclarations du salarié. Elle précise que la circonstance de l’absence de témoin est insuffisante à constituer une réserve motivée. Aussi, le fait que la victime ait achevé sa journée de travail normalement est indifférent, la lésion pouvant ne pas entraîner d’arrêt immédiat de travail.
La décision d’appel sera réformée sur ce point. Selon la Cour de cassation, l’employeur n’est pas tenu, au stade de la recevabilité des réserves d’apporter la preuve de leur bien-fondé. Dès lors que l’employeur a, dans le délai imparti, formulé des réserves quant aux circonstances de temps et de lieu du sinistre ainsi que sur la matérialité du fait accidentel, la Caisse ne peut pas prendre de décision sans procéder à une instruction préalable.
Civ., 2ème, 26 novembre 2020, n° 19-20058
Erreur de l’URSSAF en votre faveur !
La contrainte délivrée par l’URSSAF a pour unique objet le recouvrement des cotisations et contributions sociales et des majorations de retard.
Dans cette affaire, l’URSSAF a procédé au remboursement d’une certaine somme auprès d’une société. Après avoir constaté que la somme remboursée était supérieure au montant dû, l’URSSAF a notifié au cotisant une mise en demeure puis une contrainte.
Le cotisant a saisi une juridiction de sécurité sociale souhaitant s’opposer à cette contrainte.
La Cour de cassation relève que le cotisant s’était acquitté des sommes dont il était redevable de sorte que la contrainte avait pour objet, non le recouvrement des cotisations sociales définitives de l’année en cause, mais le remboursement d’un indu correspondant aux sommes versées par erreur par l’URSSAF. Elle renvoie l’affaire devant les juges du fond.
Civ., 2ème,, 26 novembre 2020, nº 19-21731
Risque contentieux social
Dans quelles conditions un salarié peut prendre des heures de délégation en dehors du temps de travail ?
Selon l’article L.2325-7 du code du travail, les heures de délégation sont payées comme du temps de travail. Ainsi, lorsqu’en raison des nécessités du mandat, les heures sont prises en dehors des horaires de travail, l’employeur doit les rémunérer comme heures supplémentaires.
Dans cette affaire, l’employeur sollicitait le remboursement des heures de délégation prises les dimanches et jours fériés. La Cour de cassation estime qu’il appartenait au salarié de justifier que la prise d’heures de délégation les dimanches et jours fériés, en dehors de son horaire de travail, était justifiée par les nécessités du mandat. L’employeur est donc fondé à solliciter le remboursement de ces heures de délégation.
Soc., 14 octobre 2020, n° 18-24049.
Licenciement économique et responsabilité de l'employeur : faute ou erreur de gestion ?
Si la faute de l’employeur à l’origine de la menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise rendant nécessaire sa réorganisation est de nature à priver de cause réelle et sérieuse les licenciements consécutifs à cette réorganisation, l’erreur éventuellement commise dans l’appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion ne caractérise pas à elle seule une telle faute.
En l’espèce des salariés avaient été licenciés après avoir refusé la modification de leur contrat de travail pour motif économique. En contestation, ils ont saisi la juridiction prud’homale afin que soient jugés sans cause réelle et sérieuse leurs licenciements pour motif économique, estimant que les difficultés économiques étaient imputables à une faute de la société elle-même.
Plus précisément, les salariés reprochent à l’entreprise d’avoir mis à disposition de leur holding, seul actionnaire, des liquidités afin qu’elle procède à une opération de rachat. Ce faisant, la société s’est dépourvue de ressources financières empêchant ou limitant les investissements stratégiques et conduisant à la dégradation de la situation économique.
La Cour de cassation rejette l’argumentation des demandeurs, estimant qu’elle ne permet pas de caractériser une faute à l’origine de la menace pensant sur la compétitive de l’entreprise.
Soc., 4 novembre 2020, n° 18-23029 à 18-23033.
L’action en justice du salarié ne constitue pas une protection automatique contre son licenciement
Dans cette affaire, une société diffusait une note de service portant l’obligation pour le personnel de respecter des lieux de pause désignés à proximité des lieux de collectes des déchets. Deux salariés qui refusaient de se conformer à cette consigne ont saisi le Conseil de Prud’hommes le 4 janvier 2018 dans le cadre de la procédure de référé pour demander la suspension de la note de service.
