À la une
Télécharger la lettre d'information trimestrielle - Janvier - Mars 2025
Lorsque la désignation de la maladie entraine l’inopposabilité de la prise en charge.
Risque hygiène sécurité
Sur la mention « burn out » apposée sur un certificat médical.
L’expatriation exclut l’action en faute inexcusable de l’employeur
Sur la confirmation de la qualification d’un accident du travail mortel.
Sur les demandes indemnitaires supplémentaires présentées par les victimes de l’amiante dans le cadre d’un recours en faute inexcusable engagé par le FIVA
L’action en faute inexcusable de l’employeur indépendante de la contestation de la prise en charge du sinistre au titre de la législation professionnelle.
Diminution des indemnités journalières de sécurité sociale à compter du 1er avril 2025
Risque contentieux social
Mise en conformité du droit français avec le droit européen : garantie par les AGS en cas de résiliation judiciaire ou de prise d’acte de la rupture
Non-respect du délai de carence : requalification à l’égard de l’employeur juridique
Tolérance de la Cour de cassation sur la dispense de recherche de reclassement du salarié inapte formulée par le médecin du travail
Obligation de consultation du CSE même en l’absence de poste à proposer au salarié déclaré inapte
Risque pénal
Absence de PPSPS et décès d’un salarié : condamnation pour non-respect des règles de sécurité et homicide involontaire de l’employeur et de la société louant la grue à tour.
Préjudice de l’employeur d’un salarié reconnu coupable de conduite en ayant fait l’usage de cannabis, en récidive et conduite à une vitesse excessive.
Consécration de la notion de harcèlement moral institutionnel.
Homicide Involontaire de l’employeur dont le salarié manutentionnaire est décédé par mort subite cardiaque sur le lieu de travail.
Homicide involontaire de la société utilisatrice d’un salarié d’une entreprise sous-traitante et de la société donneur d’ordre.
Risque environnemental
Prévention des risques chimiques : Publication de la loi visant à protéger la population des risques liés aux PFAS
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Lorsque la désignation de la maladie entraine l’inopposabilité de la prise en charge.
Dans un arrêt infirmatif du 11 mars 2025, rendu après cassation du 1er juin 2023 de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Dijon du 25 janvier 2022, la chambre sociale de la Cour d’appel de Lyon a déclaré inopposable à l’employeur la décision de prise en charge d’une maladie professionnelle, souscrite au titre d’une leucémie aiguë myéloïde. L’occasion pour nous de revenir sur les principes de l’imputabilité professionnelle, mais également et surtout, sur les exigences médicales opposables au médecin conseil, ainsi que les spécificités du tableau 4, relatif à l’exposition au benzène.
En l’espèce, le salarié était employé en qualité de chauffeur livreur dans une entreprise de distribution d’énergie et assurait notamment la livraison de fioul. Il a procédé à la déclaration d’une maladie professionnelle en octobre 2016, sur la base d’un certificat médical initial indiquant qu’il souffrait d’une « leucémie aigüe myéloïde ». A l’issue de la procédure d’instruction au cours de laquelle le médecin conseil avait rendu un avis favorable, la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Dijon, reconnaissait le caractère professionnel de la pathologie au titre du tableau 4.
Contestant l’opposabilité de cette décision et en cause d’appel, l’employeur critiquait le jugement déféré au motif que la maladie constatée différait de celle prise en charge en ce sens que la première était une leucémie aiguë myéloïde, alors que la seconde portait sur un syndrome myéloprolifératif. Ce syndrome est une leucémie myéloïde chronique, et non aigue. L’enjeu du dossier portait sur cette subtile nuance. Lors de ce recours, la CPAM avait produit une note de son médecin conseil qui reconnaissait que le code syndrome myéloprolifératif n’était pas adapté à la pathologie en cause.
