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De l’importance d’une défense de l’employeur en matière de faute inexcusable
Sanction du salarié qui dénonce de mauvaise foi une discrimination
Risque hygiène sécurité
Maladie ne remplissant pas les conditions du tableau : avis indispensable du CRRMP
Reconnaissance de l'origine professionnelle d'un syndrome anxio-dépressif chez un salarié à l'origine du fait accidentel
Faute inexcusable en l'absence de consignes claires de sécurité
AT/MP : 5 ans pour contester l'opposabilité de la décision de prise en charge
Comment rédiger des réserves motivées ?
Risque contentieux social
Le salarié qui se tient à la disposition de son employeur est en astreinte
Pas de cumul d'indemnisation dans le cadre de la contestation d'un licenciement économique
Sur la tentative de remise en cause de la transaction par le salarié
Heures supplémentaires : qu'est ce qui caractérise un élément suffisamment précis ?
Harcèlement : le salarié mis en cause n'a pas à être prévenu de l'enquête diligentée par l'employeur
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Accident sur un chantier : quelle responsabilité pour le maitre d’ouvrage ?
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De l’importance d’une défense de l’employeur en matière de faute inexcusable
Dans le prolongement de notre intervention organisée en partenariat avec Préventica, nous vous proposons de trouver ci-après la synthèse de nos développements présentés lors de ce webinaire du 25 mars consacré à la défense de l’employeur en matière de faute inexcusable.
L’arrêt rendu le 8 octobre 2020 (n°18-25021) par la 2ème chambre civile a pu laisser penser que le changement de sémantique ne venait pas modifier la définition de la faute inexcusable. Mais à travers celui-ci, c’est bien l’ordonnancement de la preuve que l’employeur doit rapporter qui a été modifié. Ainsi et privilégiant l’efficience de la prévention, à la preuve de la conscience du danger, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation restreint davantage les moyens de défense de l’employeur.
Nous aurions pu penser que cette évolution aurait pu s’analyser de paire avec celle propre à l’obligation de sécurité de résultat appréhendée par la chambre sociale, cette dernière autorisant l’employeur à invoquer une exonération de responsabilité, sous réserve qu’il rapporte la preuve des mesures de prévention prises. Mais conjuguée au danger, l’obligation de prévention devient finalement un facteur aggravant de responsabilité puisque de la survenance du premier résulte la preuve de l’insuffisance de la seconde.
Pour ce webinaire que vous retrouverez en replay sur le site du cabinet et celui de Préventica, nous avons pu reprendre les éléments propres à la défense de l’employeur. Ne pouvant retranscrire dans la présente revue l’exhaustivité des points abordés, nous avons choisi de suivre la ligne de défense évoquée avec trois aspects liés à une exigence de défense globale. Le premier porte sur la remise en cause du caractère professionnel du sinistre (I), le second sur la contestation de la conscience danger (II) et le dernier sur les limites de l’inopposabilité de la décision de prise en charge (III).
I- Sur la remise en cause du caractère professionnel du sinistre (AT ou MP)
Il est nécessaire de rappeler d’une part que la faute inexcusable a pour fondement la prise en charge, au titre des risques professionnels, d’une atteinte à l’intégrité physique ou psychique, celle-ci pouvant se matérialiser par un accident de travail ou une maladie professionnelle. D’autre part que cette imputabilité professionnelle peut certes résulter d’une exposition (soudaine ou prolongée) à l’origine des lésions, mais également d’une erreur de procédure imputable à la CPAM. La question se pose donc de la possible remise en cause de ladite imputabilité dans le cadre d’une action en faute inexcusable.
Dans un arrêt du 5 février 2021 (n°19-04354), la Cour d’appel d’Aix en Provence a été saisi d’une action en faute inexcusable initiée par un assuré qui s’était vu reconnaitre le caractère professionnel d’un cancer du rein, alors qu’il s’agissait d’une maladie hors tableau d’une part, que le CRRMP de Marseille avait rendu un avis négatif d’autre part, au seul motif que la CPAM n’avait pas respecté le délai visé à l’article R441-10 du Code de sécurité sociale, justifiant ainsi de la prise en charge. En l’espèce, la CPAM ne justifiait pas la notification de l’information relative au délai complémentaire.
Sur la base de cette décision et d’une consolidation de son état de santé à 35%, le salarié a saisi la juridiction sociale d’une action en faute inexcusable. Dans le cadre de la procédure pour faute, deux autres CRRMP ont été saisis, rendant chacun un avis défavorable du fait de l’absence de lien entre la pathologie et le travail habituel du salarié.
Au soutien de son argumentation relative à la faute inexcusable, le requérant rappelait que cette dernière ne devait pas présenter une causalité déterminante, mais uniquement nécessaire et que cela n’était pas contraire à l’absence de causalité professionnelle relevée par les divers CRRMP saisis.
Sur la base de la procédure de reconnaissance et de faute, la Cour d’appel rappelle que pas moins de quatre CRRMP ont été saisis de cette problématique et qu’aucuns n’a établi de lien direct, rendant la désignation d’un nouveau comité superfétatoire, en conséquence de quoi, la remise en cause du caractère professionnel de la maladie, par l’employeur directement à l’encontre du requérant, lui a permis d’obtenir le débouté de l’action en faute inexcusable puisqu’indépendamment de la prise en charge, l’imputabilité professionnelle n’était pas établie.
