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Revirement de jurisprudence: transfert de compétence juridictionnelle en matière d’imputabilité des maladies professionnelles.
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La faute inexcusable et les mesures de protection : un critère déterminant pour définir la faute inexcusable
Tentative de suicide en raison d’un licenciement : pour la Cour de cassation, il s’agit d’un accident du travail
Faute inexcusable : nouvelle réparation pour les souffrances physiques et morales
Point de départ du délai de contestation du taux AT/MP
Risque contentieux social
Mise en conformité du droit français et du droit européen en matière de congés payé
Absence de prescription des faits invoqués au soutien de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
Evaluation des salariés par un "client mystère"
Validité de la convocation à un entretien préalable quand le salarié ne récupère pas sa lettre
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Edito
Il reste encore un trimestre pour clore cette année et pourtant, cette news sera notre dernière publication de 2023. En effet, nous changerons la forme et le fond de nos newsletters en 2024, en conservant la qualité et pertinence de nos analyses. Notre Une, traite du revirement de jurisprudence avec les arrêts du 28 septembre 2023 et à ce titre ouvre des perspectives de réflexion sur les évolutions contentieuses en résultant, mais aussi les difficultés des employeurs qu’il sera nécessaire d’anticiper.
Vous retrouverez notre veille jurisprudentielle établie par l’ensemble de l’équipe du cabinet sur nos différents domaines d’intervention..
Bonne lecture !
Valéry ABDOU
Revirement de jurisprudence: transfert de compétence juridictionnelle en matière d’imputabilité des maladies professionnelles.
Les contestations des décisions de prise en charge des risques professionnels par les employeurs engendrent un contentieux sans cesse renouvelé, s’expliquant notamment par les enjeux financiers, lesquels justifient la sagacité de leurs conseils. Si historiquement, le grand nombre de recours visait à contester la régularité de la procédure d’instruction, aboutissant à l’inopposabilité de la prise en charge, la vigilance des organismes administratifs a eu pour effet de circonscrire ce type de demande et de contraindre les employeurs à réserver leur action à la contestation de l’imputabilité professionnelle du sinistre. Il demeure naturellement des exceptions, mais la tendance globale de ce contentieux est bien celle de la contestation de
l’imputabilité professionnelle et partant de l’exposition.
Cette procédure d’instruction a pour objet d’assurer l’efficience et l’égalité des droits des parties, à travers notamment l’application du principe du contradictoire. Le respect de ce dernier permet à l’employeur de disposer des éléments factuels et ainsi de proposer un débat sur le fond et l’imputabilité du travail dans la survenance de l’accident ou de la maladie. L’importance d’une procédure conforme à ces exigences n’est donc plus à rappeler, en ce sens qu’elle participe à la sécurité judiciaire du justiciable, en l’occurrence de l’employeur.Telle est l’attente de chacun des justiciables, qu’il soit en demande ou en défense, quant à la stabilité d’une procédure. Cette attente ne devrait pas être distincte selon qu’elle soit administrative, ou judiciaire.
Or force est de constater qu’un contentieux installé depuis de nombreuses années, devant des formations juridictionnelles établies, est en passe de connaitre une évolution substantielle, dont les incidences sur le fond sont à ce jour encore à définir.
Ainsi, par deux arrêts du 28 septembre 2023 (n°22-12265 et 21-25719), dont l’un publié au bulletin, la 2ème chambre civile procède à un revirement de jurisprudence quant à la compétence matérielle du pôle social. Par ces arrêts, la Cour confère « à la juridiction de la tarification » la compétence des contentieux en contestation de l’imputabilité professionnelle d’un sinistre, indépendamment de la date d’imputation. Aux termes de son avis, l’avocat général avait soutenu ce revirement, évoquant les « nombreux litiges » quant à la répartition des compétences entre les juridictions de droit commun et celles de la tarification.
Si l’organisation juridictionnelle est à prendre en compte, la complexité de la procédure résultant notamment de l’indépendance des rapports entre les parties (salarié, employeur et CPAM), des contentieux connexes pouvant résulter d’une prise en charge (action en faute inexcusable), aurait mérité à défaut d’une stabilité des compétences existantes, une anticipation des effets résultant de ce revirement.
Aux termes des arrêts de cassation commentés, la Haute juridiction décide « que les demandes de l’employeur de retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle ou d’inscription de ces dépenses au compte spécial, même formées avant notification de son taux de cotisation, relèvent de la seule compétence de la juridiction du contentieux de la tarification de l’assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles ».
Cette « simplification » juridictionnelle apportera à notre sens des difficultés et participera à rallonger, pour certains contentieux, des délais judiciaires déjà anormalement longs. Il sera rappelé que ces arrêts de cassation ont été rendus, sur pourvoi de la CARSAT, intervenue volontairement dans un contentieux opposant la CPAM à un employeur, démontrant aussi la globalisation de ces contentieux. Réserver le contentieux tarifaire à la seule « juridiction de la tarification » exige au préalable de distinguer ce qui relève de l’inopposabilité de la prise en charge, de la contestation de l’imputabilité professionnelle, et ce indépendamment de l’imputation financière du sinistre. Si les deux actions
aboutissent, en cas de décision favorable, à l’exclusion des prestations de sécurité sociale, les griefs et la base légale diffèrent (I) Qu’il soit d’inopposabilité ou tarifaire, le contentieux de la prise en charge et de l’imputation d’un sinistre n’est pas neutre à l’égard du salarié, lorsque celui-ci initie une action en faute inexcusable. Ainsi les incidences juridictionnelles de la contestation par l’employeur de l’imputabilité d’un sinistre seront à analyser tant sur le plan procédural que de la défense de ses intérêts (II).
