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Covid-19 et restructuration des entreprises
Tant l’évolution du discours politique que la réalité économique de bon nombre d’entreprises nous ont conduit à proposer un thème de visio-conférence sur la problématique des restructurations et des licenciements économiques. En effet, dans sa dernière allocution télévisée, le Président Macron a évoqué sans ambiguïté les termes de faillite, de plans sociaux « massifs » et de licenciements. Si la préservation de l’emploi a pu se faire au présent avec la facilitation des conditions d’accès à l’activité partielle, la globalisation et l’interdépendance des activités d’une part, le ralentissement économique tant national qu’international d’autre part, risquent de mener les entreprises au-devant de grandes difficultés.
A ce jour, la Commission européenne indique une réduction du PIB de près de 8.2% et un sondage relève que 22% des entreprises françaises envisagent une réduction de leur effectif dans les trois mois, représentant pour certaines près de 20% de leur effectif. La situation semblait être maitrisée à l’aune de la solidarité nationale, mais l’activité partielle a ses limites, que la réalité économique ne peut dépasser.
Dans le cadre de notre session consacrée aux RPS lors de la période du confinement, intégrant tant l’isolement social que les risques associés à un télétravail hyperconnecté, nous avions pu faire référence à une décision de la Cour d’appel de Colmar, laquelle dans un arrêt du 12 mars, avait considéré que la période pandémique actuelle avait les caractéristiques de la force majeure. Si la décision rendue portait sur une situation distincte du droit du travail, il est acquis que la période post-confinement d’une part mais surtout celle liée à la réduction de l’activité économique, malgré son extériorité, ne remplit pas les critères de la force majeure. Aussi et s’agissant tant d’une restructuration envisagée, que de licenciement(s) pour motif économique, il appartiendra à l’employeur de respecter la procédure et de caractériser le motif économique, outre la démonstration de l’incidence sur l’emploi. A défaut de cette rigueur, il s’exposera à une condamnation qui ne viendra qu’alourdir une réalité économique déjà complexe.
Si la rupture du contrat pour motif économique doit être la dernière option choisie par l’employeur, nous avons présenté les moyens juridiques dont il dispose pour adapter, le cas échéant conventionnellement, les effectifs et ainsi conserver l’adéquation entre le coût de revient et celui de la productivité. En effet, la réduction de l’activité entraine, à masse salariale constante, une baisse du prix de revient et donc une perte soit de marché, soit de compétitivité, lorsque ce ne sont pas les deux. Les dispositifs instaurés par les ordonnances du 22 septembre 2017 permettent d’adapter l’effectif qu’il y ait ou non un motif économique postulant à cette décision (I). Si cette réduction négociée ne devait pas être suffisante ou si la situation devant davantage se dégrader, l’employeur conserve, sous réserve d’en démontrer les éléments constitutifs, la possibilité de rompre le contrat pour motif économique (II).
Dans le cadre de notre visio-conférence, nous avons proposé un panorama des mesures à disposition et confronté la jurisprudence, importante, rendue en matière de caractérisation du motif économique pour se questionner sur son application à la période actuelle, sans exclure les particularismes résultant notamment du recours massif à l’activité partielle. Par cet article, nous vous proposons de retrouver nos développements et les références jurisprudentielles des arrêts ayant servi de base à nos raisonnements.
I- L’organisation conventionnelle de la réduction des effectifs
La volonté de partager la décision d’une réorganisation permet d’associer les partenaires sociaux et/ou représentants du personnel à la marche générale de l’entreprise, dépassant les limites d’une simple information/consultation, mais les impliquant dans la nécessaire adaptation des ressources en fonction de l’activité de l’entreprise. Deux types d’accord sont possibles, même si seul le second postule à une rupture de contrat. Les accords de performance collective permettent de suppléer les clauses contractuelles et à défaut constituent un motif de licenciement permettant à l’employeur de ne pas enfreindre la réorganisation de l’entreprise par un immobilisme contractuel (A). Ce dispositif est décorrélé de toute référence à des difficultés économiques, mais reste lié à une situation justifiant malgré tout une réorganisation. Dans une optique similaire, les accords de rupture conventionnelle collective (B) organisent le départ de salariés, sans que cela ne ressorte de la législation relative aux licenciement économiques.
A- Les accords de performance collective
La finalité de ce dispositif introduit par l’ordonnance du 22 septembre 2017 est de permettre une adaptation des ressources aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise, permettant en cas de refus du salarié quant à une modification de son contrat, décidée au niveau conventionnel, de rompre la relation de travail. A la différence des accords de maintien de l’emploi, il n’est pas nécessaire que l’entreprise soit confrontée à de graves difficultés économiques pour prétendre utiliser ce dispositif.
L’accord de performance collective peut porter sur l’aménagement du temps de travail, la rémunération ainsi que les conditions de la mobilité géographique et professionnelle. Dans les entreprises disposant de délégués syndicaux, il est conclu selon la règle de l’accord majoritaire.
Une fois conclu et porté à la connaissance des salariés, ces derniers demeurent libres d’en accepter ou non les termes. Dans la première hypothèse, les stipulations de l’accord se substitueront de plein droit à toutes les clauses contraires des contrats de travail, à défaut et à l’issue du délai d’un mois imparti au salarié pour se prononcer, l’employeur disposera d’un délai de deux mois pour procéder au licenciement. Le motif de ce dernier ne reposera pas sur ledit refus, mais sur l’application même de l’accord.
B- Les accords de rupture conventionnelle collective (RCC)
Issu également de l’ordonnance du 22 septembre 2017, ce dispositif est un mode de rupture autonome à distinguer du licenciement permettant d’exclure les règles suivantes dédiées uniquement aux ruptures fondées sur un motif économique, à savoir : l’existence d’un motif économique, l’obligation de reclassement, les critères d’ordre, la priorité de réembauchage.
L’exigence fixée par l’administration est d’exclure des ruptures conventionnelles, les ruptures de contrat de travail dont la certitude est d’ores et déjà établie au titre de la fermeture de site, dès lors que cela reviendrait à vicier le consentement volontaire du salarié quant à l’adhésion à ce dispositif.
Nous rappellerons que les accords de RCC se distinguent des plans de départ volontaire autonome (PDVA, exclusifs de tout licenciement) au motif d’une part qu’ils requièrent un accord collectif et d’autre part que l’employeur n’a pas à démontrer l’existence d’un motif économique au sens de l’article L.1233-3 du Code du travail. Ainsi et dans une note du 16 février 2018, la DGEFP a précisé que « la volonté du gouvernement n’est pas de faire disparaitre les PDV ». En conséquence, il est possible qu’une entreprise initie des négociations quant à la mise en place d’un accord de RCC, puis compte tenu de l’évolution de sa situation, décide la mise en place d’un plan de départ.
S’agissant de sa mise en place, en tant qu’accord collectif, la RCC s’instaure dans les règles du droit commun. Sur le contenu, il expose notamment le nombre maximal de départ envisagés et de suppressions d’emplois associées. Selon l’administration, il est possible de prévoir plus de départ que de suppression et ainsi de compenser par des embauches (sans que la priorité de réembauchage ne soit applicable). Le régime mit en place ne peut conduire qu’à des départs volontaires. Ainsi, la caractérisation de l’intention du salarié ou de toute discrimination pourrait être la cause de la remise en cause de la rupture du contrat (CAA de Versailles, 14 mars 2019, n°18VE04158).
Une fois signé, l’accord est transmis à la DIRECCTE selon la voie dématérialisée, laquelle dispose d’un délai de 15 jours calendaires pour valider ou non l’accord. L’absence de réponse vaut accord implicite. Si le dossier est complet, l’inspection informe les parties à l’accord de son accord. Si le dossier n’est pas complet, le délai d’instruction ne court pas et l’inspection sollicite l’employeur des informations manquantes.
Il est à noter que l’obtention d’un accord collectif ne donne pas automatiquement validation par la DIRECCTE, puisque celle-ci va notamment contrôler l’équilibre entre les mesures indemnitaires et celles relatives à l’accompagnement et au reclassement externe. L’acceptation par l’employeur de la candidature d’un salarié entrainera la rupture du contrat d’un commun accord. Il convient de préciser que l’accord doit prévoir un délai de rétractation en faveur du salarié, cette mention étant considérée comme « une formalité substantielle ».
Une fois le consentement donné, l’indemnité de départ ne peut être inférieure à l’indemnité légale de licenciement mais pourrait être inférieure à l’indemnité conventionnelle, sous réserve de l’accord des partenaires sociaux/représentants du personnel, lors de la négociation de l’accord.
La contestation de l’accord de RCC relève de la compétence du tribunal administratif et le recours doit être initié dans un délai de deux mois. S’agissant de la rupture du contrat, celle-ci relève naturellement du conseil de prud’hommes, dans le délai de 12 mois.
Bien qu’ils permettent une adaptation de l’effectif, ces dispositifs ont ceci de commun qu’ils ne sont pas régis par les dispositions relatives au licenciement économique. Or, nous savons qu’il s’agit d’un critère invoqué régulièrement dans le cadre de l’optimisation et/ou de la nécessaire adaptation de l’entreprise et qu’il constitue le fondement même du licenciement économique dès lors que le motif économique invoqué doit avoir une incidence sur le poste (suppression ou modification).
La possibilité laissée à la voie conventionnelle, permet une meilleure adhésion à la nécessaire réorganisation de l’entreprise, sans toutefois priver l’employeur d’envisager ultérieurement des licenciements, dans le cas où ces premières mesures n’auraient pas été suffisantes.
II- La réduction d’effectif par voie de licenciement
Au vu de la période actuelle, nous limiterons notre étude aux notions de difficultés économiques (A) et celle de sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise (B). Si la législation encadre l’appréciation de la première dans sa durée, elle n’en donne pas nécessairement de détails sur l’importance, laissant le soin à la jurisprudence de les définir. La notion de compétitivité étant une anticipation, laissée à l’appréciation discrétionnaire du chef d’entreprise, le contrôle jurisprudentiel induit que ce dernier soit en capacité de démontrer la pertinence tant de sa vision que de la nécessaire adaptation de sa structure.