Toutefois cette remise en cause du caractère professionnel du sinistre obéit à un régime probatoire strict dans la mesure où il appartient à l’employeur de rapporter la preuve d’une cause totalement étrangère. Si dans l’espèce précédente, l’argumentation était facilitée par les avis des CRRMP, dans un arrêt du 28 janvier 2021 (n°19-25722), la 2ème chambre civile a considéré que le syndrome anxiodépressif réactionnel diagnostiqué chez un salarié après qu’il a lui-même déclenché une altercation avec son supérieur hiérarchique est bien d’origine professionnelle, peu important que le salarié ait été « exclusivement à l’origine du différend ».
Ainsi, seule la preuve d’une cause totalement étrangère, soit dans la matérialité d’un fait accidentel, soit dans l’exposition pathogène ou l’imputabilité médicale sera efficiente pour contester le fondement de l’action en faute inexcusable. Ne s’agissant pas d’un élément d’ordre public, il appartiendra à l’employeur, dans le cadre de sa défense, de veiller à présenter cet argument avant la défense relative à la faute inexcusable, puisque de l’efficience du premier dépendra le succès de la seconde.
II- Sur l’absence de conscience du danger et la faute volontaire du salarié
Si le caractère professionnel d’un accident est établi sur la base de la présomption d’imputabilité, selon que le fait se déroule au temps et lieu de travail, il est acquis que dans cette hypothèse, la causalité fautive du salarié est inopérante dans la contestation de la prise en charge.
Par contre, se pose la question de l’efficience de cet argument en matière de faute inexcusable.
Dans un arrêt du 4 avril 2019 (n°18-14009), la Cour de cassation a reconnu la conscience du danger de l’employeur au motif que le salarié occupait un poste à risque (en l’espèce poste en hauteur), et que la simple signature d’un document intitulé « fiche d’accueil des nouveaux embauchés et intérimaires », mentionnant la présentation de plusieurs documents relatifs à la sécurité ne permettait pas d’établir que la victime avait bénéficié d’une formation renforcée à la sécurité ainsi que d’un accueil et d’une information adaptés ». Une motivation similaire a été rendue dans un arrêt du 29 mai 2019 (n°18-17297) dans lequel la Cour a fait grief à l’employeur de ne pas avoir donné de « consigne de sécurité particulière pour ce type d’intervention ».
Si l’imprécision (ou l’absence) des consignes de sécurité établit une responsabilité de l’employeur tant quant à la conscience du danger qu’à l’absence de prévention, l’initiative personnelle du salarié, confinant à une démarche fautive, permettrait-elle d’exonérer l’employeur qui n’a pu anticiper une telle situation ?
Dans un arrêt du 24 septembre 2020 (n°18-26155), la 2ème chambre civile considère que le salarié a commis une faute inexcusable, exclusive de celle de l’employeur, considérant que le fait accidentel ressortait « de la seule initiative du salarié (…) alors qu’en raison de son expérience et de ses compétences, il ne pouvait ignorer le danger d’une telle manœuvre ». Ainsi, le salarié ayant, « de sa propre autorité, sans raison valable, commis une faute volontaire d’une exceptionnelle gravité, l’exposant à un danger dont il aurait dû avoir conscience », il a été débouté de son action en faute inexcusable.
Les hypothèses d’une telle faute opposée au salarié restant rares, nous pouvons considérer que les critères visés par la Cour de cassation sont cumulatifs et que l’absence de l’un d’eux suffit à reconnaitre la faute de l’employeur, notamment sur la problématique de la formation. Là encore, la défense devant être anticipée, il est nécessaire de disposer des justificatifs des formations détaillées et des fiches de poste précises pour envisager une telle stratégie
III- Sur l’effet de l’inopposabilité sur l’action récursoire de la CPAM
La loi n°2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 a supprimé la possibilité d’invoquer l’inopposabilité de la décision de prise en charge d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Ainsi et à compter du 1er janvier 2013, l’employeur doit s’acquitter des sommes dont il est redevable auprès de la CPAM en cas de reconnaissance de sa faute inexcusable.
Lorsque l’inopposabilité avait été obtenue sur la forme, une telle disposition ne posait pas de difficulté. Le législateur faisait désormais la part des choses entre la responsabilité de la CPAM en matière de prise en charge et partant de fixation du taux de cotisation AT/MP et celle de l’employeur, comme auteur d’une faute inexcusable et débiteur, à ce titre, d’une indemnisation complémentaire.
