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Acquisition des congés payés au cours d'une période d'arrêt maladie
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Edito
Au cours de ce premier trimestre, j’ai eu l’opportunité d’être sélectionné pour la finale du concours de plaidoirie organisé par le mémorial de Caen. Lors de cette compétition, il était demandé de présenter un cas de violation des droits de l’Homme dans le monde.
Il est peut-être difficile de voir le lien entre cet exercice et notre activité, toutefois la défense reste une affaire de conviction et la liberté d’expression mérite une place et un cadre.
A l’issue de ma prestation « plaidoirie pour un poème », j’ai eu l’honneur de remporter le prix du public emportant une majorité de suffrages auprès des 900 personnes présentes. Au-delà de l’exigence d’éloquence requise, les sujets traités lors de ce concours appellent à la réflexion.
En complément de notre veille juridique, pour laquelle nous avons consacré notre Une à l’acquisition des congés payés au cours d’une période d’arrêt maladie, je vous invite à découvrir (ou redécouvrir) ma plaidoirie, espérant qu’elle puisse vous inspirer.
Valéry ABDOU
Acquisition des congés payés au cours d'une période d'arrêt maladie
Acquisition des congés payés au cours d’une période d’arrêt maladie
Il faut remonter relativement loin pour exposer la genèse de la problématique de l’acquisition des congés payés au cours d’une période d’arrêt maladie.
En effet, une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour de cassation auprès de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), quant à l’interprétation de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.
Cet article dispose que « les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales ».
La problématique propre à cette affaire portait sur les dispositions de l’article 15 de la convention collective nationale de travail du personnel des organismes de sécurité sociale lequel prévoit, à son quatrième alinéa que « le droit aux congés annuels n’est pas ouvert dans une année déterminée par les absences pour maladie ou longue maladie, ayant motivé une interruption de travail égale ou supérieure à douze mois consécutifs, […] il est ouvert à nouveau à la date de la reprise du travail, la durée du congé étant établie proportionnellement au temps de travail effectif n’ayant pas encore donné lieu à l’attribution d’un congé annuel.»
En l’espèce la requérante avait été victime d’un accident de trajet occasionnant une période d’arrêt de travail allant du 3 novembre 2005 au 7 janvier 2007. Déboutée par les juges du fond, la salariée formait un pourvoi, considérant que l’accident de trajet était un accident du travail relevant du même régime que ce dernier. Ainsi, en application de l’article L. 223‑4 du code du travail, la période de suspension de son contrat de travail consécutive à l’accident de trajet devrait être assimilée à un temps de travail effectif pour le calcul de ses congés payés.
La chambre sociale a considéré qu’un doute existait quant à la compatibilité entre ces dispositions et l’article 7 de la directive précitée. A cet égard elle a sursis à statuer, posant trois questions préjudicielles à la Cour de justice. Parmi celles-ci, la question était de savoir « dans la mesure où l’article 7 de la directive 2003/88[…] n’opère aucune distinction entre les travailleurs suivant que leur absence du travail pendant la période de référence a pour origine un accident du travail, une maladie professionnelle, un accident de trajet ou une maladie non professionnelle, les travailleurs ont-ils, en vertu de ce texte, droit à un congé payé d’une durée identique quelle que soit l’origine de leur absence pour raison de santé ? »
Et de proposer une alternative à savoir, « ce texte doit-il être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que la durée du congé payé puisse être différente suivant l’origine de l’absence du travailleur, dès lors que la loi nationale prévoit dans certaines conditions une durée de congé payé annuel supérieure à celle minimale de quatre semaines prévue par la directive 2003/88?»
Nous relevons que la question d’espèce aurait pu être présentée autrement et notamment porter sur l’identité du régime d’acquisition des congés payés, selon que le sinistre soit un accident de travail ou de trajet.
La Cour de Justice a précisé que l’article 7 de la directive ne prévoit aucune distinction des travailleurs absents pendant la période de référence. Ainsi et pour la juridiction communautaire, « tout travailleur, qu’il ait été mis en congé de maladie à la suite d’un accident survenu sur le lieu du travail ou ailleurs, ou à la suite d’une maladie de quelque nature ou origine qu’elle soit, ayant droit à un congé annuel payé d’au moins quatre semaines. »
Afin de se mettre en conformité avec le droit de l’Union européenne (UE), la Cour de cassation a rendu le 13 septembre 2023 plusieurs arrêts dans lesquels elle améliore les droits des salariés aux congés payés. Elle permet notamment l’acquisition de congés payés pendant un arrêt de travail pour maladie ou accident non professionnel.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité a jugé dans sa décision du 8 février 2024 que les dispositions prévues à l’article L.3141-5 du code du travail étaient conformes à la constitution.