A- L’appréciation au présent de la notion de difficulté économique
Pour être motivé, un licenciement doit reposer sur des difficultés économiques caractérisées. Si l’évolution, à la baisse du chiffre d’affaire doit être « significative », le code du travail se limite à préciser un nombre de trimestre en fonction de l’effectif de l’entreprise. A ce titre, nous relèverons que bien que soumise à de graves difficultés, si celles-ci devaient durer moins d’un an, dans une entreprise d’au moins 300 salariés, le motif économique ne serait pas fondé.
La jurisprudence a ainsi exclu de la motivation économique, « la seule baisse du résultat au cours de l’année précédant le licenciement (Soc., 8 novembre 2006, n°05-40894), ou la perte d’un marché (Soc., 29 janvier 2014, n°12-15925).
Dans un arrêt du 23 mars 2017, la Cour de cassation rappelle que seule la cessation complète de l’activité constitue un motif autonome de licenciement économique. A l’inverse, la cessation partielle ne motive un tel licenciement que si elle est notamment justifiée par des difficultés économiques. Ainsi et se plaçant dans le cadre d’un groupe, la fermeture d’un établissement requiert la démonstration dudit motif.
La fluctuation des résultats de l’entreprise durant trois années, bien que restant bénéficiaire, n’est pas un motif de difficulté économique (Soc., 16 avril 2015, n°14-10551). Cette évolution favorable suite à une réduction du chiffre d’affaire permet à la jurisprudence d’exclure la notion de difficultés significatives (CA de Paris, 6 juin 2012, n°10/08233). Ainsi, nous distinguerons la réduction du chiffre d’affaire de celle des bénéfices qui ne permet pas de justifier desdites difficultés.
Lorsque l’entreprise appartient à un groupe, l’appréciation des difficultés se fait au niveau du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient et non plus dans le périmètre restreint de l’entreprise. Ce changement de périmètre peut conduire à considérer qu’à un niveau plus large, les difficultés ne sont pas significatives (Soc., 13 novembre 2014, n°13-21965).
Au vu de la période actuelle, la question des difficultés économiques s’appréciera nécessairement à la lumière des aides perçues par l’entreprise. Qu’elles concernent les salariés, avec l’activité partielle, ou la trésorerie avec le prêt garanti par l’Etat, la notion de difficulté économique pourrait être réduite aux situations proches de la fermeture puisque d’un point de vue comptable, nous ne pouvons exclure que les requérants intégreront dans l’EBITDA lesdites aides venant réduire le taux de charge. Ainsi, la juridiction saisie pourrait considérer que les difficultés alléguées sont en fait temporaires voire limitées au vu des ressources disponibles.
Si certaines entreprises étaient tentées de profiter de cette période pour réduire les charges relatives aux effectifs, nous rappellerons que les juridictions veilleront à ce que les aides aient été versées à bon escient. A ce titre, il est utile d’avoir à l’esprit le fait qu’outre l’infirmation du fondement du licenciement, une entreprise fautive pourrait être condamnée à rembourser les allocations chômage perçues (par le salarié), dans la limite de six mois et ce même en cas d’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle (Soc., 5 février 2020, n°18-21726).
B- L’anticipation d’une réorganisation quant à la sauvegarde de la compétitivité d’une entreprise
Le juge n’a pas le pouvoir de s’immiscer dans la gestion de l’entreprise et doit se « limiter » à apprécier le motif de licenciement qui lui est proposé par les requérants (Soc., 4 mai 2017, n°15-28185). Toutefois il peut se placer en amont de la décision quant au respect de l’obligation de reclassement et à date de la rupture quant aux éléments fournis au titre de la sauvegarde de la compétitivité.
A ce titre, nous rappellerons que la sauvegarde de compétitivité n’est pas nécessairement contemporaine de difficultés économiques, voire même qu’une capacité d’anticipation permettrait d’éviter ces dernières. Ainsi, se pose la question d’une restructuration « trop anticipée ». Pour la Haute juridiction, le caractère prévisible des difficultés est suffisant (Soc., 2 février 2011, n°09-69520) ainsi que la nécessaire adaptation au regard de la concurrence (Soc., 31 mai 2006, n°04-47376).
La limite est fixée par la notion de rentabilité et de simple volonté d’augmentation des bénéfices, puisque dans ce cas, la jurisprudence considère que le motif économique n’est pas établi (Soc., 14 décembre 2011, n°10-23753, et Soc., 31 mars 2010, n°09-40521). L’évolution d’un marché conduit l’entreprise à s’adapter. Ainsi et sous réserve de fournir des éléments internes et de comparaison, une situation concurrentielle peut justifier de la nécessaire sauvegarde de compétitivité (Soc., 7 juillet 2009, n°08-40321). A l’inverse, la seule volonté de réduire des frais fixes est insuffisante (Soc., 12 juin 2001, n°99-41571), au même titre que la simple réduction de la masse salariale (Soc., 11 juin 2008, n°07-40658).
Si l’employeur manque de vigilance, il pourrait considérer qu’il se place dans une même situation alors que celle-ci pourrait caractériser des motifs de licenciement distincts. En effet, les difficultés économiques, pour être un motif autonome de licenciement doivent être durables et significatives. A l’inverse, la sauvegarde de compétitivité peut intégrer des difficultés « simples », ou même aucune difficulté réelle, dès lors que la situation prévisible est établie par des éléments probants relatifs à l’entreprise, son secteur d’activité mais également ses concurrents. Si la mesure de réduction des effectifs devait être suffisante, lors du contentieux, les requérants ne manqueraient pas de souligner l’absence de difficultés économiques et de soutenir que les mesures n’avaient pour seule finalité que la réalisation de profits.
La période actuelle va conduire à de nécessaires aménagements en terme d’effectif du fait de la réduction et/ou perte d’activité. Si l’employeur est libre dans le choix du motif de licenciement, il sera responsable des éléments de preuve à fournir lors du contentieux. La seule invocation de la période actuelle sera insuffisante et il lui appartiendra de démontrer la réalité de l’incidence sur son activité économique d’une part ou des mesures prises dans son secteur d’activité qui lui imposent une adaptation de son effectif pour rester compétitif d’autre part.
Il appartiendra aux juridictions, au bénéfice d’un délai d’audiencement qui permettra d’apprécier de la persistance des situations économiques, de se prononcer sur les efforts de maintien de l’emploi et de reclassement.
Covid-19 et fraude à l’activité partielle et contrôle de l’administration
L’actualité médiatique nous a guidé dans l’élaboration des thèmes traités lors de nos visio-conférences. Ainsi, les problématiques de responsabilité sociale et pénale ont été traitées dès le début de la période pandémique pour permettre aux entreprises pouvant maintenir leur activité, de définir et le cas échéant d’anticiper, les risques associés. La période de confinement nous a permis de mettre en exergue, dans une seconde session, les risques RPS résultant notamment du télétravail et plus certainement de l’évolution du cadre du lien de subordination même post-confinement avec les contraintes personnelles et familiales des salariés.
Aujourd’hui, la modification du discours politique nous a conduit à aborder le thème de la fraude aux prestations sociales dans le cadre du recours à l’activité partielle. Ainsi, d’un encouragement des entreprises quant au nécessaire maintien de l’activité économique, les communiqués de presse montrent une volonté politique de traquer les manquements à l’égard de la solidarité nationale quant au recours à l’activité partielle. Les diverses prises de position à ce sujet ne laissent aucun doute sur le fait que l’Etat va demander des comptes aux entreprises qui n’auraient pas, volontairement ou non, respecté la suspension du contrat de travail, comme exclusive de toute sollicitation professionnelle.
Pour cerner l’ampleur de la problématique, nous rappellerons que préalablement au confinement, l’activité partielle était accordée au niveau national, à raison d’une demande par jour. Au cours des mois de mars, avril et mai, l’administration a décompté près de 27.000 demandes quotidiennes. La modification de la procédure avec un raccourcissement des délais d’une part, la possibilité pour l’employeur d’instaurer l’activité partielle avant même l’acceptation de la DIRECCTE d’autre part et surtout la portée juridique d’une absence de réponse de celle-ci dans le délai de 48 heures ont permis à de nombreuses entreprises, de bénéficier de ce dispositif sans qu’un contrôle effectif et préalable n’ait été réalisé.
Si l’urgence de la situation postulait à l’élargissement des conditions d’accès, cela ne signifie pas qu’elle soit exclusive d’un contrôle a posteriori. Celui-ci sera initié par l’administration mais le discours politique a entendu conférer aux salariés et leurs représentants un rôle de « lanceurs d’alerte »» quant à la dénonciation de situations de travail qui ne correspondraient pas aux critères de l’activité partielle. Le climat social pourrait donc être à l’origine de pression voire dénonciation quant au respect des critères relatifs à l’activité partielle.
Or les situations matérielles peuvent être aussi variées que les infractions susceptibles d’être relevées sont nombreuses. Si la notion de fraude aux prestations sociales semble être le pendant du cumul travail-activité partielle, se pose la question de la notion de travail dissimulé, voire d’escroquerie ou encore de complicité dans les schémas impliquant des manœuvres frauduleuses d’un sous-traitant. La caractérisation d’une infraction induit la preuve de son élément intentionnel. Dans certains cas, la jurisprudence déduisait du manquement matériel, l’intention de son auteur permettant indirectement une facilité répressive, ne faisant aucune distinction du prévenu intentionnellement coupable de celui matériellement ignorant les obligations pesant à son encontre.
Il est un euphémisme de dire que la situation économique de certaines entreprises a été complexe et que malgré les prêts garantis par l’Etat, le recours à l’activité partielle a pu ne pas être suffisant, non pas pour maintenir l’activité au présent, mais pour assurer la pérennité d’une activité à l’avenir. Il est également une évidence économique que l’avenir d’une entreprise se prépare au présent et donc que le placement en activité partielle, s’il obéit à une donnée matérielle contemporaine de la sollicitation, ne serait pour autant pas exclusif de sollicitation(s) des salariés sur des projets de développement ou de préparation de la reprise d’activité qui à date ne générerait aucun chiffre d’affaire. Pourtant, de cette réalité économique et stratégique, un employeur ne serait en tirer profit dans le cadre d’un contrôle.