Par un arrêt du 20 janvier 2022, la Cour d’appel de Dijon confirme l’opposabilité de la prise en charge en retenant que « le certificat médical initial spécifie bien une myélodysplasie acutisée en leucémie aigüe myéloïde ». Rappelant que « l’acutisation » consiste dans le passage d’une maladie d’un état chronique à un état aigu, pour la Cour d’appel, il s’agissait bien de la même maladie, selon qu’on prenne le certificat médical initial, ou l’avis du médecin conseil et que seule la temporalité de l’analyse médicale expliquait cette différence de dénomination.
Pour la bonne compréhension de cette motivation, il est nécessaire de rappeler que parmi les maladies visées au tableau 4, figurent deux pathologies distinctes, bien que bénéficiant des mêmes conditions relatives au délai de prise en charge et d’exposition, à savoir la leucémie aiguë et le syndrome myéloprolifératif. La liste des activités pathogènes étant indicative et commune à ces pathologies, le raisonnement de la Cour d’appel de Dijon pouvait s’entendre, comme une confusion de ces maladies et donc une absence de grief quant à l’avis du médecin conseil, dans la mesure où elles procèdent d’une même exposition pathogène.
Dans le cadre de son pourvoi, l’employeur rappelait que « selon l’ensemble de la littérature médicale, les syndromes myéloprolifératifs sont des maladies tumorales de la moelle osseuse caractérisées par une production anormale, d’allure cancéreuse, de certains types de cellules sanguines dans la moelle osseuse. Il existe quatre pathologies : la leucémie myéloïde chronique, la maladie de Vaquez, la splénomégalie myéloïde, la thrombocytémie primitive ».
La question posée était de nature médicale et portait sur le fait de savoir si la leucémie myéloïde aigue correspondait à l’un des syndromes myéloprolifératifs du tableau 4. Dans son arrêt de cassation du 1er juin 2023, la 2ème chambre civile fait grief à la Cour d’appel de ne pas avoir « vérifier si la Caisse établissait que la pathologie déclarée par la victime correspondait bien aux syndromes myéloprolifératifs du tableau 4 »
C’est donc saisie par l’employeur que la Cour d’appel de Lyon a pu se prononcer dans son arrêt du 11 mars 2025.
Dans le cadre de notre défense pour l’employeur nous évoquions une étude de l’INRS, laquelle précisait l’existence de « caractéristiques hématologiques et cytochimiques qui permettent de distinguer la leucémie myéloproliférative chronique des autres syndromes myéloprolifératifs ». Il est utile de rappeler que le tableau n°4 des maladies professionnelles fait état des « syndromes myéloprolifératifs » et précise que : « pour le détail des symptômes myélodysplasiques et myéloprolifératifs, il convient de se référer à la classification en vigueur des tumeurs des tissus hématopoïétiques et lymphoïdes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Il précisait également l’autonomie des leucémies aigues, puisque celles-ci ont été rajoutées au tableau 4, par décret du 15 janvier 2009 (Décret n° 2009-56 du 15/01/2009. JO du 16/01/2009), afin de la distinguer des « syndromes myéloprolifératifs ».
Ainsi tant d’un point de vue médical, que règlementaire, la confusion ne pouvait être faite en défaveur de l’employeur.
De jurisprudence désormais constante (Cass. 2e civ. 9 novembre 2017-n°16-22115) et lorsque la dénomination de la maladie est en cause, il appartient à la CPAM de vérifier « autrement que sur la seule base de l’avis de son médecin conseil », si les éléments médicaux correspondent au tableau visé.
D’un point de vue toxicologique nous produisions une note de l’agence SOCOTEC, laquelle précisait « qu’au regard de la classification internationale des maladies de l’OMS qui fait référence et, d’un point de vue étiologique et nosologique, une liste limitative de pathologies appartiennent aux syndromes myéloprolifératifs dont quatre principales : la leucémie myéloïde chronique (LMC), la splénomégalie myéloïde, la maladie de Vaquez et la thrombocytémie essentielle. L’OMS indique clairement dans cette publication que les myélodysplasies qui disposent de leur propre nomenclature sont à distinguer des syndromes myéloprolifératifs ; ce point est également confirmé dans le rapport du Professeur BORDESSOULE du 20 mai 2005 qui a été la base scientifique ayant conduit à la révision du tableau n° 4 des maladies professionnelles. De ce fait, et comme décrit dans les paragraphes précédents, un syndrome myélodysplasique acutisé ou non en leucémie aiguë myéloïde (LAM) ainsi que la LAM considérée isolément n’entrent pas dans la définition d’un syndrome myéloprolifératif ».