C’est dans ce contexte que le Gouvernement a voulu proposer un amendement pour rendre le droit du travail conforme au droit de l’Union européenne. Dans ce contexte, il a sollicité le Conseil d’Etat d’un avis sur le projet de texte
Dans son avis du 11 mars 2024, la Haute juridiction administrative a considéré que les normes européennes et internationales « ne font pas obstacle à une disposition nationale prévoyant, selon l’origine de l’absence du travailleur en congé de maladie, une durée de congé payé annuel supérieure ou égale à la période minimale de quatre semaines garanties par cette directive ».
Le Conseil d’Etat distingue donc l’acquisition des droits de la privation des quatre semaines de congés annuels.
En outre le Conseil considère qu’un encadrement de l’acquisition des droits à congés pour un période d’arrêt maladie est nécessaire pour le passé, à savoir 24 jours (durée minimale des congés en Europe). Pour le report de droit à congés là aussi, le Conseil se réfère à « l’exercice effectif du droit à congé » pour un salarié lorsqu’en raison de circonstances indépendantes de sa volonté, il n’a pu prendre ses jours de repos. La différence entre un arrêt pour AT/MP et un arrêt maladie, quant à l’acquisition des congés repose ainsi sur le nombre de jours. Alors que dans la première hypothèse, une année d’arrêt entrainerait cinq semaines de congés, dans la seconde, ce serait quatre semaines.
Nous sommes fondés à nous interroger sur la cohérence juridique d’une telle différence, à l’heure de la transposition d’une directive, à la lumière du principe de l’égalité de traitement. Si nous devions considérer que la cause de l’arrêt est différente, selon qu’il s’agisse d’un arrêt de travail ou d’un arrêt maladie, le droit à congés, visé par la CJUE, ne distingue pas l’origine pour établir une égalité de droits.
L’amendement fixe cette période de report à 15 mois et le début de la période est nécessairement postérieur à la date de reprise du salarié mais aussi, de la date à laquelle l’employeur informe le salarié du report de ses droits (il dispose d’un délai de dix jours pour l’informer). Là encore, ce report n’est autorisé que pour les salariés en poste, alors que ceux dont le contrat est rompu pourront réclamer une indemnité en justice dans la limite de la prescription triennale.
L’amendement prévoit que ces règles d’acquisition et de report de congés payés s’appliquent depuis le 1er décembre 2009. Cette date a été retenue au motif qu’il s’agit de l’échéance de la transposition de la directive 93/104 du 25 novembre 1996. Ainsi et depuis le 1er décembre 2009, tous les travailleurs, peu importe la transposition, sont susceptibles d’invoquer directement auprès de leur employeur un droit à congés d’au moins quatre semaines par an.
Sur le délai pour agir en justice, les salariés encore en poste pourront solliciter leurs droits à congés sur la période 2009-2024 mais auront deux ans pour saisir le juge. Au-delà de ce délai, la forclusion sera encourue. Mais l’amendement précise que le point de départ du délai de forclusion est la date de publication de la Loi, qui à date n’existe pas encore. Néanmoins et concernant la prescription de l’action, si nous devons considérer les salariés dont le contrat a été rompu, s’ils ne sont pas avertis de leurs droits à congés, ils pourraient en solliciter l’indemnisation sur dix ans, puisque la prescription n’aura jamais débuté, en l’absence de connaissance de leurs droits.il est donc nécessaire de se poser la question de l’information des salariés dont le contrat a été rompu à date de publication de la Loi, pour faire courir la prescription triennale
Si la transposition s’avérait nécessaire et que nous pouvons regretter « le retard » de près de 20 ans, nous considérons que les précisions faites dans l’amendement, visant à rassurer les organisations patronales, risquent de poser d’autres difficultés sans nécessairement tarir les inquiétudes, légitimes, des employeurs.
Le 3 avril 2024, la commission mixte paritaire a adopté le projet de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne, intégrant l’amendement gouvernementale. La fin d’un épisode législatif, le début d’une aventure judiciaire.