En outre, se pose la question du salarié qui prendrait l’initiative, or toute sollicitation hiérarchique, de travailler à distance. Par investissement professionnel, par crainte d’une surcharge de travail lors de la reprise ou pour répondre à une urgence, la matérialité de la prestation de travail demeure sans que l’employeur n’ait pu s’y opposer. Dans ce cas, la question de l’élément intentionnel opposable à ce dernier se posera puisque s’il a pu bénéficier de la prestation de travail, il n’en était pour autant pas à l’origine.
Les organes de poursuite seront animés certes d’une volonté répressive quant à la caractérisation des abus relatifs à l’activité partielle, mais il est à noter que les finances de l’Etat requièrent un investissement de ses administrations pour recouvrer des indemnités indûment perçues. La période actuelle exige, ou du moins entraine, une polarisation du discours politique et de sa couverture médiatique. De la période de crise sanitaire, nous avons évolué vers une solidarité humaine, économique et sociale. A l’heure de la reprise d’activité, il est à craindre que les entreprises ne pouvant justifier des conditions d’ouverture soient certes sanctionnées, mais que dans cette exigence d’exemplarité, les médias prennent fait et cause à leur encontre.
Les éléments constitutifs de la fraude (I) peuvent différer selon l’organisation du travail mis en place, mais également des initiatives prises par les salariés eux-mêmes. Dans ce cas, il appartiendra à l’employeur de démontrer la computation du temps de travail, confronté à un pouvoir de contrôle étendu des DIRECCTE. En cas de retrait de l’autorisation accordée, se posera la question des conséquences et sanctions tant pénales que sociales (II). En effet, les deux aspects ne pourront être dissociés dès lors où ledit retrait caractérisera une situation de travail effectif éligible notamment au maintien de la rémunération.
I- Les éléments constitutifs de la fraude
A- La détermination des conditions de l’activité partielle
Le dispositif d’activité partielle concerne les entreprises dont les salariés sont dans l’impossibilité de travailler car l’activité de l’entreprise est visée par un arrêt de fermeture, les entreprises confrontées à une baisse temporaire d’activité ou à des difficultés d’approvisionnement objectives, les entreprises dans lesquelles il est impossible de mettre en place les mesures de prévention nécessaires pour la protection de la santé des salariés. Une note technique de la DGEFP du 17 mars 2020 précise que » l’activité partielle n’est pas une compensation à la perte du chiffre d’affaire et ne doit pas être considérée comme une aide à la trésorerie « . Dès lors, la notion de baisse d’activité doit être distinguée d’un quelconque élément financier. En comparaison, nous pouvons considérer que les conditions d’ouverture à l’activité partielle diffèrent de celles relatives au licenciement économique, qui font référence à des difficultés économiques ou à une sauvegarde la compétitivité de l’activité. Ainsi la notion d’activité, pour le salarié, serait à relier à celle de prestation effective de travail et pour l’entreprise à la productivité, décorrélée de toute donnée de rentabilité financière.
En conséquence, plus que la fermeture administrative de l’établissement, c’est bien le cumul de cette situation administrative avec l’absence de travail donné au salarié qui permettrait de prétendre à
l’activité partielle. Ainsi, un employeur concerné par une telle interdiction, mais qui solliciterait ses salariés pour une prestation de travail quelconque verrait sa responsabilité engagée.
Concernant la réduction temporaire d’activité, nous considérons que celle-ci pourrait être analysée en fonction de la mise à disposition de matière première, mais aussi de la capacité de stockage de l’entreprise. En effet, la réduction de l’activité au motif d’une réduction des matières premières, sous réserve d’une absence de réaffectation du salarié, peut justifier de l’activité partielle, dès lors que tant la productivité que la prestation de travail sont rendues impossibles ou moindre au vu du process industriel. S’agissant de la capacité de stockage, nous distinguerons l’entreprise qui conditionne sa production aux commandes réalisées, de celle qui génère un stock indistinctement du niveau des ventes. Dans cette dernière hypothèse et en cas de contrôle, la baisse des ventes pourrait être limitée à une baisse de chiffre d’affaire et non de productivité puisque celle-ci aurait été constante et que son éventuel ralentissement ne serait qu’une décision stratégique de l’entreprise quant à une limitation de sa capacité de stockage. La baisse d’activité devant être subie plutôt que choisie, la question se posera de l’opportunité du maintien de l’activité partielle.
Toutefois dans le cadre d’une réduction temporaire d’activité, il appartiendra à l’employeur de pouvoir distinguer le temps de travail soumis à l’activité partielle de celui correspondant à du temps de travail effectif. Si la question ne se pose pas lorsque le recours à l’activité partielle est total, lorsque celui-ci est partiel, il appartiendra à l’employeur de démontrer que, tant la charge que le temps de travail, correspondent à l’allocation indemnitaire. Dans ce cas, un décompte journalier du temps de travail (surtout lorsqu’il s’agit de télétravail) sera nécessaire pour rapporter la preuve de la matérialité de cette organisation. En outre et rappelant qu’entre dans les pouvoirs de l’inspection du travail, la possibilité d’auditionner les salariés, l’adaptation de la charge de travail devra être efficiente, au risque d’une requalification de la période considérée.
B- Typologie de fraude à l’activité partielle
Plusieurs infractions peuvent résulter d’une même situation matérielle, sans que l’entité poursuivie ne puisse invoquer l’unicité du fait répréhensible dès lors que plusieurs faits sont répréhensibles. L’article 132-2 du Code pénal dispose « qu’il y a concours réel d’infraction lorsqu’une infraction est commise par une personne, avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre infraction, ou que plusieurs infractions distinctes ne sont séparées les unes des autres par une condamnation définitive ». Le concours d’infraction devient » idéal « , lorsque l’auteur commet un fait unique, susceptible de plusieurs qualifications pénales, dont il faudra choisir l’une d’entre elles.
Si l’élément matériel de l’infraction est établi lorsque le télétravail est instauré malgré le placement en activité partielle, en ce sens qu’il démontre un non-respect par l’employeur de la suspension du contrat de travail, la question demeure en cas de mauvaise adaptation de la charge de travail quant à une activité partielle ne couvrant pas l’ensemble de la période considérée. Ainsi le cas d’un salarié qui dépasserait la durée effective de travail au motif d’une urgence professionnelle, d’une surcharge de travail, d’une certaine anxiété quant à un projet.
Nous rappellerons que dans le cadre de ses pouvoirs, l’inspection du travail peut auditionner les salariés. Aussi et lors de cette enquête, si un salarié se confie notamment sur sa charge de travail, la question se posera du dépassement de la durée journalière maximale de travail. Est-ce que cela caractériserait l’élément matériel de l’infraction ?
En outre la connectivité des salariés pourrait nuire à l’employeur. En effet et sans sollicitation explicite, au même titre qu’un salarié qui travaille le week-end, ou (tard) en soirée et qui ultérieurement serait recevable à mettre en cause la responsabilité de son employeur pour harcèlement moral au vu de l’amplitude horaire participant à la dégradation de ses conditions de travail, la question se pose d’un salarié qui prendrait l’initiative de travailler, sans autre instruction, bien qu’il soit placé en activité partielle. L’élément matériel serait certes établi, mais dans quelle mesure l’élément intentionnel, opposable à l’employeur, pourrait être retenu à son encontre.
Cette situation pourra se rencontrer également dans le cadre d’une organisation cumulant, légalement, télétravail et activité partielle pour partie, lorsque le salarié, confronté à des contraintes organisationnelles privées (personnelles et/ou familiales), ne respecterait pas nécessairement le volume horaire déclaré à l’administration.
L’unicité de l’élément matériel, à savoir la réalisation d’une prestation de travail est à distinguer de la variété des situations pouvant indirectement permettre à l’employeur de remettre en cause l’élément intentionnel de l’infraction. Nous considérons que de cette variété, l’organe de poursuite pourra graduer l’infraction retenue pour limiter l’escroquerie aux situations les plus graves quant à la volonté délictuelle de l’auteur.
Toutefois le recouvrement des indemnités risque de donner lieu à une interprétation stricte des textes et il appartient à l’employeur de se prémunir en amont des risques d’un éventuel contrôle. A ce titre, l’enregistrement des temps de travail, mais également l’information à destination des salariés placés en activité partielle qu’ils n’ont pas à répondre aux sollicitations mails (ou autre) sera un élément pour établir la bonne foi de l’employeur.
II- Sanctions pénales et conséquences sociales
A- Pouvoirs de la DIRECCTE et sanctions pénales
En matière de fraude à l’activité partielle, les qualifications peuvent différer selon la personne à l’origine des poursuites. Ainsi, si l’action procède de l’initiative du salarié, l’infraction de travail dissimulé pourrait être privilégiée, a minima pour lui permettre de prétendre ultérieurement à l’indemnisation forfaitaire fixée à six mois de salaire. A l’inverse, l’inspection du travail caractérisera la fraude, voire l’escroquerie, puisqu’elle sera fondée à solliciter, outre la condamnation pénale de l’employeur, le remboursement des indemnités indûment perçues, sans exclure qu’elle retienne également le travail dissimulé.
Dans le cas de fraude, nous rappellerons que l’article L.8211.1, 6ème du code du travail dispose que les sanctions, cumulatives, sont les suivantes : remboursement intégral des sommes perçues au titre de l’activité partielle, interdiction de bénéficier pendant une durée maximale de 5 ans d’aides publiques en matière d’emploi ou de formation, deux ans d’emprisonnement et 30.000 € d’amende, peine portée à 150.000 € pour les personnes morales. Ses peines se cumuleraient avec les incidences sociales du manquement de l’employeur tant en termes de rappel de salaire à l’égard du salarié, que de redressement URSSAF pour les cotisations non réglées. La distinction entre la fraude et l’escroquerie tient à l’élément matériel qui, dans le dernier cas, démontre un élément intentionnel caractérisé, en ce sens que les manœuvres établissant l’escroquerie démontrent une réelle volonté de contournement de la législation en place. A ce titre, les peines sont plus importantes et portées à cinq ans d’emprisonnement et 375.000 € d’amende ou 1.875.000 € pour les personnes morales.