Dans son arrêt de mars 2025, particulièrement motivé, la Cour d’appel de Lyon prononce l’inopposabilité de la prise en charge, au motif que la CPAM ne rapportait pas la preuve de la correspondance entre la maladie visée au certificat initial et celle inscrite sur le tableau 4.
De cette procédure, nous retenons d’une part l’exigence de précision dans la dénomination de la pathologie et ce dès le stade de la première constatation médicale initiale, ce que la jurisprudence avait déjà eu l’occasion de le rappeler, notamment avec le tableau 97 (2ème chambre sociale 26 janvier 2023, 21-16.865).
L’apport de cet arrêt porte donc sur la spécificité du tableau 4 eu égard tant à la différenciation nécessaire des maladies pouvant résulter d’une exposition au benzène, que l’indifférence de la liste indicative visée.
En effet et sur ce point, nous aurions pu penser que de l’absence de restriction quant aux activités pathogènes, il y ait pu avoir une facilité de raisonnement créant un amalgame entre des pathologies distinctes, au motif qu’elles auraient la même origine, l’exposition au benzène. Pour la Cour de cassation, le tableau doit se lire de gauche à droite, et si la dénomination ne correspond pas précisément aux constatations médicales, la réalité de l’exposition importe peu, même si la liste est indicative, puisque la Caisse devra au préalable et autrement que sur la base de l’avis de son médecin, démontrer ladite correspondance.
Cour d’appel de Lyon, 11 mars 2025, n° RG 23/0582
Risque hygiène sécurité
Sur la mention « burn out » apposée sur un certificat médical.
Le Conseil d’Etat a été saisi en cassation par M. B pour annuler la décision de de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, qui avait rejeté son appel contre un blâme. M. B invoque une erreur de droit, arguant que la décision considère à tort que ses certificats médicaux étaient tendancieux, en se basant uniquement sur les déclarations du patient, en violation des articles R. 4127-28 et R. 4127-76 du Code de la Santé publique.
Le Conseil d’Etat déclare que ce moyen n’est pas sérieux et n’admet donc pas le pourvoi. La décision de la Chambre disciplinaire est ainsi confirmée.
Le médecin traitant ne peut faire mention que des faits qu’il a personnellement constatés.
Conseil d’Etat., 23 janvier 2025, n° 49 40065
L’expatriation exclut l’action en faute inexcusable de l’employeur
En vertu du premier article du code la sécurité sociale (article L111-1), seules les personnes travaillant ou résidant en France de façon stable et régulière bénéficient des prestations de sécurité sociale.
Le travail à l’étranger échappe cependant au principe de territorialité de la loi de sécurité sociale en cas de détachement temporaire du travailleur : le travailleur détaché à l’étranger pendant une certaine durée (trois ans au maximum : articles L761-1 et R761-1 du même code) demeure soumis à la législation française de sécurité sociale. Au-delà de cette durée, le régime de l’expatriation s’applique : le salarié expatrié est en principe soumis à la législation locale, sauf conventions ou règlements internationaux. L’expatrié peut aussi s’assurer volontairement contre les risques d’accident du travail et de maladie professionnelle. Mais peut-il prétendre à une indemnisation supplémentaire en cas de faute inexcusable de son employeur, au sens de la loi française ?
Deux arrêts de cassation rendus dans la même affaire ont permis à la haute juridiction de préciser le régime applicable au travailleur expatrié victime d’un accident du travail dû au manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
La Haute juridiction a cassé cette solution par arrêt publié du 16 juillet 2020 (n°18-24.942) disant que la CFE ne peut être tenue de faire l’avance des prestations et indemnités allouées à la victime au titre de la faute inexcusable de l’employeur, attendu que la couverture des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles à laquelle le travailleur expatrié a adhéré est limitée aux seules prestations prévues au titre de la législation professionnelle, à l’exclusion de l’indemnisation des conséquences de la faute inexcusable de l’employeur.