Risque hygiène sécurité
Rappel par la jurisprudence des règles relatives à la présomption en matière de maladie professionnelle
Dans le cadre d’un recours en faute inexcusable, l’employeur considérait que la salariée n’était pas exposée à l’un des travaux, limitativement énumérés, par le tableau 30 bis.
Pour accueillir l’action de la salariée, la Cour d’appel a considéré que cette dernière avait été exposée au risque du tableau 30 bis pendant deux ans puis ue par la suite, l’exposition était indirecte puisqu’ayant « été affectée à l’atelier brasage, à proximité des fours équipés de tresses amiantées, elle a inhalé les poussières d’amiante dégagées lorsque les pièces sortaient des fours en frottant sur les tresses ».
La Cour d’appel en a déduit que les conditions du tableau n° 30 bis sont remplies. La Cour de cassation casse et annule cet arrêt en considérant « qu’il ressortait de ses constatations
que la victime n’avait pas effectué l’un des travaux limitativement énumérés par le tableau n° 30 bis, de sorte que l’origine professionnelle de la maladie ne pouvait être établie par présomption ».
Cass. 2e civ. 29 février 2024 n° 21-20688
Sur la suffisance et l’efficacité des mesures mises en place par l’employeur en matière de faute inexcusable
Dans cette affaire, la victime travaillant dans un centre de soins a subi une agression physique par une patiente rentrée dans l’espace ambulatoire alors que « le médecin ne prêtait pas attention à elle, et que seule l’équipe de soins est intervenue pour les séparer ». La faute inexcusable de l’employeur a été reconnu au motif notamment que le recours à un maîtrechien
et l’organisation de formations sur la gestion de la violence sont insuffisantes et inefficaces à prévenir le risque d’agression. L’employeur a formé un pourvoi. La Cour de cassation rejette le pourvoi. La jurisprudence ainsi rappelle l’employeur pour s’exonérer de sa responsabilité pour faute inexcusable, doit avoir mis en place des mesures de prévention qui soient suffisantes et efficaces pour préserver les salariés du danger encouru.
Cass. 2e civ. 29 février 2024 n° 22-18868
Exemple d’accident de trajet en période hivernale
L’accident survenu alors que le salarié procédait au déneigement de sa voiture sur la voie publique en vue de se rendre sur son lieu de travail n’a pas été qualifié en accident de trajet par la caisse primaire.
Le salarié conteste cette décision. La Cour d’appel a considéré que le salarié avait quitté sa résidence et ses dépendances lors de la survenance de l’accident. De sorte que l’accident soit bien survenu alors qu’il se trouvait sur le trajet pour se rendre à son travail. Elle rajoutait que le fait de procéder au déneigement préalable et en avance sur son horaire habituel de son véhicule à l’extérieur de son domicile, afin de se rendre sur son lieu de travail n’interrompt pas le trajet.
La caisse primaire forme un pourvoi. La Cour de cassation rejette le pourvoi en considérant que l’accident litigieux était survenu alors que la victime se trouvait sur le trajet pour se rendre à son travail.
Cass. 2e civ. 29 février 2024 n° 22-14592
La rente majorée répare la perte de gains professionnels de la victime d’une faute inexcusable de l’employeur
Dans le sillage du revirement de l’assemblée plénière du 20 janvier 2023 excluant de la rente majorée servie à la victime d’une faute inexcusable de l’employeur la réparation du déficit fonctionnel permanent, la deuxième chambre civile précise le contenu indemnitaire de cette rente en confirmant qu’elle répare la perte de gains professionnels futurs.
En l’espèce, la victime d’un accident de travail prétendait être indemnisée de la différence entre la perte de revenus professionnels due à cet accident et la rente servie. La Cour de cassation approuve l’arrêt déféré ayant rejeté cette demande, en décidant que la rente majorée répare les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité permanente subsistant le jour de la consolidation, conformément à la solution retenue sur ce point depuis 2009.
Accessoirement, la Cour de cassation précise que l’indemnisation de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle prévue à l’article L452-3 du code de la sécurité sociale indépendamment de la rente majorée, suppose la justification par la victime d’une formation, ou d’un processus démontrant l’imminence ou l’annonce d’un avancement dans sa carrière ou d’une création d’entreprise.