Concernant les sanctions et outre l’aspect pénal, il est à relever que le remboursement des prestations indûment perçues est malgré tout conditionné » à la situation économique et financière de l’entreprise « , selon l’article R5122-10 alinéa 2. Cette situation s’appréciant à la date du contrôle, voire même à celle à laquelle la décision d’infirmation sera prise, nous pourrions considérer d’une certaine façon qu’elle bénéficiera rétroactivement à l’entreprise qui, à date de la demande, ne remplissait finalement pas les conditions requises.
Selon l’instruction donnée par le ministère aux DIRECCTE, celles-ci devront distinguer les entreprises qui, de bonne foi, ont fait des erreurs lorsqu’elles ont renseigné leurs demandes d’indemnisation, de celles qui ont fraudé. Au visa de cette circulaire, soit la DIRECCTE initie un dialogue et un règlement à l’amiable sera envisagé, soit en cas de fraude avérée, des sanctions pénales et administratives seront prises.
Lors du contrôle, les bulletins de paye seront les premiers éléments analysés puisque conformément à l’article R3243-1 ils distinguent les heures indemnisées au titre de l’activité partielle. Mais le pouvoir étendu des DIRECCTE avec la possibilité de consulter l’ensemble des documents et d’auditionner les salariés, leur permettra de mettre en exergue les situations abusives. A ce titre, il est à rappelé qu’un salarié, qui tente de nier une fraude, peut se voir déclaré complice d’un cas de fraude aux prestations.
B- Conséquences sociales
Les conséquences sociales diffèrent selon que le contentieux est initié par l’URSSAF ou par le salarié. Dans le premier cas, la question se posera de l’assujettissement tant des indemnités perçues que d’un éventuel rappel de salaire. Lorsque le salarié est à l’origine de l’action, s’il peut légitimement solliciter un maintien de salaire, la question se pose de savoir si la fraude de l’employeur serait assez importante pour justifier d’une prise acte, ou d’une action en résiliation judiciaire. Sur ce point, nous considérons que la durée et l’importance de l’abus devront être prises en compte, en ce sens que la simple reconnaissance de culpabilité serait insuffisante pour caractériser un cas de rupture du contrat aux torts exclusifs de l’employeur.
Ainsi et sans exclure une demande forfaitaire au titre du travail dissimulé (six mois), le manquement pénalement sanctionné de l’employeur pourrait avoir une incidence sur la relation de travail, entrainant éventuellement l’indemnisation afférente.
Indépendamment de la rupture du contrat, la question se pose de la caractérisation d’une situation de harcèlement moral dans la mesure où malgré la suspension du contrat de travail, les sollicitations de l’employeur, ne pouvant ignorer le bénéfice de l’activité partielle, participent, en mettant une pression sur le salarié, à la dégradation de ses conditions de travail. Si ce point avait pu être évoqué concernant la thématique des RPS et la prise en compte des contraintes privées du salarié, lorsque le contrat est suspendu, nous pourrions considérer qu’une sollicitation, même ponctuelle, à l’instar de la période couverte par un arrêt maladie, participerait certes à l’édification du lien de subordination, mais également à une immixtion illégitime au cours de la période de suspension.
Dans ce contexte, le salarié pourrait initier un recours en indemnisation au titre d’un harcèlement, sans exclure la formalisation d’une déclaration de maladie professionnelle au titre de RPS, considérant que la situation dans laquelle son employeur l’a placé serait à l’origine d’une atteinte à sa santé.
Conclusion
Au même titre que l’activité partielle, la répression afférente aux fraudes existait antérieurement au Covid-19. Toutefois, l’élargissement des conditions d’accès à ce dispositif, les difficultés économiques de certaines entreprises et l’insuffisance de trésorerie, ont pu conduire certaines d’entre elles à avoir une appréciation moins stricte que les critères habituellement retenus par la DIRECCTE.
Dans la mesure où des contrôles a posteriori vont être mis en place, le nombre de ceux-ci postulent à l’établissement d’un dialogue et à des règlements amiables dans la majorité des cas. Toutefois, les situations de fraudes avérées (et/ou massives) auront un traitement judiciaire avec le cas échéant les sanctions pénales afférentes.
Dans ce cadre, les droits de la défense, tant sur la forme de l’enquête, que le fond des poursuites, auront plus que jamais leur utilité, puisqu’il est à craindre que le battage médiatique fasse peu de cas des problématiques économiques et se limite à présenter des abus à la solidarité nationale sans distinction de l’élément matériel ou intentionnel à l’origine de la reconnaissance de culpabilité.
Covid-19 et risques psychosociaux
Les risques psychosociaux (RPS), protéiformes dans leurs causes et leurs manifestations, obéissent pourtant à une même logique de prévention opposable aux employeurs et ce, même dans l’hypothèse où leur survenance ne serait pas le seul fait de l’activité professionnelle du salarié. Si l’évolution de l’obligation de sécurité de résultat permet l’exonération de ceux d’entre eux qui démontrent l’exhaustivité de leur prévention, demeure l’incertitude de tous quant à l’identification d’un risque, ou d’une situation, dont le ressenti subjectif est difficilement anticipable.
L’actualité médiatique et juridique a été monopolisée par les risques directs relatifs au Covid-19. Lors de nos visio-conférences, nous nous sommes intéressés à la thématique des RPS dans le cadre des nouvelles organisations de travail requises tant par l’urgence que par les préconisations sanitaires, mais aussi autorisées par les pouvoirs publics dans le but d’assurer une continuité de services pour certaines activités, voire de préparer la reprise d’une vie économique pour d’autres. Ainsi et selon certaines données statistiques, au cours de la période de confinement, 44% des salariés interrogés évoquaient une « détresse psychologiqu »», que 18% d’entre eux qualifiaient « d’élevée », ce qui rendait le traitement de cette thématique nécessaire.
La variété des situations personnelles de confinement, la disparité des mesures de quantification de la charge de travail, associée à l’urgence de la mise en place du télétravail ont pu conduire non seulement à créer un cadre propice aux RPS, mais également à mettre les employeurs dans l’impossibilité d’assurer, par un management de proximité, l’efficience de leur prévention contre les RPS.
L’accord du 2 juillet 2008 relatif au stress au travail le définit comme « un déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et celle qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face ». Appliquée à la période de confinement ou de télétravail continu, la notion « d’environnement » ne serait pas exclusive de l’appréhension d’une vie familiale voire scolaire, dans un lieu non dédié à une activité professionnelle, sans les moyens usuellement à disposition au sein de l’entreprise. Ainsi la question de la responsabilité tant sociale que pénale d’un employeur se pose(ra), lorsqu’il n’a (ou n’aura) pas su adapter l’organisation et/ou la charge de travail de ses salariés.
Nous distinguerons les RPS du préjudice d’anxiété. En effet, ce dernier, dans sa nouvelle définition résultant des arrêts du 11 septembre 2019 (n°17-24879) ne peut être indemnisé que lorsqu’une exposition à une substance nocive ou toxique est susceptible de provoquer une pathologie grave. Or, une telle exposition n’est pas requise pour établir une situation de RPS dont les manifestations physiques peuvent aller bien au-delà des troubles psychologiques illustrant l’anxiété, puisqu’elles intègrent des douleurs, des TMS ou des situations pouvant conduire au suicide. Nous avions pu évoquer lors de nos sessions précédentes la possible extension du préjudice d’anxiété quant au risque même de contamination, dans le cas où la prévention serait insuffisante.
Dans un arrêt du 24 avril 2020, la Cour d’appel de Versailles a condamné la société Amazon pour ne pas avoir suffisamment évalué les risques, lui reprochant notamment l’absence d’évaluation des risques psychosociaux et la mise à jour du DUERP. En première instance, le Tribunal avait ordonné à l’entreprise de rendre « compte des effets sur la santé mentale induits notamment par les changements organisationnels incessants, les nouvelles contraintes de travail, la surveillance soutenue mise en place quant au respect des règles de distanciation et les inquiétudes légitimes des salariés par rapport au risque de contamination à tous les niveaux de l’entreprise ». Nous relèverons que l’employeur, soucieux de faire respecter les règles de prévention, s’est vu finalement mis en cause sur le terrain des RPS.
Le télétravail, imposé dans le cadre du confinement et recommandé dans la période actuelle, modifie clairement l’organisation du travail ainsi que la relation managériale, sans pour autant avoir bénéficié d’une anticipation permettant tant la prévention que la détection de situations pouvant générer des RPS, tel que l’exige l’accord de 2008 précité. La question se pose également du fondement de la responsabilité d’un employeur quant à des situations matérielles et/ou familiales, excédant le périmètre de son autorité. Si le temps du confinement est échu, les difficultés relatives à l’organisation du travail ainsi que les contraintes personnelles de certains salariés demeurent.
De plus, et en vue de préparer la reprise de l’activité économique, des dispositions permettraient aux employeurs d’astreindre davantage leurs collaborateurs, par une augmentation significative de leur durée de travail selon le secteur d’activité visé. Ainsi, nous rappellerons que l’ordonnance du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière notamment de durée du travail modifie la durée maximale hebdomadaire dans certains secteurs, pour la porter à près de 60 heures. Si le décret est en attente de publication, la question se pose nécessairement de savoir si l’autorisation réglementaire d’excéder la durée légale du travail sera une cause d’exonération quant à la surcharge d’activité en résultant ou à l’inverse, si cette dernière constituera la preuve matérielle d’une dégradation des conditions de travail, propice à la survenance des RPS.
Ces derniers, en tant que déséquilibre de perception d’une part, mais également d’inacceptabilité subjective d’une surcharge de travail d’autre part, peuvent également être retenus dans des situations objectives en ce qu’elles constituent un manquement de l’employeur à son obligation de prévention. Ainsi, bien que la charge de la preuve incombe au salarié, l’employeur devra démontrer, d’un point de vue matériel, les mesures mises en place tant pour la détection que la prévention de ces risques. A défaut, sa responsabilité pourrait être engagée au titre d’un renversement de la charge de la preuve, passant d’une impression subjective à un constat objectif d’une carence de prévention. Comme il a été jugé pour le DUER, l’employeur ne pourra se contenter de reprendre les directives gouvernementales dans ce contexte mais devra personnaliser, voire individualiser, sa politique de prévention pour intégrer un risque, ou un ressenti subjectif.