Dans son rapport de 2015 et un arrêt du 5 novembre 2015 (n° 18-28373), la Cour de cassation rappelle si la décision de prise en charge de la caisse lui est opposable, l’employeur demeure néanmoins recevable à contester le caractère professionnel de l’accident du travail, de la maladie professionnelle ou de la rechute lorsque sa faute inexcusable est recherchée par la victime ou ses ayants droit. Ainsi, la Cour indique pour souligner la distinction entre, d’une part, la prise en charge au titre de la législation professionnelle des accidents du travail et maladies professionnelles et, d’autre part, la reconnaissance et l’indemnisation de la faute inexcusable, que la prise en charge ou le refus de prise en charge par la caisse, au titre de la législation professionnelle, de l’accident, de la maladie ou de la rechute est sans incidence sur l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
Dans un arrêt du 26 novembre 2020 (n°19-21890), la 2ème chambre civile suit la jurisprudence évoquée et rappelle que l’inopposabilité de la prise en charge (du suicide) est sans incidence sur l’action en reconnaissance de la faute de l’employeur d’une part et ne fait pas obstacle à l’action récursoire de la CPAM d’autre part. Bien qu’ayant obtenu l’inopposabilité sur le fond, il appartenait à l’employeur de remettre en cause le caractère professionnel de l’accident, à défaut de quoi celui-ci lui restait opposable et la CPAM pouvait prétendre à son action récursoire.
La spécificité de cette affaire était également juridictionnelle, puisqu’il s’agissait de deux recours ayant donné lieu à jonction, rendant d’autant plus que nécessaire la mise en œuvre d’une stratégie de défense globale, puisque la preuve d’une cause totalement étrangère au suicide survenu hors temps de travail, ne pouvait être rapportée du seul prononcé de l’inopposabilité.
A ce jour et concernant la majoration de rente, les employeurs sont toujours recevables à invoquer l’autorité de chose jugée en cas de réduction du taux d’incapacité, suite à leur action, pour limiter l’assiette de calcul de ladite majoration, dans leur rapport avec la CPAM. Mais à l’analyse de l’arrêt de novembre 2020, nous serions tentés de considérer qu’un tel argument pourrait être finalement rejeté par la Cour, décidant de faire la distinction, sur l’ensemble des composantes des contentieux initiés par les employeurs, entre une décision obtenue pour l’optimisation de taux de cotisation et la conséquence de la responsabilité pour faute inexcusable.
Sanction du salarié qui dénonce de mauvaise foi une discrimination
C’est la première fois que la Cour de cassation était appelée à se prononcer dans une affaire où un salarié avait été licencié pour avoir dénoncé, de mauvaise foi, des faits de discrimination.
En l’espèce, le 27 février 2012, le salarié, employé en qualité d’ingénieur, a adressé un courrier au président du groupe ainsi qu’à son supérieur hiérarchique pour dénoncer des faits de discrimination en raison de son origine de la part du directeur commercial. Il a également saisi le Défenseur des droits, lequel a classé l’affaire le 22 décembre 2014. A l’issue d’une procédure disciplinaire dirigée à son encontre, le salarié a été licencié pour faute grave le 22 mars 2012. L’employeur lui reprochait d’avoir proféré des accusations de discrimination en raison de son origine dont, selon la lettre de licenciement, il avait conscience du caractère fallacieux.
Souhaitant contester cette décision, le salarié a saisi la juridiction prud’homale.
Le demandeur a été débouté de sa demande par les juges du fond.
Saisie d’un pourvoi, la chambre sociale de la Cour de cassation va rappeler les dispositions de l’article L.1123-3 du code du travail selon lesquelles : aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements discriminatoires ou pour les avoir relatés.
Au visa de cet article, la haute juridiction estime que « le salarié qui relate des faits de discrimination ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ».
Autrement dit, le législateur a instauré un certain nombre de mécanismes de protection en cas de dénonciation, sans que celle-ci soit sans limite, notamment lorsqu’il apparait que la dénonciation a été faite de mauvaise foi.
La loi protège les salariés qui dénoncent des faits de discrimination qu’ils soient ou non victime directe des agissements. A l’instar du régime de protection en matière de harcèlement ou encore de celui du lanceur d’alerte, la dénonciation de bonne foi de faits de discrimination ne saurait entraîner une quelconque sanction de la part de l’employeur.
Sans remettre en cause le bienfondé de ces dispositions, il convient tout de même de relever que l’employeur peut être confronté à un salarié mal intentionné, qui dénoncerait des faits dont il connait le caractère fallacieux.
La question qui se pose alors est celle de savoir comment l’employeur peut prouver la mauvaise foi du salarié ? Les enjeux sont multiples, dans la mesure où cette preuve permettra à l’employeur de justifier de l’engagement d’une procédure disciplinaire, de la gravité de la faute et, d’échapper à la nullité du licenciement en cas de contentieux.
Ainsi, il appartiendra à l’employeur de démontrer d’une part la fausseté des faits dénoncés et, d’autre part, la mauvaise foi du salarié entendue comme la connaissance par ce dernier du caractère fallacieux des faits dénoncés.
Selon l’article L.1132-3-3 du code du travail le salarié qui dénonce des faits doit le faire de bonne foi. Cette exigence n’empêche pas que dans le cadre d’une stratégie précontentieuse, un salarié malintentionné invoque des faits de harcèlement ou de discrimination pour bénéficier d’une protection contre le licenciement. Dans tous les cas, le salarié qui dénonce de tels faits peut se prévaloir de la présomption de bonne foi posée par l’article 2268 du code civil selon lequel « la bonne foi est toujours présumée, et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver ».
Si les mécanismes juridiques de protection du salarié sont importants et que le régime probatoire est défavorable à l’employeur, la preuve n’est pas impossible à rapporter. En effet, dans le cadre du contrôle opéré par les juges, ces derniers vont pouvoir caractériser la mauvaise foi du salarié en analysant son comportement.