La cour de renvoi, influencée par des éléments de fait laissant penser que l’expatrié, mécanicien de navire de prospection pétrolière, avait pu être exposé au risque en partie dans les eaux territoriales françaises, confirme le jugement ayant ordonné que la caisse primaire verserait la majoration du capital à la victime.
Cette résistance implicite de la cour de renvoi permet à la Cour de cassation de préciser sa position en jugeant d’une part que le salarié expatrié qui, à la date de première constatation médicale de la maladie, est adhérent à une assurance volontaire contre les risques professionnels, n’est pas soumis à cette date à la législation française de sécurité sociale et qu’il ne peut bénéficier des dispositions relatives à la faute inexcusable de l’employeur ; d’autre part, qu’il dispose du droit d’agir à l’encontre de celui-ci sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile contractuelle pour obtenir la réparation des préjudices causés par le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Le régime de l’expatriation au regard la territorialité de la loi française de sécurité sociale est ainsi éclairci, à défaut d’être définitif : le critère de la date de première constatation médicale de la maladie et la qualification même de travailleur expatrié subordonnée à un critère temporel susciteront à n’en pas douter de nouveaux contentieux.
Cass. 2e civ., 30 janv 2025, n°22-19.660 B
Sur la confirmation de la qualification d’un accident du travail mortel.
Dans un arrêt récent, la Cour de cassation confirme sa position selon laquelle le décès d’un salarié sur son lieu de travail bénéficie de la présomption d’imputabilité, et est considéré comme un accident du travail quand bien même une expertise judiciaire n’a pas mis en évidence la cause exacte du décès et conclu que « la mort subite était probablement la manifestation spontanée d’un état pathologique non influencé par les conditions de travail » en prenant en compte que le salarié présentait une obésité morbide et des antécédents cardiovasculaires.
Pour renverser cette présomption, il revient à l’employeur d’apporter la démonstration d’une cause totalement étrangère au travail. Une telle preuve semble être diabolique puisqu’en fait impossible à rapporter quand bien même l’expert aurait pu indiquer que le décès serait dû à un état antérieur évoluant pour son propre compte puisque « non influencé par les conditions de travail ».
Cette position ne semble être qu’une confirmation puisque la Cour de cassation, dans un précédent arrêt, avait pu considérer qu’une rupture d’anévrisme est un accident du travail nécessitant la démonstration par l’employeur d’une cause totalement étrangère au travail et ce, même si l’expert judiciaire estime que les lésions de la victime étaient de nature constitutionnelle et qu’il n’était pas possible de trouver un lien de causalité entre la lésion et le travail (Cass. 2e civ. 28 janvier 2021 n°19-22134).
Cass. 2e civ., 27 févr. 2025, n° 22-23.919
Sur les demandes indemnitaires supplémentaires présentées par les victimes de l’amiante dans le cadre d’un recours en faute inexcusable engagé par le FIVA
Conformément aux dispositions de l’article 53 de la loi n°2000-1207 du 23 décembre 2000, les personnes qui ont obtenu la reconnaissance d’une maladie professionnelle occasionnée par l’amiante ou leurs ayants droit peuvent obtenir réparation intégrale de leurs préjudices grâce à l’intervention du Fond d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante (FIVA).
Le FIVA formule une proposition d’indemnisation pour l’ensemble des chefs de préjudice qui, lorsqu’elle ne peut être jugée satisfaisante, peut donner lieu à recours devant la Cour d’appel du domicile du demandeur.
En revanche, lorsque cette proposition est acceptée, le FIVA est subrogé à due concurrence des sommes versées, dans les droits du demandeur contre l’employeur qu’il estime fautif.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation a précisé que l’acceptation de l’offre du FIVA vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rend irrecevable toute autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice (L. n° 2000-1257, 23 déc. 2000, art. 53, IV). Dans le cas de l’espèce, la Cour a estimé que le préjudice d’anxiété avait déjà été indemnisé par le FIVA au titre du préjudice moral.