La cause des RPS sera donc fonction de l’organisation du travail lorsque le poste du salarié est exercé en télétravail. Ainsi, sa généralisation peut conduire à l’émergence des RPS (I). En outre, si les exigences économiques ont participé à la fin du confinement, elles ont aussi initié un débat quant à l’augmentation de la capacité de production pour rattraper ce que d’aucuns qualifient de « manque à gagner ». La relation entre la production et le temps de travail met en exergue la notion de charge de travail qui est un élément caractérisant la possible dégradation des conditions de travail (II), à l’origine des RPS.
I – La généralisation du télétravail, facteur de développement des risques psychosociaux
Le télétravail n’est pas un facteur de risque en lui-même, mais les conditions dans lesquelles il a été effectué en cette période de confinement et en post-confinement, peuvent être à l’origine du développement de troubles psychosociaux en lien avec le travail. Deux risques bien qu’opposés, peuvent postuler d’une même situation, à savoir l’isolement, et l’hyperconnexion. La fin du confinement a pu limiter le premier, sans exclure l’incidence d’une perte d’appartenance à une collectivité de travail ou d’une distanciation managériale (A), mais n’a pas nécessairement atténué le second dès lors que la relance de l’activité requiert une disponibilité accrue, sans que les contraintes personnelles et/ou familiales aient été pour autant atténuées (B). La confrontation entre les modalités de travail et l’augmentation de la charge de travail pose la question de l’équilibre vie privée – vie professionnelle, indépendamment du statut du salarié, opposable à l’employeur. La qualité de vie au travail (QVT) a dépassé les limites géographiques de l’entreprise et contraint l’employeur à intégrer les spécificités personnelles, familiales, organisationnelles de ses salariés.
A – Le risque d’isolement dans le cadre de l’exercice de l’activité en télétravail.
Par définition, le confinement a été exclusif de toute relation sociale, les limitant à des échanges tant numériques qu’à distance. Cette conséquence a nécessairement eu des impacts dans la relation de travail puisque indépendamment de l’organisation de l’entreprise, la distanciation sociale a conduit à une distanciation professionnelle. Là où le management pouvait être de proximité, il s’est distendu à tel point que les échanges informels, mais nécessaires pour apprécier la subjectivité d’une difficulté, ont disparu. La levée du confinement a permis de reprendre une vie sociale dans la limite des gestes barrières et de la limitation de la mobilité. Mais les encouragements à maintenir le télétravail, n’ont pas nécessairement permis de dissoudre un sentiment d’isolement que peuvent ressentir certains salariés.
Dans le cadre de ses publications, l’INRS a clairement mis en exergue ce risque en visant le fait notamment de ne plus aller sur le lieu de travail, de ne plus pouvoir retrouver les collègues, les éventuelles difficultés matérielles avec les TIC… Le risque d’isolement avait été identifié dans le cadre de la mise en place du télétravail, mais les modalités du confinement l’ont rendu plus présent, sans l’exclure totalement après le 11 mai.
L’Anact a proposé des préconisations pour limiter l’incidence du maintien du télétravail et l’accompagnement des salariés dans l’évolution technologique de leur poste, souhaitant redonner corps à un management de proximité, bien qu’exercé à distance. Ainsi les employeurs ont été encouragés à réaliser des réunions courtes et régulières en visioconférence, plutôt que par téléphone, d’utiliser des outils de messagerie instantanée, de créer des temps “de convivialité” virtuels, de réaliser un suivi tant collectif qu’individuel.
L’Anact préconise également d’inciter les salariés à mettre à jour quotidiennement leurs agendas partagés en indiquant les temps de travail et de garde d’enfants et de soutenir les coopérations à distance : mise en place de pratiques de « binômage » ou de partage d’expérience à distance entre salariés. Enfin, la prise de contact régulier, tant par les services RH que les représentants du personnel, dans un format institutionnel, permettra de maintenir ou de rétablir le lien social pour les personnes isolées, ou en difficulté avec la pratique du télétravail.
Cet isolement relationnel et la distanciation sociale avec l’entreprise peuvent se cumuler avec l’autre risque associé au télétravail, celui de l’hyperconnexion. Ce dernier peut résulter d’une mauvaise appréciation de la charge de travail par l’employeur, sans exclure qu’il procède également de l’initiative du salarié.
B – Droit à la déconnexion et personnalisation du télétravail
Conformément aux instructions sanitaires, les employeurs ont été contraints de généraliser le télétravail, lorsque l’activité le permettait, sans nécessairement avoir eu le temps de respecter les règles et la procédure prévues dans le code du travail. Cette nouvelle organisation de temps a, depuis le confinement et même après, été imposée à temps plein, à domicile et dans un environnement familial. La diversité des situations rencontrées, correspondant aux particularités de nos vies respectives.
Considérant que l’obligation de sécurité de résultat est opposable à l’employeur dans le cadre de la réalisation de la prestation de travail, nous pouvons en déduire qu’elle s’applique également lorsque le travail est réalisé au domicile du salarié. Si cette réalité existait dans un télétravail « normal », antérieur au confinement, elle bénéficiait malgré tout d’une organisation définie soit dans la charte interne, soit dans l’accord l’instaurant. Or, l’urgence postulant à sa mise en place a pu conduire à la généralisation du télétravail en l’absence de cadre susceptible d’éviter la survenance d’une situation d’hyperconnexion. Les circonstances particulières tenant au contexte épidémique ne sauraient permettre à l’employeur de s’exonérer de son obligation d’assurer la sécurité et de protéger la santé de ses salariés.
Conscient des effets néfastes de l’hyperconnexion sur la santé de salariés, le législateur s’est saisi de cette problématique. La loi du 8 août 2016 est venue consacrer l’existence du droit à la déconnexion (article L.2242-7 du code du travail) dont la finalité est de prévoir une durée maximale de connexion, d’assurer un repos journalier au salarié, de respecter la vie privée et de réguler la charge de travail.
En ce sens, les accords conclus visaient à assurer l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Ainsi, la sécurisation des périodes de repos, l’absence de sollicitation ou de contrainte en dehors des « heures habituelles de travail », la délimitation de plages horaires de connexion a participé à préserver, si ce n’est créer, une qualité de vie au travail. Qu’un accord instaurant le télétravail existe ou pas, la question du respect du droit à la déconnexion se pose dès lors que le cadre du confinement ne permettait pas aux salariés de se libérer un temps clairement identifié pour leur activité professionnelle, ou de dissocier celle-ci de leurs contraintes familiales.
Comme une réaction en chaîne, le décalage d’une journée de travail de certains salariés a pu interférer sur l’organisation d’autres et ainsi exclure tout respect d’un droit à la déconnexion. Est-ce que l’employeur en serait pour autant responsable ? L’articulation entre la vie personnelle et professionnelle visée à l’article L.2242-17 du Code du travail, semble exclusive de la situation de confinement que nous avons vécue.
Le droit à la déconnexion marque une limite à l’exercice du pouvoir disciplinaire de l’employeur. A ce titre, l’hyperconnexion peut aller de pair avec un contrôle plus important de l’employeur et un risque de basculement sur une qualification de harcèlement moral. Quelle que soit l’organisation du travail mise en œuvre dans ce contexte particulier, elle ne peut servir de prétexte à l’employeur pour solliciter ses employés en dehors des heures de travail. Mais plus que la limite horaire, un employeur pourrait être contraint de s’adapter aux exigences personnelles de ses collaborateurs. Ainsi et outre le risque d’hyperconnexion, celui d’une charge de travail inadaptée quant à la capacité de travail du salarié au vu de ses contraintes personnelles devrait être prise en compte.
Cette personnalisation du travail induirait une immixtion de l’employeur dans la vie privée de ses salariés pour apprécier notamment l’adaptation du travail avec leurs contraintes personnelles. Cette personnalisation irait dans le sens de l’obligation faite à l’employeur de veiller au respect du temps de repos. En ce sens, des échanges réguliers entre collaborateur(s) et manager(s) apparaissent indispensables pour définir les plages de travail en lien avec la réalité de l’organisation personnelle du salarié et adapter la charge de travail. Nous considérons que le risque d’une absence de personnalisation serait de nature à caractériser une situation de harcèlement moral, bien que la charge de travail ne soit guère plus importante que celle habituellement gérée par le salarié, au motif que la disponibilité de celui-ci serait moindre.
Qu’il s’agisse de la période de confinement ou de la situation présente, au cours de laquelle de nombreux salariés demeurent en télétravail, nous rappellerons que la Chambre sociale a pu retenir une situation de harcèlement sur une « courte période » et en l’occurrence de quelques semaines (soc., 26 mai 2010, n° 08-43152). Nous rappellerons également que la persistance du manquement ne saurait être assimilée à une acceptation tacite de la part du salarié qui reste recevable à solliciter une indemnisation (Soc., 15 janvier 2020, n° 18-19083). Pour s’exonérer de sa responsabilité, compte tenu de l’évolution de l’obligation de sécurité de résultat, il appartiendra a minima à l’employeur de justifier des sollicitations à l’égard de son salarié quant à l’adaptation de sa capacité de travail au vu de ses contraintes personnelles et, le cas échéant, d’adapter la charge de travail en conséquence.
II – L’augmentation de la charge de travail, élément caractérisant la matérialité d’une dégradation des conditions de travail
L’appréciation de la charge de travail d’un salarié peut résulter tant du temps de travail que de la productivité réalisée par ce dernier. Lorsque les deux critères sont réunis la question se posera des causes d’exonération de l’employeur (B). Mais nous pouvons aussi considérer que la seule augmentation du temps de travail aura pour effet d’accroître la capacité de productivité. Ainsi et même si la seconde est une conséquence de la première, se posera la question de l’existence d’une telle dégradation lorsque l’augmentation de la durée du travail est autorisée par les pouvoirs publics (A).
A – L’augmentation réglementaire de la durée du travail
L’ordonnance du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière notamment de durée du travail est venue modifier considérablement la législation applicable. Si son application est à ce jour conditionnée à la parution d’un décret et limitée dans le temps jusqu’au 31 décembre 2020, il n’en demeure pas moins que les dérogations accordées aux entreprises de certains secteurs d’activité vont, du fait de l’amplitude horaire autorisée, clairement poser la problématique des conditions de travail. Considérant qu’il existe un lien de causalité entre durée et charge de travail, l’augmentation de l’une va de pair avec l’autre et ainsi abonde dans le sens d’une dégradation des conditions de travail.