Cass. 2e civ. 1er février 2024 n°22-11448, Bull.
L’obligation d’information de l’employeur à la charge de la caisse primaire d’assurance maladie ne s’applique pas à sa commission de recours amiable
Un employeur contestant la prise en charge d’un accident au titre de la législation professionnelle avait saisi la commission de recours amiable d’une caisse primaire. La commission rejeta cette demande en se fondant sur des pièces communiquées à la caisse postérieurement à la décision de prise en charge et jamais portées à la connaissance de l’employeur. La cour d’appel en déduit que le principe du contradictoire avait été méconnu par la commission et que la décision de prise en charge litigieuse était inopposable à l’employeur.
La deuxième chambre civile casse l’arrêt déféré au motif que l’obligation d’information de l’employeur par la caisse, prévue à l’ancien article R441-14 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, ne s’applique pas à l’instruction des réclamations devant la commission de recours amiable dont l’employeur peut ultérieurement contester la décision devant le pôle social du tribunal judiciaire.
La publication de cet arrêt de cassation au Bulletin laisse à penser que cette solution est applicable à l’instruction de la prise en charge des sinistres professionnels depuis le 1er décembre 2019, régie à l’article R441-8 du même code.
Ainsi délestées par la Cour de cassation de leurs obligations d’information (rapport médical non communiqué dans le délai réglementaire, décision prise sur des pièces produites à l’insu de l’employeur), les commissions de recours préalable obligatoire, multipliées par le législateur, montrent leur vraie nature : une chicane bureaucratique faite pour décourager ou enchérir les réclamations, sans décharger sinon par la forclusion les juridictions auxquelles les justiciables, surtout s’ils sont employeurs, sont finalement renvoyés pour faire valoir leurs droits.
Cass. 2e civ. 29 février 2024 n°22-14424 Bull.
Réduction d’un taux d’incapacité en l’absence de lien établi d’un syndrome psychiatrique avec les séquelles imputables au sinistre professionnel
Il appartient à la juridiction du contentieux de la sécurité sociale, saisie d’une contestation du taux d’incapacité permanente, de se prononcer sur l’ensemble des éléments concourant à la fixation de celui-ci.
Par cet attendu de principe, la Cour de cassation rappelle la plénitude de l’office du juge du taux d’incapacité qui peut écarter les séquelles prises en compte par la caisse primaire dès lors qu’elles n’ont pas de lien établi avec l’accident de travail.
En l’espèce, le médecin-conseil de la caisse avait alloué un taux d’IPP de 05% à la victime d’un accident de travail lui ayant causé des douleurs à l’épaule gauche, non dominante ; taux porté à 25% par la caisse eu égard à la persistance après l’accident d’un syndrome psychiatrique préexistant à celui-ci. L’arrêt déféré avait fait droit aux demandes de l’employeur et réduit à 05% le taux litigieux, au motif que les mentions du médecin de la caisse relatives au suivi psychiatrique de la victime et à ses doléances étaient insuffisantes à établir l’existence de ce syndrome et surtout son imputabilité à l’accident de travail. La caisse demanderesse au pourvoi soutenait notamment que les juridictions du contentieux technique n’auraient pas compétence pour statuer sur l’imputabilité des lésions à l’accident de travail : la Cour de cassation rejette ce moyen et décide que le juge du taux d’incapacité n’a pas excédé sa compétence en écartant dans la fixation du taux litigieux le syndrome psychiatrique non établi ou sans lien avec l’accident de travail.
Cass. 2e civ. 21 mars 2024 n°22-15376
Risque contentieux social
Licenciement pour faute grave justifié par des pratiques de management toxiques
La pratique par une salariée d’un mode de gestion inapproprié de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés est de nature à caractériser un comportement rendant impossible son maintien dans l’entreprise et constitutif d’une faute grave.
Cass. Soc. 14 février 2024, n°22-14.385
Fixations tardives des objectifs dans le cadre d’une rémunération variable
La Cour de cassation rappelle que l’employeur peut modifier des objectifs qu’il a fixés unilatéralement, mais à condition d’en informer le salarié en début d’exercice. A défaut, la part variable lui est intégralement due.
Cass. Soc. 31 janvier 2024 n°22-22.709
Modification du lieu de travail : simple changement des conditions de travail ou modification du contrat ?