S’agissant du cas d’espèce, les juges du fond ont relevé que l’employeur démontrait que plusieurs propositions de missions avaient été faites au salarié qui se trouvait en inter-contrat, que celui-ci avait refusé d’effectuer une mission et que, dans le même temps, il alléguait auprès du Défenseur des droits et de ses supérieurs hiérarchiques pour la première fois une situation de discrimination en raison de ses origines, que l’allégation ayant été faite par le salarié en des termes très généraux sans invoquer de faits circonstanciés.
Les juges ont également relevé que le salarié était dès le mois de décembre 2011 déterminé à quitter l’entreprise, son désengagement professionnel durant la période d’inter-contrat montrant sa volonté d’obtenir une rupture conventionnelle du contrat de travail en cherchant à imposer ses conditions financières, et qu’aucune alerte n’avait été faite durant la relation de travail auprès des délégués du personnel, de la médecine du travail ou de l’inspection du travail. Par ailleurs, le salarié n’avait fait aucun lien avec ses origines avant les emails adressés à ses supérieurs hiérarchiques et au Défenseur des droits en février 2012. Sur la base de l’ensemble de ces éléments, la Cour de cassation a estimé que « la cour d’appel a pu en déduire que le salarié connaissait la fausseté des faits allégués de discrimination en raison de son origine ».
Cette décision s’inscrit dans la droite ligne de la position de la Cour de cassation s’agissant de la dénonciation de mauvaise foi de faits de harcèlement pour laquelle la Cour de cassation valide l’appréciation des juges du fond qui détaillent l’ensemble des circonstances de faits qui permettent de déduire que le salarié avait connaissance de la fausseté de ses allégations de harcèlement moral (Soc. 16 septembre 2020 n° 18-26696).
A contrario, le fait que la plainte déposée par le salarié ait été classée sans suite ne permets pas de caractériser sa mauvaise foi (Soc. 8 juillet 2020, n° 18-13593), étant rappelé que la mauvaise foi ne saurait être déduite du seul fait que les faits dénoncés ne sont pas avérés.
Pour conclure, la mauvaise foi ne résulte que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits dénoncés de sorte qu’il appartient à l’employeur de prouver que ce dernier avait conscience du caractère fallacieux des faits allégués. Si la Cour de cassation ne semble pas exiger qu’il soit fait expressément mention de la mauvaise foi dans la lettre de licenciement (Soc., 16 septembre 2020 n° 18-26696) ce motif mérite à notre sens d’être mentionné, a fortiori lorsqu’il constitue la principale motivation du licenciement. En tout état de cause, l’employeur devra être en mesure d’apporter des éléments de preuve suffisant pour justifier de la mauvaise foi du salarié dans le cadre de l’instance prud’homale.
En parallèle, l’opportunité d’une action en responsabilité pénale doit être étudiée notamment sur le fondement de la diffamation. A ce titre, la Cour de cassation s’est déjà prononcée en ce sens dans une affaire de harcèlement où le salarié a été condamné pour avoir révélé les faits à d’autres personnes que son employeur ou les organes chargés de veiller à l’application des dispositions du code du travail (Soc., 26 novembre 2019, n° 19-80360).
Risque hygiène sécurité
Maladie ne remplissant pas les conditions du tableau : avis indispensable du CRRMP
Pour rappel, dans le cadre d’une demande de reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie, si une ou plusieurs des conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie, telle qu’elle est désignée dans un des tableaux de maladies professionnelles, peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle a été directement causée par le travail habituel de la victime. Dans un tel cas, la Caisse est tenue de saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).
En l’espèce, la Caisse avait refusé de prendre en charge une maladie sans avoir saisi le CRRMP. La veuve de la victime contestait cette décision devant les juridictions de sécurité sociale.
En appel, les juges ont rejeté la demande considérant d’une part que la preuve d’une exposition aux produits chimiques listés au tableau 15 ter n’était pas rapportée, de sorte que le caractère professionnel de la maladie n’était pas établi et, d’autre part, qu’en l’absence d’exposition avérée, le CRRMP n’avait pas à être saisi.
La Cour de cassation sanctionne la décision des juges du fond estimant qu’ils ne pouvaient statuer sans que l’avis d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ait été recueilli.
Civ. 2ème, 28 janvier 2021 n° 19-22958.
Reconnaissance de l'origine professionnelle d'un syndrome anxio-dépressif chez un salarié à l'origine du fait accidentel
La Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur le fait de savoir si un syndrome anxio-dépressif réactionnel peut être considéré comme un accident du travail lorsque le salarié est lui-même à l’origine de l’altercation avec son supérieur hiérarchique. En l’espèce, le différend portait sur un casier d’habillement.
A la suite de cet incident, le salarié avait consulté son médecin traitant et le médecin du travail. Tous deux avaient constaté un syndrome anxio-dépressif.
A l’issue de l’instruction diligentée par la Caisse, et compte tenu des attestations fournies par l’employeur, le caractère professionnel de ce sinistre était écarté. Souhaitant contester cette décision, le salarié a formé un recours devant les juridictions de sécurité sociale.