Pour rappel, l’article 6 de l’ordonnance précitée prévoit à titre d’exemple, dans « certains secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et social », que la durée quotidienne maximale pourra passer de dix à douze heures, que la durée hebdomadaire maximale passera de quarante-huit à soixante heures ou encore que le repos quotidien entre deux jours sera réduit à neuf heures, alors qu’il était de onze auparavant. Si la relance de l’activité économique peut s’accompagner d’une relance de la production, le pouvoir en place a fait le choix d’une augmentation de l’amplitude horaire des salariés en place, plutôt que de contrat dédié à la période actuelle. Nous rappellerons à ce titre qu’un contrat peut être conclu à durée déterminée en cas de surcroît temporaire d’activité. Ainsi, considérant que la législation en cause est temporaire, jusqu’au 31 décembre 2020, le recours à l’augmentation du temps de travail aurait pu être suppléé par des embauches temporaires.
Mais la réelle question qui se posera sera plus précisément de savoir si l’employeur, fondé à faire travailler ses salariés dans les limites rappelées, pouvait se voir reprocher une situation de harcèlement moral au motif que le volume et/ou l’amplitude horaire caractériserait à lui seul une dégradation des conditions de travail.
La Cour d’appel d’Aix en Provence, dans un arrêt du 5 juin 2012 a pu rejeter l’accusation de harcèlement moral quant à une surcharge causée par l’absence d’un collègue non remplacé. Il est nécessaire de rappeler que l’arrêt a été motivé au titre du caractère récent de la situation en cause. Ainsi, qu’il s’agisse d’une mauvaise ventilation des tâches en cas de gestion de l’absentéisme, ou d’une augmentation de la durée de travail, bien que prévue réglementairement, les juridictions saisies auront une appréciation casuistique quant à la perception de ladite charge par le demandeur à l’action. Nous rappellerons que le stress se définit en premier lieu par une différence de perception. Cette subjectivité, associée au renversement de la charge de la preuve à l’encontre de l’employeur, imposera à ce dernier une réelle prévention.
A ce titre et sur une problématique connexe, nous évoquerons le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Paris le 20 décembre 2019, affaire France Télécom, dans lequel, pour reconnaître la culpabilité des prévenus, la juridiction a retenu la notion de « harcèlement institutionnel ». Dans ce cas, la dégradation des conditions de travail n’est plus nécessairement relationnelle, mais organisationnelle, sans pouvoir exclure qu’un inspecteur du travail la considère comme « volontaire » dès lors qu’un employeur qui fixerait à soixante heures hebdomadaires la durée du travail, pourrait difficilement prétendre ne pas avoir conscience du danger auquel il expose son salarié.
B – Les causes d’exonération possibles de l’employeur
La caractérisation d’une situation de RPS est fondée sur une même situation juridique, à savoir un manquement à l’obligation de sécurité de résultat. Nous considérons que cette notion est à distinguer de la situation de harcèlement moral, que nous pourrions considérer comme étant autonome, bénéficiant à ce titre d’une définition pénale d’une part mais également de sanctions propres, telle la nullité ou l’indemnisation distincte de la rupture du contrat de travail.
Nous avions eu l’occasion de rappeler l’évolution de l’obligation de sécurité de résultat, notamment dans nos publications relatives au préjudice d’anxiété. Nous retiendrons dans le présent article que l’employeur peut s’exonérer d’un tel manquement dès lors qu’il démontre tant l’exhaustivité que l’efficience des mesures de prévention mises en place.
La difficulté de la distanciation sociale dans le cadre professionnel, impliquant l’institutionnalisation du télétravail, est de priver les managers de proximité de la lisibilité d’une situation individuelle et donc de la perception erronée d’un collaborateur ou du sur-dimensionnement d’une charge de travail. Comme nous l’avons vu, en cas de maintien du télétravail, l’adaptation de la charge de travail nécessitera la prise en compte du cadre personnel du salarié, induisant une personnalisation des temps de travail et/ou de connexion, avec une organisation de la chaîne hiérarchique et une gestion des priorités et modes de communication.
L’autorisation réglementaire d’une dérogation à la durée légale du travail, poserait la question d’une responsabilité étatique quant à l’autorisation donnée, à des fins économiques, aux employeurs d’augmenter directement la charge de travail des salariés. A ce titre et en cas de recours, se poserait la question d’une action récursoire pour un partage de tout ou partie de l’indemnité allouée aux salariés. A ce titre, il a été rappelé que les pouvoirs publics pouvaient palier autrement le besoin de main d’œuvre, avec le même souci de productivité. Si l’accent a été mis sur l’augmentation du temps de travail, l’employeur faisant application de l’ordonnance, au motif qu’il ressort d’un secteur d’activité visé, sous réserve d’une prévention adaptée au volume d’heure, ne serait être le seul responsable d’une éventuelle dégradation des conditions de travail.
Enfin, l’adaptation de la charge de travail devrait s’accompagner d’un aménagement de tous les paramètres relatifs aux rémunérations variables. Ainsi, la durée du confinement devra nécessairement être prise en compte pour adapter tous les objectifs fixés annuellement, à défaut de quoi ceux-ci pourraient devenir irréalisables dans les dix mois restant ce qui participerait à une dégradation des conditions de travail. Toutefois et s’agissant d’un élément du contrat de travail, la modification devra requérir l’accord du salarié. La question se posera de savoir si ce dernier, refusant une perte financière (potentielle), peut ultérieurement reprocher à son employeur l’inadaptation de ses objectifs. Dans ce cadre, nous rappellerons que le refus n’étant pas fautif, l’employeur ne pourrait s’en prévaloir pour contourner son obligation de résultat. Ainsi, et si le salarié refuse un aménagement de ses objectifs (si sa rémunération en dépend), il appartiendra à son employeur de veiller à pouvoir démontrer en cas de recours à la mise en place d’une prévention ou de moyens complémentaires à disposition.
Conclusion
Parce que les RPS postulent d’une appréciation subjective, leur appréciation contentieuse reste difficile à appréhender. Pour contourner cet écueil, il est fréquent que les requérants multiplient les démarches avec notamment la formalisation de déclaration d’accident du travail ou de maladie professionnelle pour établir une imputabilité professionnelle à la dégradation de leur état de santé. Si la première est exclusive du caractère répétitif des agissements requis pour établir une situation de harcèlement, leurs prises en charge actent néanmoins d’un manquement à l’obligation de sécurité de résultat susceptible d’entraîner la faute inexcusable de l’employeur.
Ce dernier ne pourra s’exonérer que par la preuve des mesures de prévention mises en place. Au vu de la période actuelle, celles-ci devront nécessairement être revues et adaptées aux conditions individuelles de travail. A ce jour et pour certains salariés, le télétravail est devenu la norme alors même qu’aucune organisation conventionnelle n’a été prévue. Si cette carence pouvait se comprendre au début du confinement, en cas de contrôle et/ou de contentieux, les organismes et juridictions seront vigilants sur l’appréciation de la charge de travail indépendamment de la nécessité collective d’une reprise de l’activité économique
La situation d’urgence sanitaire a permis un élan de solidarité nationale à l’égard des salariés qui, bien que susceptibles d’être exposés, continuaient à travailler. Il est peu probable que cette solidarité soit la même à l’égard des entreprises qui participent à la reprise de l’activité économique mais qu’à l’inverse, l’aspect financier soit mis en exergue pour être opposé à la santé des salariés. Ces notions ne sont pourtant pas exclusives l’une de l’autre, le point d’équilibre étant la preuve des mesures de prévention instaurées par l’employeur.
Risque hygiène sécurité
Remboursement d'un trop perçu de rente d'accident du travail
Dans cette affaire, une juridiction de sécurité sociale a reconnu que l’accident du travail d’un salarié était dû à la faute inexcusable de son employeur.
Après avoir reconnu que l’accident du travail d’un salarié était dû à la faute inexcusable de son employeur, une juridiction de sécurité sociale a fixé au maximum la majoration de la rente attribuée à la victime, laquelle a été versée par la CPAM.
Ayant avoir constaté une erreur dans le calcul de la majoration, la caisse a informé la victime d’un trop-perçu et lui a demandé le remboursement.
En contestation, la victime invoqué une irrégularité de procédure s’agissant de l’absence de la mention concernant la possibilité de récupérer la somme litigieuse par retenues sur les prestations à venir. De plus, le salarié se prévalait du fait que la lettre recommandée avec avis de réception ne lui avait pas été remise, ce dernier n’étant pas allé retirer le courrier au bureau de poste.
La Cour de cassation confirme la décision de la Cour d’appel de déclarer la procédure régulière peu important l’absence de délivrance par la caisse d’une mise en demeure.
Civ., 2ème, 28 mai 2020, n° 19-11815.
Exercice d'une activité non autorisée pendant un arrêt maladie
Selon l’article L.323-6 du code de la sécurité sociale, en cas d’inobservation volontaire des obligations qu’il fixe, et au respect desquelles le service de l’indemnité journalière de l’assurance maladie est subordonné, le bénéficiaire restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes.
En ce sens, l’exercice par l’assuré d’une activité non autorisée fait disparaître l’une des conditions d’attribution ou de maintien des indemnités journalières. En l’espèce, lors d’un contrôle de l’URSSAF, le salarié en arrêt maladie a été vu en situation de travail sur son lieu de travail. Ainsi, la caisse est en droit d’en réclamer la restitution depuis la date du manquement.
La pénalité financière infligée à l’assuré qui exerce une activité non autorisée pendant un arrêt maladie n’est pas subordonnée à la preuve de l’intention frauduleuse de l’intéressée.
Civ., 2ème, 28 mai 2020, n° 19-129962 et n° 19-14010.
Prise en charge du suicide du salarié mais absence de faute inexcusable de l'employeur
Dans cette affaire, un salarié a mis fin à ses jours à son domicile le 3 septembre 2010. La Caisse a reconnu le caractère professionnel du suicide par décision du 16 août 2012. La prise en charge a été déclarée inopposable à l’employeur par décision de la commission de recours amiable. Par suite, les ayants-droit de la victime ont formé un recours en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
Dans le cadre de sa défense l’employeur contestait en premier lieu le caractère professionnel de l’accident.