Pour apprécier si la modification du lieu de travail constitue un simple changement des conditions de travail ou une modification du contrat, le juge prend en considération la distance séparant l’ancien et le nouveau lieu de travail, la durée du trajet pour se rendre sur le nouveau lieu de travail par rapport à l’ancien, l’était de développement des transports en commun et l’existence d’un bassin d’emplois homogène.
La Cour de cassation a ajouté à ces critères la prise en compte de la fatigue et des frais supplémentaires générés pour le salarié par le nouveau lieu de travail. Sur la base de ces nouveaux critères, elle a considéré que le nouveau lieu de travail situé à 35km de l’ancien, n’était pas situé dans le même secteur géographique et modifiait ainsi le contrat de travail.
Cass. Soc. 24 janvier 2024, n°22-19.752
Possibilité de tenir l’entretien et de signer la rupture conventionnelle le même jour
La Cour de cassation rappelle qu’à défaut de dispositions contraires dans le Code du travail, l’entretien préalable et la signature de la convention de rupture peuvent légitimement se tenir le même jour, à la condition que l’entretien précède la signature.
La Cour confirme ainsi que la signature de la convention de rupture et la tenue de l’entretien le même jour ne peut caractériser un vice du consentement susceptible de donner lieu à une nullité de la convention.
Cass. Soc. 13 mars 2024, n°22-10.551
Fin du contrat de mission pendant sa suspension et absence de visite de reprise
La Cour de cassation précise que la suspension du contrat de mission ne prolonge pas sa durée. Ainsi, si le contrat se termine avant la fin de l’absence du salarié, aucune visite médicale de reprise n’est requise.
Cass. Soc. 7 février 2024, n°22-16.961
Risque pénal
Salariés mis à disposition d’une entreprise extérieure victimes d’un accident du travail
Deux salariés ont été blessés alors qu’ils travaillaient sur le site industriel d’une entreprise extérieure. Cette dernière a été poursuivie des chefs d’exécution de travaux par entreprise extérieure sans plan de prévention des risques préalables conforme, exécution de travaux par entreprise extérieure sans information préalable des salariés sur les risques et contraventions de blessures involontaires.
Pour déclarer la société prévenue coupable du chef d’exécution de travaux par entreprise extérieure sans plan de prévention des risques préalables conforme, la cour d’appel énonce qu’il est établi que les canalisations sur lesquelles sont intervenus les deux salariés ont été préalablement vidangées, mais contenaient un résidu semi-solide susceptible de se liquéfier sous l’effet d’une source de chaleur telle que les disques de tronçonnage utilisés pour l’intervention.
Les juges relèvent que cette société n’avait pas identifié la présence et la nature de ces produits, ni envisagé les effets du tronçonnage des tuyaux sur ceux-ci et constatent que le plan de prévention établi par la société et l’entreprise employeur ne prévoyait pas les risques liés à la présence de tels produits, ni la nécessité pour les travailleurs de porter une combinaison intégrale propre à les protéger de tout risque de projection.
De plus, les juges du fond précisent que la faute éventuelle de l’entreprise extérieure n’est pas de nature à exonérer la prévenue de sa responsabilité pénale liée à l’absence d’évaluation et de prévention du risque de présence de produits toxiques dans des tuyaux lui appartenant.
La Cour de cassation valide l’analyse des juges qui ont retenu la méconnaissance par l’entreprise utilisatrice d’une de ses obligations.
Mais dans un second temps la Haute juridiction sanctionne l’arrêt déféré au visa des articles L. 4741-1, R. 4512-15 du code du travail selon lesquels : sont incriminés, sous la qualification d’exécution de travaux par entreprise extérieure sans information préalable des salariés sur les risques, le fait, pour le chef de l’entreprise extérieure, d’omettre de faire connaître à l’ensemble des travailleurs qu’il affecte à l’exécution d’une opération dans un établissement d’une entreprise utilisatrice les dangers spécifiques auxquels ils sont exposés et les mesures de prévention prises en application de la réglementation.
La Cour de cassation relève que c’est à tort que la cour d’appel, pour déclarer coupable la société utilisatrice, a énoncé que le risque de projections de produits chimiques n’ayant été ni identifié ni évalué, la prévenue avait manqué à son obligation d’information des salariés des entreprises extérieures sur ce point, sans caractériser la qualité d’entreprise extérieure de la prévenue ni rechercher si les manquements reprochés pouvaient, le cas échéant, relever d’une autre qualification imputable à l’entreprise utilisatrice.