Il sera rappelé que la présomption posée à l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale, s’agissant de l’origine professionnelle d’une lésion survenue au temps et au lieu de travail est une présomption simple. Autrement dit, elle peut être renversée par la preuve d’une cause totalement étrangère au travail.
La Cour d’appel a confirmé la décision de la Caisse de ne pas prendre en charge cet accident relevant que le salarié était exclusivement à l’origine du différend avec son responsable.
La Cour de cassation sanctionne l’analyse des juges du fond considérant qu’ils devaient rechercher si l’accident avait une cause totalement étrangère au travail. Autrement dit, la Cour de cassation semble faire une distinction entre l’objet de l’altercation et l’identité de la personne qui en est à l’origine.
Civ., 2ème, 28 janvier 2021, n° 19-25722.
Faute inexcusable en l'absence de consignes claires de sécurité
Le manquement à l’obligation de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
En l’espèce, la victime venait de stationner son camion dans une entreprise partenaire et a été percutée par un chariot élévateur circulant dans une zone non autorisée pour ce type d’engins. Il convient de relever que la victime n’empruntait pas non plus les passages prévus pour se rendre à l’accueil de l’établissement, préférant choisir une trajectoire directe.
Les juges estiment que l’employeur ne saurait prétendre qu’il n’avait pas conscience du danger dans la mesure où il avait signé le protocole d’accueil de l’entreprise partenaire. Ce document comprenait un ensemble de consignes liées aux déplacements en présence de piétons, chariots élévateurs, poids lourds, ainsi qu’un plan de circulation permettant de visualiser les zones de circulation dédiées aux piétons.
Les juges relèvent que les pièces fournies par l’employeur (plan de prévention, action de formation) ne permettent pas d’établir que le protocole d’accueil signé par l’employeur avait effectivement été porté à la connaissance du salarié et que les consignes lui avaient été rappelées.
Sur la base de ces éléments les juges déduisent l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur.
Civ., 2ème, 18 février 2021, n° 19-23871.
AT/MP : 5 ans pour contester l'opposabilité de la décision de prise en charge
Revenant sur sa jurisprudence, la Cour de cassation décide que l’action de l’employeur en inopposabilité d’une décision de prise en charge d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle se prescrit désormais par 5 ans, sous réserve d’une notification en courrier simple ou d’une absence de notification.
L’employeur est bienfondé à solliciter l’inopposabilité d’une décision de prise en charge d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, lorsque celle-ci est intervenue à l’issue d’une procédure irrégulière, notamment en l’absence du respect du principe du contradictoire.
Jusqu’à présent, l’employeur pouvait engager un recours sans limitation de temps, conduisant comme le relevait la doctrine à une imprescriptibilité de ce recours.
Par deux arrêts du 18 février 2021, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation soumet désormais le recours de l’employeur à la prescription quinquennale prévue à l’article 2224 du code civil.
Civ., 2ème, 18 février 2021 n°19-25886 et n° 19-25887.
Comment rédiger des réserves motivées ?
A la suite de la déclaration d’un accident du travail, l’employeur dispose d’un délai de 10 jours francs pour émettre des réserves motivées auprès de la CPAM, le contraignant ainsi à diligenter une enquête avant de statuer sur la prise en charge du sinistre. Pour que le courrier soit recevable, il appartient à l’employeur de motiver ses réserves.
Sur quels éléments se base la Cour de cassation pour apprécier du caractère motivé ou non des réserves ? Comment rédiger des réserves motivées ?
Selon la Cour de cassation, les réserves sont « motivées » lorsque la contestation du caractère professionnel de l’accident porte sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l’existence d’une cause totalement étrangère au travail.
Il convient de préciser qu’au stade des réserves, l’employeur n’est pas tenu de rapporter la preuve de leur bienfondé (Civ., 2ème, 26 novembre 2020, n° 19-20058).
Dans un arrêt du 18 mars 2021, la Haute juridiction s’est prononcée sur le caractère motivé des réserves suivantes : « nous souhaitons vous faire part de nos plus sérieuses réserves quant à l’origine professionnelle de l’accident. En effet, la victime ne nous a pas prévenus à la fin de sa journée de travail de la survenance de son présumé accident. Nous n’avons été informés des faits que le lendemain. Au vu de ces éléments, il n’existe pas de preuve de penser que les causes de cet accident soient liées à son activité salariée de la veille. »
Les juges relèvent que l’employeur avait formulé, lors de la déclaration de l’accident, des réserves sur les circonstances de temps et de lieu de l’accident ainsi que sur la matérialité même du fait accidentel, de sorte que la caisse ne pouvait prendre sa décision sans procéder à une instruction préalable. Par conséquent, la décision de prise en charge est déclarée inopposable à l’employeur.
Civ., 2ème, 18 mars 2021, n° 20-10411.
Risque contentieux social
Le salarié qui se tient à la disposition de son employeur est en astreinte
Dans cette affaire, un salarié s’était engagé à réserver un certain nombre de jours de disponibilité sur l’année, afin de répondre aux besoins de l’entreprise, en contrepartie de la garantie d’une durée minimale annuelle de travail.
Soutenant que ces journées de disponibilité constituaient des astreintes, il a saisi la juridiction prud’homale en vue d’obtenir l’indemnisation de ces temps.