Nous rappellerons que lorsque l’accident survient en dehors du temps et du lieu de travail, aucune présomption d’imputabilité ne peut bénéficier à la victime ou à ses ayants-droits qui supportent la charge de la preuve d’un lien de causalité entre le dommage et l’activité professionnelle.
En l’espèce, le salarié s’est adressé par deux courriers du 5 et 10 août 2010 à son employeur lui demandant de ne pas rompre son contrat de travail suite à sa demande de mise à la retraite ne pouvant pas bénéficier du capital de fin de carrière. De nombreuses autres attestations circonstanciées sont produites par les ayants-droits de la victime faisant état de son changement de comportement à compter du mois d’août 2010 en lien avec des préoccupations relatives à son départ à la retraite.
Il en résulte que l’existence d’un accident du travail doit être retenue.
Mais, s’agissant de la faute inexcusable, la Cour de cassation relève que les courriers du salarié ont été adressés à l’employeur durant la période de fermeture de l’établissement. Par ailleurs, aucun élément ne permet d’établir qu’au retour des congés soit le 23 août 2010, l’employeur aurait changé de comportement à l’égard de la victime ni même qu’il aurait pu avoir conscience d’une détresse psychologique que le salarié aurait pu manifesté dans le cadre de son travail.
En outre, l’employeur produit dans le cadre de l’instance des attestations de salariés de l’entreprise dans lesquelles on peut lire que plusieurs jours avant l’accident, la victime avait été informée par son employeur qu’il avait sollicité un rendez-vous avec le comptable afin d’examiner la situation liée à son départ en retraite, ce qui n’est pas contredit par l’attestation de l’épouse du défunt.
En conséquence et selon les juges de la Haute juridiction, rien ne permet d’établir la conscience qu’aurait dû avoir l’employeur d’un danger auquel son salarié aurait été exposé de sorte que la faute inexcusable n’est pas démontrée.
CA de Grenoble, 30 juin 2020, n° 18/00655.
Effondrement psychologique en réunion : quelle prise en charge ?
Après avoir été licenciée le 23 avril 2010 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, une salariée a déclaré un accident du travail en visant une réunion du 1er octobre 2009. La Caisse a pris en charge ce sinistre. L’employeur a obtenu l’inopposabilité de cette décision devant la Commission de recours amiable.
Parallèlement, la salariée a été déboutée devant le Conseil de Prud’hommes dans la cadre de la contestation de son licenciement alors qu’elle estimait que son inaptitude était la conséquence d’un harcèlement dont elle était victime.
Poursuivant ses contestations, elle a formé un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de voire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur.
Dans le cadre d’une action en faute inexcusable, l’employeur peut contester la caractère professionnel de l’accident peut important que la décision de prise en charge de l’accident soit définitive à l’égard de la victime.
Selon l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail. Ainsi, la victime doit démontrer d’une part l’existence d’un fait soudain survenu au temps et au lieu du travail et, d’autre part, l’existence d’une lésion consécutive à ce fait accidentel.
Un effondrement dépressif soudain peut être pris en charge dès lors qu’il est établi qu’il est en lien avec un événement précis survenu au temps et au lieu du travail.
En l’espèce, la salarié déclare avoir été victime le 1er octobre 2009 d’un effondrement psychologique survenu après une réunion au temps et au lieu du travail.
Si la tenue de la réunion n’est pas contestée, les juges du fond ne relèvent aucun élément permettant d’établir le fait que la réunion ait constitué comme elle l’affirme » un choc ultime » entraînant » un effondrement psychologique ». De plus, la salarié n’a été placée en arrêt de travail qu’à compter du 12 octobre, soit dans un temps éloigné de la tenue de la réunion. La seule pièce en lien avec l’accident produite par la salarié est la déclaration établie le 16 juin 2010, pièce dépourvue de toute force probante;
Par conséquent, et en l’absence de preuve d’un fait accidentel précis, circonstancié et soudain, les juges ne sauraient retenir la qualification d’accident du travail.
Dans ces conditions, la faute inexcusable de l’employeur ne peut être recherchée.
CA de Grenoble, 30 juin 2020, n° 18/00530.
Risque contentieux social
Validité de la clause de non-concurrence : acceptation claire et non équivoque
Dans cette affaire, une salariée a été embauchée selon un contrat de travail du 11 octobre 2011 qu’elle n’a pas signé. Le 25 janvier 2012, un avenant est signé par les deux parties.
Le 13 décembre 2013, l’employeur lui propose un nouveau contrat qu’elle refuse de signer. Par courrier du 24 février 2014, la salariée prend acte de la rupture du contrat de travail, la relation de travail prenant fin le 21 mars 2014.
Alors que l’employeur lui versait une indemnité relative à la clause de non-concurrence stipulée au contrat initial du 11 octobre 2011, la salariée était embauchée dans une entreprise de travail temporaire concurrente. Par conséquent, l’employeur a saisi la juridiction prud’homale estimant que la clause de non-concurrence contenue dans le contrat initial du 11 octobre 2011 n’était pas respectée.
Devant les juges d’appel, la salariée a soulevé le moyen selon lequel la clause de non-concurrence lui était inopposable dans la mesure où elle n’avait pas signé le premier contrat de travail du 3 octobre 2011.
L’argument ne convainc pas la Cour d’appel. Cette dernière rappelle qu’une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable aux intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser à ce dernier une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.
En l’espèce, la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail de la salariée avait pour effet de lui interdire après la rupture de travailler pour une entreprise de travail temporaire ou de recrutement concurrente à son précédant employeur ( et non pas à l’ensemble des sociétés du groupe) pendant une durée de deux ans et dans le secteur géographique du Rhône et des départements limitrophes à savoir la Saône et Loire, l’Ain, l’Isère et la Loire. En contrepartie, elle percevait une indemnité compensatrice dégressive sur deux ans.
Ainsi et pour dire que la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail du 3 octobre 2011 était opposable à la salariée, la cour d’appel a constaté que si le contrat de travail du 13 décembre 2013 n’avait pas été signé par la salariée, celle-ci ne pouvait contester l’existence du contrat de travail du 3 octobre 2011 dans la mesure où :
- elle avait signé le 25 janvier 2012 un avenant au contrat de travail du 3 octobre 2011.
- elle reconnaissait dans sa lettre de démission avoir travaillé comme responsable d’agence depuis le 3 octobre 2011
- elle revendiquait le paiement d’heures supplémentaires sur la base du temps de travail stipulé dans le contrat de travail du 3 octobre 2011
- elle ne contestait pas avoir perçu les indemnités compensatrices relatives à la clause de non-concurrence stipulée dans ce contrat après sa rupture.
La Cour de cassation censure cette décision estimant que les juges du fond ne caractérisent pas l’acceptation claire et non équivoque par la salariée de la clause de non-concurrence invoquée par l’employeur.
Soc., 1er avril 2020, n° 18-24.472.
Faute grave du salarié au comportement sexiste et dégradant
Un salarié a été licencié pour faute grave pour avoir tenue des propos dégradants à caractère sexuel à l’encontre d’une collègue de travail.
Considérant que ce comportement rendait impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, l’employeur a engagé une procédure disciplinaire à son encontre, laquelle a abouti à son licenciement pour faute grave. Souhaitant contester cette décision, le salarié a saisi la juridiction prud’homale.
Pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel considère que si les propos tenus par le salarié, même sur le ton de la plaisanterie, sont indéniablement dégradants à l’encontre de sa collègue de travail, il convient de relever que l’intéressé avait près de sept ans d’ancienneté et ne présentait aucun antécédent disciplinaire.
La Cour de cassation censure les juges du fond. Elle considère que le fait d’avoir un comportement sexiste et de tenir des propos dégradants est constitutif d’une faute grave.
Soc., 27 mai 2020, n° 18-21.877.
L'acceptation de cadeaux d'affaires d'un montant important peut justifier le licenciement pour faute grave
Un salarié occupant le poste d’assistant achat au dernier état de la relation contractuelle a été licencié pour faute grave.
Selon les motifs énoncés dans la lettre de licenciement, l’employeur lui reprochait d’avoir accepté des cadeaux de l’un des fournisseurs en échange de la commande passée. En l’espèce il s’agissait de deux Ipad mini que le salarié avait commandé au fournisseur en précisant expressément qu’ils soient livrés à son domicile personnel. Ces faits, qui de surcroît ont été dissimulés à la hiérarchie, contreviennent aux règles internes applicables au sein de la société et du groupe et pour lesquelles, l’employeur justifie avoir formé le salarié.
Selon la Cour d’appel, il appartient à tout salarié s’interrogeant sur la « valeur raisonnable » d’un cadeau de questionner en premier lieu sa hiérarchie comme le prévoit le code de conduite professionnelle.
En acceptant personnellement des cadeaux d’un montant important d’un fournisseur, le salarié a potentiellement perturbé les règles encadrant le choix d’un fournisseur portant nécessairement préjudice à l’image de son employeur, a fait peser un risque de redressement eu égard à l’avantage en nature indûment octroyé et, a manqué à son obligation de loyauté en méconnaissant les règles déontologiques en vigueur.
Par conséquent, les juges du fonds estiment que la gravité de la faute commise était de nature à justifier le licenciement pour faute grave du salarié.
CA d’Angers, 29 mai 2020, n° 18/00395.
Le bore-out constitutif d'un harcèlement moral
C’est une décision inédite que vient de rendre la Cour d’appel de Paris. Elle reconnait pour la première fois que l’ennui et le manque de travail peuvent caractériser une situation de harcèlement moral.
En vertu de l’article L.1154-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, lorsque survient un litige relatif au harcèlement moral, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et au vu de ces éléments il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, le salarié soutient avoir subi pendant plusieurs années les faits suivants :
— une pratique de mise à l’écart à son égard caractérisée par le fait d’avoir été maintenu pendant les dernières années de sa relation de travail sans se voir confier de réelles tâches correspondant à sa qualification et à ses fonctions contractuelles ;
— le fait d’avoir été affecté à des travaux subalternes relevant de fonctions d’homme à tout faire ou de concierge privé au service des dirigeants de l’entreprise ;
— la dégradation de ses conditions de travail, de son avenir professionnel et de sa santé du fait de ces agissements.