Toutefois, se pose la question de savoir si la Cour de cassation n’ouvre-t-elle pas la possibilité d’une indemnisation de préjudices non indemnisés par le FIVA.
Cass. 2e civ., 27 févr. 2025, n° 22-21.209, n° 184 B
L’action en faute inexcusable de l’employeur indépendante de la contestation de la prise en charge du sinistre au titre de la législation professionnelle.
Un tribunal des affaires de sécurité sociale était saisi à la fois de la contestation par l’employeur de la décision de reconnaissance d’une maladie déclarée par la veuve du salarié, et de l’action en faute inexcusable de cet employeur formée par le FIVA subrogé à la veuve. Le tribunal ordonna la jonction des deux recours et la désignation d’un nouveau comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La cour d’appel confirme cette décision, dit la décision de prise en charge de l’affection opposable à l’employeur au motif que si celui-ci peut en défense à une action en faute inexcusable contester le caractère professionnel de la maladie, il n’est pas recevable à contester aux fins d’inopposabilité la prise en charge du sinistre.
L’arrêt est cassé notamment au visa de l’article 4 du code de procédure civile relatif à l’objet du litige, attendu que la jonction prononcée n’avait pas fait disparaître le caractère distinct des deux recours, l’action de l’employeur en inopposabilité de la décision de prise en charge et l’action de la victime en faute inexcusable de l’employeur. Jonction d’instance n’emporte pas confusion de l’objet des litiges joints.
Au-delà de l’aspect procédural, la Cour de cassation martèle l’indépendance des deux actions en jugeant que la décision de prise en charge par la caisse « est sans incidence » sur l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et, « réciproquement, l’exercice par la victime d’une action en faute inexcusable de l’employeur est sans incidence sur la recevabilité du recours aux fins d’inopposabilité de la décision de prise en charge formé par l’employeur par voie d’action ».
Un même fait générateur – le caractère professionnel d’un sinistre – étayerait ainsi deux recours impliquant les mêmes parties, sans « incidence » l’un sur l’autre. Il n’est pas sûr que le mot « incidence », tiré de la physique, employé sans rigueur (il était inconnu du code de procédure civile jusqu’à l’insertion en 2024 de l’article 1257-3 relatif aux tuteurs et curateurs), termine la question de l’articulation des deux procédures.
Cass. 2e civ., 27 fev 2025, n°23-18.038 B
Diminution des indemnités journalières de sécurité sociale à compter du 1er avril 2025
lui-même calculé à partir des salaires bruts des 3 mois précédant l’arrêt ; ou, pour les salariés dont la rémunération varie (comme les intérimaires ou les saisonniers), à partir des 12 derniers mois.
Le montant total des indemnités journalières est limité par un plafond établi chaque année en fonction du Smic.
À compter du 1er avril 2025, le plafond de revenus d’activités pris en compte pour le calcul des indemnités journalières en cas d’arrêt de travail est abaissé de 1,8 fois (soit actuellement 3.242,31 €) à 1,4 fois le Smic (soit actuellement 2.522,57 €).
Cette modification concerne les salariés du régime général et du régime agricole.
Le délai de carence reste de 3 jours pour les salariés du secteur privé (cela signifie que les indemnités sont versées à partir du 4e jour).
Pour les arrêts débutant avant le 1ᵉʳ avril 2025, l’ancien plafond continue de s’appliquer.
Concrètement, pour un salarié absent un mois avec un salarie de 3.243 €, en cas de maintien à 100% du revenu, le complément employeur était de 1.356 € avant le décret ; il sera de 1.775 € après le 1er avril 2025.
La contribution financière des employeurs soumis à une obligation de maintien de salaire va donc être augmentée dans des proportions importantes
Décret n°2025-160 du 20 février 2025
Risque contentieux social
Mise en conformité du droit français avec le droit européen : garantie par les AGS en cas de résiliation judiciaire ou de prise d’acte de la rupture
La Cour de cassation s’aligne sur la jurisprudence de la CJUE en imposant à l’AGS de garantir les sommes liées à la rupture du contrat de travail lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail ou en demande la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur.