Crim., 23 janvier 2024, n° 23-81091
Qualification des organes et représentants de la personne morale
Dans cette affaire, et à la suite d’un accident survenu sur un chantier, une société est poursuivie des chefs de blessures involontaires ainsi que des infractions, prévues par le code du travail de la Polynésie française, de mise à disposition de travailleur d’équipement de travail ne permettant pas de préserver sa sécurité, mise en service de matériel, engin, installation ou dispositif de sécurité sans examen de conformité et emploi de travailleur non autorisé à la conduite d’équipement de travail présentant des risques particuliers.
Pour retenir la responsabilité de la société prévenue, la cour d’appel retient que la société avait fourni aux salariés une niveleuse ne comportant pas de dispositifs indispensables à assurer leur sécurité et, qu’elle n’avait fourni aucun document attestant de la conformité de l’engin.
La Cour de cassation, casse partiellement l’arrêt estimant que la cour d’appel n’a pas justifié sa décision en ne déterminant pas par quel organe ou représentant de la société les manquements qu’elle avait constatés ont été commis pour le compte de celle-ci.
Crim., 6 février 2024, n°23-83401
Alignement de la chambre criminelle sur la jurisprudence relative au déficit fonctionnel permanent
La chambre criminelle de la Cour de cassation confirme l’élargissement du droit de l’indemnisation des victimes d’accident du travail en s’alignant sur la jurisprudence de la chambre sociale du 20 janvier 2023.
Au visa de l’article 1240 du code civil selon lequel « il résulte du premier de ces textes que le préjudice résultant d’une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties » et de l’article 434-2 du code de la sécurité sociale qui prévoit que « lorsque l’incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, la victime a droit à une rente égale au salaire annuel multiplié par le taux d’incapacité, qui peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de celle-ci », la Cour de cassation rappelle que la rente d’accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime au titre de ses pertes de gains professionnels et de l’incidence professionnelle et que, dès lors, le recours des caisses de sécurité sociale au titre d’une telle rente ne saurait s’exercer sur le poste de préjudice relatif au déficit fonctionnel permanent, que cette rente ne répare pas.
Crim., 23 janvier 2024, n° 23-80.647
Irrégularité d’auditions de salariés par la DIRECTE
La chambre criminelle de la Cour de cassation, a retenu que l’exigence du consentement, préalable à son audition, de la personne entendue en application des dispositions de l’article L.8271-6-1 du code du travail, ne vise qu’a la protection des intérêts de celle-ci. Dès lors, la société poursuivie du chef de travail dissimulé n’a pas qualité pour invoquer la violation de ce texte, même si les personnes entendues étaient ses salariés.
Crim, 16 janvier 2024, n°22-84.243
Risque environnemental
Sur la mise à jour de la liste candidate des substances extrêmement préoccupantes et sur l’obligation d’information idoine.
Un avis a été publié le 11 février 2024 au Journal Officiel à la suite de la mise à jour par l’Agence européenne des produits chimiques de la liste des substances candidates à l’autorisation dite « liste des substances extrêmement préoccupantes », qui comporte désormais 240 substances listées en annexe.
A date, les substances inscrites sur la liste « candidate » ne font ni l’objet d’une interdiction, ni d’une restriction.
Cependant et s’agissant des substances listées dans des articles, l’obligation de communiquer certaines informations devient applicable aux fournisseurs, aux producteurs ou importateur.
Sur ce point, l’avis rappelle les dispositions relatives à l’application de la directive cadre déchets. Ainsi, et selon l’article L. 521-5 du Code de l’environnement « afin de favoriser la réduction de la teneur en substances dangereuses des matériaux et des produits, tout fournisseur d’un article au sens du règlement (CE) nº 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil communique, à compter du 5 janvier 2021, les informations prévues à l’article 33, paragraphe 1, de ce règlement à l’Agence européenne des produits chimiques ».
D’autre part, l’article R. 521-1-1 du Code de l’environnement issu du décret nº 2023-925 du 5 octobre 2023 précise les informations exemptées de cette obligation.
Enfin, rappelons qu’en cas de non-communication de ces informations à l’Agence européenne des produits chimiques, le fournisseur encourt une peine d’amende de cinquième classe.