Le 29 janvier 2018, à la suite d’un contrôle de l’employeur pendant une tournée ils ont été mis à pied à titre conservatoire puis licenciés pour faute grave le 15 février de la même année au motif de la réalisation d’une collecte bilatérale interdite et dangereuse.
Devant le Conseil de Prud’hommes, les salariés estimaient que leur licenciement « intervenait en violation de la liberté fondamentale d’agir en justice et encourait la nullité ».
La Cour de cassation rappelle l’importance de garantir l’exercice de la liberté fondamentale d’agir en justice. Sa position à ce titre est bien connue puisqu’elle sanctionne toutes représailles d’une action en justice intentée contre l’employeur de nullité.
Néanmoins, dans l’arrêt du 4 novembre 2020 elle apporte une précision visant à ne pas priver l’employeur de son pouvoir estimant que « le seul fait qu’une action en justice exercée par le salarié soit contemporaine d’une mesure de licenciement ne fait pas présumer que celle-ci procède d’une atteinte à la liberté fondamentale d’agir en justice ».
Il appartient aux juges du fond d’apprécier sur la base des éléments de fait et de preuve si la sanction est ou non la conséquence de l’action en justice du salarié. En l’espèce les juges ont estimé que la procédure de licenciement était régulière et la lettre de licenciement motivée de sorte que le licenciement n’était pas illicite.
Soc., 4 nov. 2020, n° 19-12.367.
Sur les conditions de mise en place d’une convention de forfait en jours
Si la règle semblait pourtant bien connue, la Cour de cassation a été saisie d’une question relative à la mise en œuvre d’une convention de forfait en jours. C’est après un long visa se référant aux dispositions constitutionnelles, européennes et législatives que la Haute juridiction a rappelé que « la convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ».
A toutes fins utiles, il sera rappelé que le Code du travail prévoit l’obligation pour l’employeur de contrôler régulièrement que la charge de travail du salarié soit raisonnable et compatible avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire mais aussi qu’elle permette de garantir un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée.
Soc., 4 novembre 2020, n° 18-24887.
La charge de la preuve en matière de harcèlement
Un salarié estimait avoir été victime de harcèlement depuis sa désignation en qualité de délégué syndical et sollicitait, à ce titre, des dommages et intérêts.
Il résulte de ces dispositions du Code du travail (L.1152-1 et L.1154-1) que pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits afin d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Pour rejeter les demandes formées au titre d’un harcèlement moral, la Cour d’appel retient que ni le maintien d’un salarié sur son poste correspondant à ses fonctions, son expérience et ses qualifications, même au détriment des prescriptions et restrictions du médecin du travail, ni le refus de mobilité professionnelle ni celui d’accorder des heures supplémentaires ne caractérisent des méthodes de gestion ayant pour objet ou pour effet de dégrader les conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Elle ajoute que les conditions d’emploi du salarié n’ont pas entraîné de dégradation de son état de santé, que les instances représentatives du personnel n’ont jamais été alertées, que la régularisation tardive des heures de délégation s’explique par le retard de transmission du salarié et par le débat qu’il y a eu entre l’employeur et le salarié sur la possibilité de les prendre durant les arrêts de travail. En conséquence, les juges de la Cour d’appel estiment que la matérialité d’éléments de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement, n’est pas démontrée.
La Cour de cassation sanctionne cet arrêt estimant qu’en s’abstenant d’examiner les éléments invoqués par le salarié, de dire s’ils étaient matériellement établis, et, dans l’affirmative, d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l’existence d’un harcèlement moral, la Cour d’appel a fait peser la charge de la preuve de l’existence du harcèlement moral sur le seul salarié.
Soc., 9 décembre 2020, n° 19-13470
La faute grave n’exclut pas l’indemnisation du préjudice né des circonstances vexatoires du licenciement.
Dans cette affaire, un salarié licencié pour faute grave fait grief à l’employeur d’avoir rompu le contrat de travail dans des conditions vexatoires et sollicite à ce titre des dommages et intérêts.