La Cour d’appel rejette sa demande au motif qu’il avait la possibilité de déterminer, de modifier voire même d’annuler les jours de disponibilité et que son employeur ne lui imposait pas de demeurer à son domicile.
La décision des juges du fond est cassée au visa de l’article L 3121-5 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016. Pour la Cour de cassation, l’obligation pour le salarié de se rendre disponible certains jours afin d’être joint pour répondre aux besoins de l’entreprise caractérise l’existence d’astreintes. Autrement dit, la souplesse d’organisation n’exclut pas les contraintes imposées au salarié de sorte que ces temps doivent être qualifiés d’astreinte.
L’interprétation des juges est conforme aux dispositions actuelles de l’article L.3121-9 du Code du travail lequel définit la période d’astreinte comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.
Soc., 20 janvier 2021, n° 19-10956
Pas de cumul d'indemnisation dans le cadre de la contestation d'un licenciement économique
Dans cette affaire, des salariés licenciés pour motif économique ont bénéficié d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi et du manquement de l’employeur à son obligation de reclassement.
Certains ont formé une action en responsabilité contre l’organisme bancaire qui avait accordé des crédits ruineux à leur employeur et sollicitaient l’indemnisation des préjudices relatifs à la perte de leur emploi et à la perte de chance d’un retour à l’emploi.
La question posée à la chambre sociale était inédite en ce que les salariés demandaient la condamnation de la banque alors qu’ils avaient déjà bénéficié du versement d’une indemnité de licenciement dans le cadre du PSE et d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse devant la juridiction prud’homale.
La jurisprudence est très claire sur la réparation des préjudices et censure les décisions qui aboutissent à réparer deux fois le même préjudice. En ce sens, il appartenait aux demandeurs de rapporter la preuve que l’indemnisation sollicitée auprès de la banque était distincte de celle obtenue dans le cadre de l’action prud’homale.
Aux visas des articles L.1234-9 et L.1235-3 du code du travail la Cour de cassation rappelle d’une part que l’indemnité de licenciement est la contrepartie du droit de l’employeur de résilier unilatéralement le contrat de travail et, d’autre part, que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte d’emploi.
Elle confirme la décision des juges du fond lesquels ont considéré que les préjudices allégués avaient déjà été indemnisés.
Soc., 27 janvier 2021, n° 18-23535.
Sur la tentative de remise en cause de la transaction par le salarié
Un salarié dont le contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence a été licencié pour motif personnel le 16 mars 2015. Un protocole transactionnel a été signé le 30 mars 2015.
Le salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en paiement de la contrepartie financière relative à la clause de non-concurrence.
La Cour d’appel, faisant droit à sa demande, a condamné l’employeur à lui verser la somme de près de 40.000€ estimant qu’il ne justifiait pas avoir expressément levé la clause de non-concurrence, ni à l’occasion du licenciement, ni postérieurement. A la lecture de la transaction, les juges retiennent également qu’elle ne règle pas spécifiquement la question de l’indemnité de non-concurrence due au salarié.
Souhaitant contester cette décision, l’employeur a formé un pourvoi en cassation.
Au visa des articles 2044 et 2052 du code civil, les juges de la chambre sociale cassent l’arrêt d’appel. Ils estiment que dans le cadre des concessions réciproques des parties, ces dernières étaient remplies de tous leurs droits et que pour mettre fin à tout différend né ou à naître, elles avaient renoncé à toute action.
Soc., 17 février 2021, n° 19-20635.
Heures supplémentaires : qu'est ce qui caractérise un élément suffisamment précis ?
La Cour de cassation exige que le salarié qui sollicite le paiement d’heures supplémentaires rapporte des éléments suffisamment précis au soutien de sa demande.
Dans deux affaires plus anciennes (Soc., 18 mars 2020 n° 18-10919 et Soc., 27 janvier 2021 n° 17-31046) la Cour de cassation a précisé cette notion considérant qu’« en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant ».
Autrement dit, le demandeur ne peut pas se contenter de procéder par voie d’affirmation, sans pour autant être tenu à l’impossible dans la mesure où l’employeur, de par ses fonctions, détient des éléments relatifs au temps de travail de ses salariés. Il appartient donc au demandeur de rapporter des éléments factuels afin de permettre au juge de former sa conviction au regard des éléments fournis par les deux parties.
Dans une nouvelle affaire, ayant donné lieu à un arrêt de la chambre sociale du 10 mars 2021, les juges ont une nouvelle fois été amenés à se prononcer sur une demande de paiement des heures supplémentaire. En l’espèce, le salarié savait qu’un contentieux existait avec son employeur. Il justifiait lui avoir demandé à de multiples reprises le récapitulatif d’heures, semaine après semaine mais s’est contenté de réclamer un nombre d’heures supplémentaires mensuelles sans justification aucune de son activité.
Par conséquent, la Cour de cassation dans la droite ligne de sa jurisprudence a confirmé l’analyse de la Cour d’appel qui a estimé que le salarié ne présentait pas, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétendait avoir accomplies, afin de permettre à l’employeur d’y répondre en produisant ses propres éléments
Soc., 10 mars 2021, n° 19-19031
Harcèlement : le salarié mis en cause n'a pas à être prévenu de l'enquête diligentée par l'employeur
Dans cette affaire, une salariée fait grief à l’employeur de ne pas l’avoir informé qu’une enquête a été diligentée à son encontre suite à la dénonciation de fait de harcèlement moral.