Jusque-là, la Cour de cassation écartait l’intervention des AGS en cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail pendant la période d’observation en considérant que les créances résultant de la rupture du contrat de travail visées par l’article L. 3253-8, 2°, du code du travail s’entendaient d’une rupture à l’initiative de l’administrateur ou du mandataire judiciaire.
Toutefois, suite à une décision de la Cour de justice de l’Union Européenne du 22 février 2024, la France a dû modifier sa position et ainsi imposer la prise en charge des sommes liées à la rupture du contrat même en cas de demande de résiliation judiciaire ou de prise d’acte de la rupture.
Cass. soc. 8 janvier 2025 n° 20-18.484
Non-respect du délai de carence : requalification à l’égard de l’employeur juridique
L’entreprise de travail temporaire qui conclut des contrats de mission successifs pour accroissement temporaire d’activité sans respect du délai de carence manque à ses obligations.
Dès lors, la requalification des contrats en CDI doit être prononcée à son égard.
Cass. soc. 15 janvier 2025 n° 23-20.168
Tolérance de la Cour de cassation sur la dispense de recherche de reclassement du salarié inapte formulée par le médecin du travail
Dans un arrêt du 12 février 2025, la Cour de cassation adopte une position plus tolérante s’agissant de la dispense de recherche de reclassement notifiée par le médecin du travail dans le cadre de son avis d’inaptitude.
Jusque-là, la Haute juridiction considérait que cette dispense de recherche de reclassement n’était possible que si le médecin du travail cochait l’une des deux formulations reprise sur le formulaire d’avis d’inaptitude, à savoir :
- « Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé »
- « L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi »
Au terme de son arrêt du 12 février, la Cour précise que l’employeur est dispensé de chercher à reclasser le salarié déclaré inapte si le médecin du travail indique sur son avis que « l’état de santé du salarié ne permet pas de faire de propositions de reclassement au sein de l’entreprise filiale et holding compris et le rend inapte à tout poste » permettant ainsi de considérer que la dispense de recherche de reclassement peut être retenue même si l’une des deux formulations de la loi n’est pas strictement reprise.
Cass. soc. 12 février 2025 n° 23-22.612
Obligation de consultation du CSE même en l’absence de poste à proposer au salarié déclaré inapte
La Cour de cassation rappelle l’obligation pour l’employeur de consulter les représentants du personnel sur les possibilités de reclassement du salarié inapte avant d’engager la procédure de licenciement pour inaptitude même s’il n’a aucun poste de reclassement à lui proposer.
Cette confirmation de la jurisprudence constante de la Cour de cassation est justifiée par le fait que la consultation du CSE permet d’échanger sur la situation du salarié et la possibilité éventuelle de trouver une issue favorable et ainsi éviter un licenciement.
Pour rappel, seule une dispense expresse de reclassement par le médecin du travail (par le biais des deux formulations reprises sur l’avis d’inaptitude) ou l’absence de CSE justifiée par un procès-verbal de carence établi à l’issue du second tour de scrutin peuvent permettre à l’employeur de s’affranchir de son obligation de consulter les représentants du personnel avant d’engager une procédure de licenciement pour inaptitude.
Le non-respect par l’employeur de l’obligation de consulter le CSE sur le reclassement, lorsqu’elle s’impose, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non professionnelle.
Cass. soc. 5 mars 2025 n° 23-13.802
Risque pénal
Absence de PPSPS et décès d’un salarié : condamnation pour non-respect des règles de sécurité et homicide involontaire de l’employeur et de la société louant la grue à tour.
Un salarié de la société A est décédé alors qu’il effectuait une opération de contrôle de maintenance d’une grue louée par son employeur à la société B, qui l’utilisait pour un chantier.
La chambre criminelle confirme en retenant que :
La société A en s’abstenant d’établir un PPSPS relatif aux opérations de maintenance a commis un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité.