Il ajoute dans ses écritures d’appel :
— le bore–out (opposé du burn-out) auquel il a été confronté faute de tâches à accomplir.
— les pressions de son employeur dont il a fait l’objet pour qu’il prenne du « médiator » afin qu’il perde du poids et précisant qu’il s’en est fait prescrire de peur de perdre son emploi ;
— le fait que le harcèlement s’est poursuivi après la rupture du contrat et après le jugement rendu puisque l’employeur dans la presse ou les réseaux sociaux l’accusé d’être un maitre-chanteur ou un imposteur.
Sur la base de ces éléments, la cour retient que les conditions de travail sont en lien avec une dégradation de l’état de santé du salarié, et que les agissements dénoncés par ce dernier permettent de caractériser la matérialité d’une situation de harcèlement moral.
Cour d’appel de Paris, 2 juin 2020, n° 18/05421.
Temps de pause temps de travail effectif
Pour solliciter le paiement d’heures supplémentaires une salariée exposait qu’elle devait rester sur son lieu de travail et en tenue pendant le temps de pause, et qu’elle pouvait être appelée à tout moment, en raison notamment de l’arrivée retardée d’un avion ou de celle d’un collègue de travail . Elle prétendait ainsi se tenir à la disposition de son employeur pendant son temps de pause, lequel devait nécessairement être requalifié en temps de travail effectif.
Pour rejeter la demande de la salariée, la Cour de cassation estime que pendant son temps de pause la salariée était libre de rester dans le local prévu à cet effet ou d’aller où bon lui semblait. La seule obligation qui était maintenue pendant ce temps était celle de présenter un comportement irréprochable et de rester en tenue de travail pour se déplacer dans l’aéroport.
Par conséquent, la salariée ne se trouvait pas à la disposition de son employeur pendant son temps de pause.
Soc., 3 juin 2020, n° 18-18836 et n°18-19391.
Refus d'aménagement du poste d'un travailleur handicapé
A la suite d’un accident du travail un salarié a été reconnu travailleur handicapé. Il fut déclaré « inapte » par le médecin du travail puis licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Selon la Cour de cassation, le manquement de l’employeur à son obligation de reclassement a pour conséquence de priver de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
De plus, l’article L. 5213-6 du code du travail dispose qu’afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés, l’employeur prend, en fonction des besoins, les mesures appropriées pour leur permettre d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification. La mise en oeuvre de ces mesures peut toutefois être écartée si elle entraîne des charges disproportionnées par rapport aux aides dont peut bénéficier l’employeur au titre de l’insertion professionnelle des personnes handicapées.
Conformément à l’appréciation des juges du fond, qui ont constaté que l’employeur ne justifiait pas d’études de postes ni de recherches d’aménagements du poste du salarié, c’est à bon droit que la Cour d’appel a pu en déduire que le refus de l’employeur de prendre des mesures appropriées pour permettre audit salarié de conserver son emploi était constitutif d’une discrimination en raison du handicap, laquelle entraîne la nullité du licenciement.
Soc., 3 juin 2020, n° 18-21993.
Prévention des risques psychosociaux en cas de PSE
Dans cette affaire, la question était de savoir si le contrôle du respect de l’obligation de prévention des risques en matière de santé et sécurité, dans le cadre d’un PSE, relève de la compétence du juge judiciaire ou du juge administratif ?
En l’espèce, dans le cadre d’une réorganisation donnant lieu à l’établissement d’un PSE un syndicat a saisi en référé le TGI demandant la suspension du projet de réorganisation jusqu’à ce qu’il soit mis fin au trouble manifestement illicite résultant de l’absence de mesures de prévention des risques psychosociaux et de la souffrance des salariés.
Sur la question de la compétence juridictionnelle, le Tribunal des conflits estime qu’il appartient à l’autorité administrative de vérifier le respect, par l’employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques sur la santé physique et mentale des travailleurs. A ce titre, le contrôle doit porter tant sur la régularité de l’information et la consultation des IRP que sur les mesures auxquelles est tenu l’employeur en vertu de l’article L.4121-1 du code du travail.
A l’inverse, le juge judiciaire retrouve sa compétence lorsque les manquements de l’employeur au titre de son obligation de sécurité sont étrangers au projet de réorganisation ou lorsqu’ils sont liés à la mise en oeuvre de l’accord ou de l’opération de réorganisation.
En somme, le juge administrative intervient en amont, dans le cadre d’un contrôle du contenu du PSE, et le juge judiciaire, en aval, au moment de sa mise en oeuvre.
Tribunal des conflits, 8 juin 2020, n° C4189.
Quel préjudice en l'absence de visite de reprise ?
Devant la Cour d’appel, la salariée a été déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour absence de visite médicale d’embauche. Les juges estimaient qu’il lui appartenait de rapporter la preuve du préjudice subi, quand bien même l’employeur ne contestait pas l’absence de visite médical et proposait une indemnisation à la salariée.
La Cour de cassation sanctionne cette décision. Elle estime que le fait que l’employeur reconnaisse l’existence du préjudice dont la salariée demandait la réparation prouvait l’existence du préjudice et qu’il appartenait seulement aux juges du fond d’en apprécier l’étendue.
Soc., 24 juin 2020, n° 17-28067.
Risque pénal
Recevabilité des constitutions de partie civile incidentes des salariés exposés à l'amiante
Dans cette affaire, un salarié a déposé plainte en 2005. Le Ministère public a établi un réquisitoire introductif visant la plainte de la victime et mentionnant les qualifications de blessures involontaires ayant entraîné une ITT de plus de trois mois par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité. Suite au décès de la victime le ministère a requis supplétivement le juge d’instruction d’informer du chef d’homicide involontaire. Puis, en 2009 et 2010, il a encore requis le juge d’instruction de recevoir la constitution de partie civile incidente des ayants droit respectifs de deux autres personnes décédées toutes deux dans des circonstances analogues à celles de la première victime. De nombreuses autres victimes se sont manifestées auprès du juge d’instruction le conduisant à étendre ses investigations.
En 2017, le juge d’instruction a rendu un avis de fin d’information. A la suite, il a reçu des courriers du conseil de l’ARDEVA l’informant de la constitution de partie civile de 161 personnes se disant victimes de faits » directement liés aux faits ayant conduit à l’ouverture de la présente information judiciaire ». Par ordonnance la juge a constaté l’irrecevabilité des 161 plaintes.
Sur la question de la recevabilité des constitutions de parties civiles, la Cour d’appel a infirmé l’ordonnance du juge d’instruction. Selon la Cour d’appel l’intervention d’une partie civile est recevable lorsque les faits poursuivis sont indivisibles.
Saisie à son tour, la chambre criminelle de la Cour de cassation a répondu par la négative. Selon elle, les poursuites ne peuvent pas être uniques puisque les faits ne sont pas indivisibles dans le sens où la date d’intoxication par l’amiante de chaque salarié était inconnue. De plus, la longue période concernée et de la succession d’employeur empêchait de conclure à une identité d’objet et de résultat procédant « d’une même et unique action coupable », rendant irrecevables des constitutions de partie civile incidentes.
En effet, s’il était identifié, l’auteur principal des manquements pour les premières victimes ne serait probablement pas le même pour les autres. En conséquence, à auteur principal distinct, infraction pénale distincte. Ainsi, après avoir démontré en quoi les faits ne pouvaient être regardés « que comme distincts de ceux dont le juge d’instruction était saisi par les réquisitoires introductif et supplétifs du ministère public », la chambre criminelle en a tiré les conséquences logiques, à savoir l’irrecevabilité des constitutions de partie civile incidentes.
Crim., 24 mars 2020, n° 19-80.005.
Risque environnemental
La gestion des risques industriels
Mardi 2 juin 2020, la commission sénatoriale chargée d’enquêter sur l’incendie de l’usine Lubrizol et de son voisin et sous-traitant Normandie Logistique a rendu son rapport dans lequel elle déplore de « graves manquements qui nuisent à l’efficacité des mécanismes de prévention des accidents industriels » et formule un ensemble de recommandations pour une meilleure prise en compte des risques industriels.
L’incendie spectaculaire survenu fin septembre 2019 sur le site de l’usine rouennaise Lubrizol, classée SEVESO en raison de la quantité de matières dangereuses présentes sur son site d’exploitation, ne fait état d’aucune victime mais ravive le souvenir de la catastrophe industrielle de l’usine AZF en 2001.
Ce nouvel accident a cristallisé de nombreuses inquiétudes s’agissant des conséquences sur la santé des salariés et riverains mais aussi des atteintes à l’environnement en raison du déversement des eaux d’extinction polluées aux hydrocarbures, des fumées et retombées de suies.
La mission de la commission d’enquête était alors d’identifier les axes d’amélioration de la politique de contrôle des ICPE et en particulier des établissements Seveso.
Dans son rapport, la commission fait état de nombreux dysfonctionnements concernant notamment le système de prévention des incendies, la difficulté de documenter les produits stockés, le respect de la règlementation ICPE. A cet égard, le cumul et la proximité des activités de nature différentes de Lubrizol et Normandie Logistique apparaissent comme une difficulté supplémentaire pour la politique de prévention des risques industriels, les deux entités étant soumises à des régimes différents.
D’autre part, la commission alerte sur la diminution de moitié des contrôles effectués par la police des ICPE. De plus, elle souligne « le nombre réduit de sanctions prononcées, leur faiblesse et le taux de classement sans suite plus élevé pour les infractions environnementales ». A ce titre, elle souhaite renforcer la prise en compte de l’environnement dans le cadre de la prévention des risques industriels
Ce rapport fait écho au plan d’action proposé en février dernier par le ministère de la transition écologique et solidaire lequel s’articuler autour de trois axes majeurs:
-renforcer la transparence sur la gestion et les conséquences des accidents industriels, proposant la création d’un bureau d’enquête indépendant mobilisé en cas d’accident industriel majeur.
-renforcer la prévention des incendies avec des contrôles renforcés des installations classées situées dans un rayon de 100 mètres autour des sites SEVESO, un exercice incendie annuel, le stockage d’un volume suffisant d’eau d’extinction
-renforcer les moyens de contrôle et d’enquête.