Il sera utilement rappelé que l’employeur doit prendre toutes les mesures pour, d’une part, prévenir les agissements de harcèlement moral et, d’autre part, les faire cesser. A défaut, sa responsabilité peut être engagé pour manquement à son obligation d’assurer la sécurité et de protéger la santé des salariés. La Cour de cassation a d’ailleurs rendu une décision en ce sens, constatant que l’employeur n’avait pas diligenté d’enquête interne suite à la dénonciation de faits de harcèlement moral (Soc., 27 novembre 2019, n° 18-10551).
En l’espèce, après le signalement des faits l’employeur a, avec l’accord des représentants du personnel, confié une mission expertale à une entreprise extérieure spécialisée en risques psychosociaux. Le rapport d’enquête a révélé que la salariée mise en cause avait proféré des insultes à caractère racial et discriminatoire et causé des perturbations importantes dans l’organisation de l’entreprise. En conséquence, cette dernière a été licenciée pour faute grave.
Dans le cadre du contrôle opéré par les juges du fond, ces derniers ont écarté le compte rendu de l’enquête et déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ils estimaient que ce compte rendu constituait un mode de preuve illicite pour avoir été obtenu de manière déloyale dans la mesure où la salariée mise en cause n’avait pas été informée de l’enquête, ni même été entendue dans le cadre de celle-ci.
La Cour de cassation sanctionne les juges du fond. Elle estime que les dispositions de l’article L 1222-4 du Code du travail selon lesquelles aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté à sa connaissance, ne s’appliquent pas à une enquête interne consécutive à la dénonciation de faits de harcèlement moral. Ainsi, cette enquête ne constitue pas une preuve déloyale.
Soc., 17 mars 2021, n° 18-25597.
Impossibilité de reclassement
A la suite d’un accident du travail, un salarié a été déclaré inapte à son poste de travail. Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Devant la juridiction prud’homale, le salarié sollicitait une indemnité pour défaut de notification préalable des motifs qui s’opposaient à son reclassement.
Le code du travail prévoit plusieurs règles s’agissant de l’obligation de reclassement. Selon l’article L.1226-12 du code du travail, lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement. L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L.1226-10, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi.
Autrement dit, l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues au code du travail et en tenant compte des prescriptions du médecin du travail.
La jurisprudence considère que lorsque le salarié refuse un emploi proposé par l’employeur dans les conditions prévues au code du travail, ce dernier n’est pas tenu de lui faire connaitre par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement, quand il est dans l’impossibilité de lui proposer un autre emploi.
Soc., 24 mars 2021, n° 19-21263.
Aménagement de poste nécessitant une modification du contrat de travail
Dans cette affaire, un salarié d’un casino a contesté l’avis d’inaptitude du médecin du travail, lequel était rédigé en ces termes : « conformément à l’article R. 4624-42 du code du travail, confirmation de l’inaptitude au poste de travail de caissier. Contre-indication à tout travail de nuit après 22h ; possibilité de tout autre poste de travail respectant cette contre-indication ; capacité à bénéficier d’une formation”.
L’employeur fait grief à la juridiction prud’homale d’avoir substitué à l’avis d’inaptitude un avis d’aptitude au poste de changeur traiteur de monnaie, maintenant des réserves concernant le travail de nuit.
Selon l’analyse de la Cour d’appel, confirmée par la Cour de cassation, le fait que les mesures d’aménagement préconisées entraînent une modification du contrat de travail du salarié n’implique pas, en soi, la formulation d’un avis d’inaptitude. En l’espèce, les restrictions émises par le médecin du travail ne concernaient que le travail de nuit après 22 heures, de sorte que le salarié pouvait occuper son poste avec des horaires de jour, conformément à l’aménagement mis en oeuvre par l’employeur quelques mois plus tôt.
Licenciement d'un salarié dont l'absence pour raison de santé perturbe le fonctionnement de l'entreprise
Selon les dispositions de l’article L.1132-1 du Code du travail, il est interdit de licencier un salarié en raison de son état de santé. Pour autant, ces dispositions ne s’opposent pas à ce que l’employeur licencie un salarié lorsque le fonctionnement de l’entreprise est perturbé par ses absences répétées ou prolongées.
En ce sens, il appartient à l’employeur de justifier des perturbations et de la nécessité de procéder au remplacement définitif du salarié par l’embauche d’une autre personne, laquelle doit avoir lieu soit de façon concomitante au licenciement soit dans un délai raisonnable.
Les juges apprécient ce délai en tenant compte des spécificités de l’entreprise, du poste concerné et des démarches mises en œuvre par l’employeur en vue du recrutement.
En l’espèce et selon l’appréciation souveraine des juges du fond, il ressort que l’employeur a immédiatement engagé des démarches en vue d’un recrutement. Compte tenu de l’importance du poste de directeur, les juges estiment que le remplacement, 6 mois après le licenciement, est intervenu dans un délai raisonnable.
Soc., 24 mars 2021 n° 19-13.188.