Si la Cour d’appel n’a pas retenu l’argumentation du demandeur, la Cour de cassation estime que « même lorsqu’il est justifié par une faute grave du salarié, le licenciement peut causer à celui-ci, en raison des circonstances vexatoires qui l’ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation ».
En l’espèce, l’employeur a rendu public les motifs du licenciement du salarié, en prétendant qu’il prenait de la drogue et qu’il était un voleur, causant ainsi au salarié un préjudice distinct de celui relatif à la perte de son emploi.
Soc., 16 décembre 2020, n° 18-23966
Risque pénal
Des propos flatteurs répétés peuvent créer une situation offensante
Dans cette affaire, une salariée a été déclarée inapte par le médecin du travail pour une durée d’un mois en raison d’une situation de harcèlement. Parallèlement, la salariée a déposé plainte contre un collègue pour ces mêmes faits, ce dernier ayant été poursuivi devant le tribunal correctionnel.
En défense, le prévenu estime que les propos tenus ne sauraient constituer un harcèlement dans la mesure où ils étaient valorisants pour la salariée et dépourvus de caractère insultant.
La Cour d’appel confirmée par la Cour de cassation ne suit pas son raisonnement. Les juges relèvent que la victime avait, à plusieurs reprises, exprimé de façon ferme et explicite qu’elle n’entendait nullement répondre favorablement aux avances de l’auteur et l’invitait à cesser de lui écrire. Ainsi, dans la mesure où le prévenu a imposé, d’une façon réitérée à la salariée, « des propos à connotation sexuelle, en dehors de tout contexte de plaisanterie ou de familiarité, créant à son encontre une situation offensante, génératrice d’une incapacité de travail ».
Le prévenu est condamné à une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis et au versement de dommages-intérêts.
Crim., 18 novembre 2020, n° 19-81.790
Revirement de jurisprudence s’agissant de la responsabilité de la société absorbante pour des faits antérieurs à la fusion.
C’est sous l’influence du droit européen et du droit communautaire que la Cour de cassation a fait évoluer sa jurisprudence s’agissant du transfert de responsabilité pénale d’une personne morale en cas de fusion-absorption en considérant que la fusion ne fait plus nécessairement obstacle à l’engagement de la responsabilité pénale de la société absorbante.
Dans cette affaire, une société était mise en cause pour destruction involontaire par incendie et avait été absorbée par une autre société avant d’être convoquée devant le tribunal correctionnel. La requérante faisait valoir que le principe de personnalité des délits et des peines, énoncé à l’article 121-1 du code pénal s’opposait à toute poursuite contre la société absorbante.
Sur la question de savoir si la société absorbante peut être condamnée pour des faits commis par la société absorbée avant la fusion, la Cour de cassation juge désormais : « qu’en cas de fusion absorption d’une société par une autre société entrant dans le champ de la directive 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978 relative à la fusion des sociétés anonymes, codifiée en dernier lieu par la directive (UE) 2017/1132 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017, la société absorbante peut être condamnée pénalement à une peine d’amende ou de confiscation pour des faits constitutifs d’une infraction commise par la société absorbée avant l’opération ».
Crim., 25 novembre 2020, n° 18-86955.
Risque environnemental
Les conditions de réparation du préjudice écologique sont-elles conformes à la Constitution ?
Plusieurs associations de protection de l’environnement ont soulevé une interrogation s’agissant de la constitutionnalité de l’article 1247 du Code civil lequel limite le préjudice écologique réparable à « l’atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ».
Selon les requérants, cette disposition serait contraire aux articles 3 et 4 de la Charte de l’environnement aux termes desquels toute personne doit prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences ainsi que contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, sans qu’aucune limitation ne soit posée concernant la gravité du préjudice en cause.
Relevant que les questions relatives à l’environnement sont de plus en plus présentes dans le débat public et considérant que toutes les exigences relatives à la transmission de la question étaient réunies, la Cour de cassation a renvoyé la question au Conseil constitutionnel. Ce dernier devra statuer sur la conformité de l’article 1247 du Code civil aux articles 3 et 4 de la charte de l’environnement laquelle a une valeur constitutionnelle.
Crim., QPC, 10 novembre 2020, nº 20-82245