La société B , a établi un plan de sécurité et de protection de la sante mais n’a pas intégré les opérations de maintenance de la grue à tour dont elle était locataire et utilisatrice, consistant en des visites obligatoires trimestrielles et annuelles.
Crim, 14 janvier 2025, n°23-84130
Préjudice de l’employeur d’un salarié reconnu coupable de conduite en ayant fait l’usage de cannabis, en récidive et conduite à une vitesse excessive.
La chambre criminelle confirme l’arrêt d’appel qui a condamné un salarié à indemniser la société de son préjudice matériel, le salarié coupable d’avoir conduit un véhicule en ayant fait usage de cannabis, en récidive, et conduit à une vitesse excessive eu égard aux circonstances.
La chambre criminelle rejette le pourvoi du salarié qui contestait le caractère intentionnel des infractions et précise que la cour d’appel a constaté que l’intéressé avait été déclaré coupable des deux infractions sans qu’il soit nécessaire de caractériser ni une faute lourde ni une intention de nuire à l’encontre de la partie civile.
Crim, 14 janvier 2025, n°24-81365
Consécration de la notion de harcèlement moral institutionnel.
La caractérisation de l’infraction de harcèlement moral, prévu à l’article 222-33-2 du code pénal, n’exige pas, lorsque les agissements reprochés ont pour objet la dégradation des conditions de travail, qu’ils concernent un ou plusieurs salariés en relation directe avec leur auteur ni que les salariés victimes soient individuellement désignés.
En revanche, lorsque de tels agissements ont pour effet une dégradation des conditions de travail, la caractérisation de l’infraction de harcèlement moral suppose que soient précisément identifiées les victimes de tels agissements.
Indépendamment de toute considération sur les choix stratégiques qui relèvent des seuls organes décisionnels de la société, constituent des agissements entrant dans les prévisions de l’article 222-33-2 du code pénal, dans sa version résultant de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, et pouvant caractériser une situation de harcèlement moral institutionnel, les agissements visant à arrêter et mettre en oeuvre, en connaissance de cause, une politique d’entreprise qui a pour objet de dégrader les conditions de travail de tout ou partie des salariés aux fins de parvenir à une réduction des effectifs ou d’atteindre tout autre objectif, qu’il soit managérial, économique ou financier, ou qui a pour effet une telle dégradation, susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de ces salariés, d’altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel
Crim, 21 janvier 2025, n°22-87145
Homicide Involontaire de l’employeur dont le salarié manutentionnaire est décédé par mort subite cardiaque sur le lieu de travail.
Condamnation d’un employeur qui a manqué à ses obligations relatives à la visite médicale périodique de sa salariée qui présentait une hypertrophie myocardique et est décédée quand bien même les experts précisaient que le travail de la salariée ne l’exposait pas à un risque aggravé de mort subite cardiaque.
La chambre criminelle confirme l’arrêt d’appel. Les juges ont déduit qu’en ne permettant pas à la victime de bénéficier de la visite médicale d’embauche et en n’assurant pas le suivi médical auquel a droit tout salarié, en particulier lorsqu’il fait l’objet d’un suivi médical renforcé, l’employeur a commis une faute en relation avec le décès du salariée, dû à un accident cardiaque en lien avec la pénibilité de son travail, qui n’avait fait l’objet d’aucune évaluation médicale. La cour d’appel a fait ressortir un lien de causalité certain entre la faute et le décès et justifie sa décision.
Crim, 11 février 2025, n°24-82869
Homicide involontaire de la société utilisatrice d’un salarié d’une entreprise sous-traitante et de la société donneur d’ordre.
Un salarié de la société A sous-traitante de la société B travaillant pour la société C est décédé après s’être électrocuté par un courant à haute tension alors qu’il intervenait sur une armoire électrique basse tension.
La chambre criminelle confirme la condamnation des sociétés B et C pour homicide involontaire. Elle rappelle que la société en qualité de donneur d’ordre est responsable de la réalisation des contrôles et démarches, dès lors que lui incombe la coordination générale des mesures de prévention.