Risque pénal
Accident sur un chantier : quelle responsabilité pour le maitre d’ouvrage ?
Deux salariés d’une entreprise sous-traitant travaillaient sur un échafaudage pour la démolition d’un mur. Un salarié a été victime d’un accident du travail dû à l’effondrement dudit mur, lui occasionnant une incapacité totale de travail de six semaines.
La société en charge de la maitrise d’ouvrage avait conclu avec le Bureau Veritas une mission de coordination en matière de santé et sécurité.
L’enquête diligentée a mis en évidence que le plan général de coordination n’avait pas été transmis au sous-traitant et qu’aucun plan particulier de sécurité et de protection de la santé n’était établi.
Le maitre d’ouvrage a été cité devant le tribunal correctionnel du chef de blessures involontaires ayant causé une incapacité de travail inférieure à trois mois par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, en l’espèce notamment « en ne s’assurant pas de la mise en place des mesures de prévention définies par le plan général de coordination pour la sécurité des travailleurs, ainsi que [de] leur application par les entreprises intervenantes sur le chantier».
La Cour d’appel retient la culpabilité de la société prévenue, estimant qu’il appartenait au maitre d’ouvrage de transmettre à l’ensemble des entreprises intervenantes les règes de sécurité définies dans le plan général de coordination. Elle précise que le contrat de coordination conclu avec le Bureau Veritas ne décharge pas le maitre d’ouvrage de sa responsabilité de s’assurer de la mise en œuvre et du respect des mesures de sécurité des travailleurs.
Au visa de l’article 222-20 du code pénal la Cour de cassation casse et l’annule l’arrêt des juges du fond. En effet, elle estime que si l’article R. 238-18, 3°, b), devenu l’article R. 4532-11, alinéa 2, du code du travail, dispose que le coordonnateur exerce sa mission sous la responsabilité du maître d’ouvrage, il n’édicte pas d’obligation particulière de sécurité ou de prudence à la charge de ce dernier, au sens de l’article 222-20 du code pénal.
Crim., 16 mars 2021, n° 20-81316
Risque environnemental
Condamnation pour destruction d’espèces protégées
Dans cette affaire, plusieurs parcs éoliens étaient situés dans une zone de conservation des oiseaux sauvages. Malgré l’installation de systèmes d’effarouchement destinés à protéger les volatiles d’une collision mortelle avec les éoliennes, de nouveaux cadavres de faucons crécerelles, espèce protégée, ont été découverts à proximités de ces dernières.
L’association France Nature Environnement a assigné la société EDF et les sociétés des parcs éoliens en indemnisation du préjudice moral qu’elle allègue en raison de la destruction de spécimens de cette espèce protégée.
En première instance, le tribunal a débouté l’association de ses demandes.
La Cour d’appel infirme le jugement et statue d’une part sur l’intérêt à agir de la requérante, et, d’autre part, sur la preuve du préjudice.
Selon les dispositions de l’article L.142-2 du code de l’environnement, instaurant un régime dérogatoire au droit commun de la responsabilité, une association agréée de protection de l’environnement d’obtenir réparation d’un préjudice direct ou indirect né de la commission d’une infraction pénale liée à l’environnement tant devant le juge pénal que devant le juge civil.
La Cour d’appel confirme que la destruction d’un seul spécimen d’une espèce animale non domestique, protégée au sens du code de l’environnement, est susceptible de constituer une infraction pénale.
D’autre part, en l’absence d’infraction pénale ou en cas de relaxe, une association agréée au titre de l’article L.141-1 du code de l’environnement, peut solliciter, devant une juridiction civile, la réparation du préjudice direct et personnel qu’elle subi en raison de la violation de l’article L.411-1 du code de l’environnement lequel protège les espèces animales et végétales.
Ensuite, la Cour relève que l’association France Nature Environnement caractérise la faute des sociétés intimées par la preuve qu’elle rapporte de la destruction d’individus de l’espèce protégée « Faucon crécerellette » en l’absence de dérogation préfectorale préalable l’y autorisant, de sorte que tant l’élément matériel que l’élément moral, de la faute d’imprudence du délit d’atteinte à la conservation d’espèces animales non domestiques protégées, prévu par l’article L.415-3 du code de l’environnement, est rapportée.
Enfin, les juges relèvent l’existence d’un préjudice moral direct causé par le non-respect des dispositions du code de l’environnement et condamne les sociétés à verser une somme de 3.500€ à l’association requérante étant précisé que cette dernière sollicitait la somme de 162.000€ correspondant à 2.000 euros par spécimen détruit.
CA de Versailles, 2 mars 2021, n° 19/05299.
Nouvelle compétence juridictionnelle en matière environnementale
Le décret nº 2021-286 du 16 mars 2021 et entré en vigueur le 1er avril 2021 fixe le siège et le ressort de nouveaux pôles régionaux spécialisés en matière d’atteintes environnementale.
Ces tribunaux judiciaires (un par cour d’appel) seront compétents pour connaître des infractions environnementales les plus complexes ainsi que des contentieux civils portant sur les actions relatives à la réparation du préjudice écologique et les actions en responsabilité civile.
Les juridictions civiles saisies antérieurement à l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions restent compétentes.