Crim, 28 janvier 2025, n°23-84373
Risque environnemental
Prévention des risques chimiques : Publication de la loi visant à protéger la population des risques liés aux PFAS
Les Pfas sont des substances chimiques per- et polyfluoroalkylées souvent dénommées « polluants éternels » du fait de leur persistance dans l’environnement. Elles sont utilisées dans de nombreux secteurs d’activités en raison de leurs propriétés antiadhésifs, ignifuges, antitaches, imperméabilisants, résistants aux fortes chaleurs.
La loi n° 2025-188, 27 févr. 2025 vise à protéger la population des risques liés aux PFAS. De façon synthétique, celle loi prévoit notamment :
1- Interdiction des PFAS dans certains produits dès 2026.
A compter du 1er janvier 2026, il sera interdit de fabriquer, importer, exporter et mettre sur le marché à titre onéreux ou gratuit les produits suivants contenant des PFAS au-delà d’une certaine concentration fixée réglementairement :
- produit cosmétique ;
- produit de fart (« est un produit appliqué sur la semelle d’un ski ou d’un snowboard avant usage afin d’en améliorer soit le glissement, soit l’adhérence sur la neige » -source Wikipédia)
- tout produit textile d’habillement, toute chaussure et tous agents imperméabilisants de produits textiles d’habillement et de chaussures destinés aux consommateurs. Ne sont pas concerné les produits d’habillements professionnels conçus pour la protection ou la sécurité.
Extension de l’interdiction à tous les textiles d’ici 2030, exception faite « pour les produits textiles nécessaires à des utilisations essentielles, de ceux contribuant à l’exercice de la souveraineté nationale et pour lesquels il n’existe pas de solution de substitution et des textiles techniques à usage industriel, dont la liste sera précisée par décret (C. envir., art. L. 524-1, II et III) ».
2- Surveillance des PFAS dans l’eau potable et meilleure information du public
La loi prévoit que la présence de PFAS dans l’eau potable soit obligatoirement contrôlée par les autorités sanitaires.
Ce contrôle portera sur les PFAS listés par décret, mais il pourra également concerner une plus large liste de PFAS, dès lors qu’ils seront quantifiables par les laboratoires et que leur contrôle sera justifié au regard des circonstances locales.
Le gouvernement devra remettre au Parlement d’ici à 2026 un rapport proposant des normes sanitaires actualisées pour tous les PFAS dans l’eau potable.
Une carte de l’ensemble des sites ayant émis ou émettant des PFAS dans l’environnement, élaborée par le ministre chargé de la prévention des risques, sera mise à la disposition du public par voie électronique.
L’État devra définir une trajectoire nationale de réduction des rejets aqueux des PFAS par les industries afin de tendre vers la fin de ces rejets d’ici 5 ans et mettre en place d’un plan d’action interministériel pour le financement de la dépollution des EDCH d’ici le 28 février 2027.
3- Instauration d’une redevance sur les rejets de PFAS dans l’eau
En vertu du principe pollueur-payeur, une redevance (comme elle existe déjà en matière de phosphore, nitrites, nitrates…) assisse sur les rejets de certains PFAS dans l’eau est instaurée.
Elle sera due par les installations classées pour la protection de l’environnement (IPCE) soumises à autorisation, en raison de leurs activités dans l’eau.
Le tarif de la redevance est fixé à 100 euros par 100 grammes rejetés par an. La liste des PFAS sur lesquels est assise la redevance sera définie par décret (C. envir., art. L. 213-10-2, IV bis).
Cette instauration a été analysée comme étant l’une des mesures phares de la loi contre les PFAS.
Le principe « pollueur-payeur » trouvera à s’appliquer aux installations industrielles émettrices en PFAS dans l’eau.
Le produit de cette nouvelle redevance, qui s’appliquera dès la publication du décret gouvernemental, sera versé aux agences de l’eau et aux collectivités territoriales chargées de la production et de la distribution d’eau potable pour les aider à faire face aux coûts exponentiels de dépollution auxquels ils vont être confrontés dans les prochaines années.
L. n° 2025-188, 27 févr. 2025 : JO 28 févr. 2025