La distinction entre l’inopposabilité de la prise en charge et l’absence d’imputabilité
professionnelle
Distinguer l’opposabilité de l’imputabilité va au-delà du champ sémantique, dès lors que ces notions procèdent de deux régimes juridiques distincts. Cette distinction sera d’autant plus accrue eu égard à la compétence juridictionnelle, désormais exclusive, de la juridiction de la tarification et ce
indépendamment de l’imputation financière du sinistre.
Distinction des moyens et des effets juridiques
L’opposabilité peut se définir comme les effets de la décision de prise en charge de la caisse primaire (CPAM) à l’égard de l’employeur. Aussi était-il « usuel » d’évoquer l’inopposabilité d’une décision, sans s’interroger sur son origine ou motif juridique à l’appui de son obtention, mais uniquement quant à ses effets visant à exclure les prestations de sécurité sociale du compte employeur. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 et la création de l’article L.452-3- du code de la sécurité sociale, applicable dans les recours en faute inexcusable, a précisé « que quelles que soient les conditions d’information de l’employeur par la caisse au cours de la procédure d’admission du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par une décision de justice passé en force de chose jugée emporte l’obligation pour
celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L.452-1 à 3 ». Au visa de ces dispositions, nous distinguions l’inopposabilité de forme, de celle de fond, elle-même différente de la contestation de l’imputabilité professionnelle qu’un employeur pouvait porter dans le cadre d’un contentieux en faute inexcusable.
Ainsi la distinction était rappelée dans deux arrêts des 11 octobre 2018 (n°17-24346) et 24 janvier 2019 (n°17-31531) la 2ème chambre civile a jugé que l’absence d’imputabilité d’une maladie à l’employeur
constituait un motif d’inopposabilité de la décision de prise en charge. Avant ces arrêts, « l’inopposabilité » était réservée aux recours initiés par l’employeur quant à l’incidence d’un sinistre sur son taux de cotisation et « l’imputabilité » était la contestation du sinistre, par l’employeur, dans le cadre d’un contentieux en faute inexcusable.
L’imputabilité est venue s’immiscer dans le contentieux de la tarification, en se distinguant de la notion d’opposabilité. Ainsi et dans un arrêt du 24 janvier 2019 (n°17-31531), la Cour a prononcé l’inopposabilité au motif que l’exposition ne s’était pas faite dans les conditions du tableau, 30 bis en l’occurrence. L’absence d’imputabilité, qui ne se limite pas à la seule notion d’exposition, mais aussi du défaut de correspondance avec la présomption d’imputabilité visée au tableau de sécurité sociale, constituaient alors un motif d’inopposabilité. C’est au sujet de la compétence juridictionnelle que ces notions ont pris leur autonomie juridique.
La délimitation de la compétence juridictionnelle
Par un arrêt du 20 juin 2019 (n°18-17049), la 2ème chambre civile venait modifier la définition de l’imputabilité professionnelle, rappelant également la compétence juridictionnelle quant à une demande d’inscription au compte spécial. En l’espèce, le recours portait sur une demande d’inscription au compte spécial d’une maladie visée au tableau 57, pour laquelle la date de première constatation médicale était antérieure au délai de prise en charge d’une part et à la présence du salarié dans l’entreprise d’autre part. La Cour, confirmant l’arrêt déféré, valide l’opposabilité de la décision au motif que le délai de prise en charge devait s’apprécier sur l’ensemble de la carrière du salarié et que la procédure d’instruction était régulière quant au dernier employeur.
Sur l’inscription au compte spécial, l’employeur soutenait qu’agissant avant imputation sur son compte, les juridictions du contentieux général étaient compétentes pour connaitre de sa demande formée au titre d’une multi-exposition. Sur ce point, la Cour infirme l’arrêt déféré et précise « que les litiges relatifs à l’inscription au compte spécial sont de la compétence des juridictions du contentieux général en l’absence de décision de la CARSAT, c’est-à-dire avant notification du taux de cotisation à l’employeur ». Cette position était déjà affirmée par la Cour (arrêt du 16 décembre 2011 n°10-26886 et 14 mars 2013 n°12-17766), mais jointe à un argument d’inopposabilité mettait déjà en exergue les bases du présent revirement.
Ainsi dans cette affaire, la Cour ne répondait pas expressément à la question posée à savoir la distinction entre retrait du compte employeur (sous-entendu avant notification du taux de cotisation) et demande d’inscription au compte spécial (postérieurement à la notification). Se fondant sur la question de la compétence, la question était tranchée sur la forme.
Dans les arrêts commentés du 28 septembre 2023, la Cour distingue bien la contestation de l’imputabilité, propre à la défense de l’employeur dans le contentieux de faute inexcusable, de la demande de retrait du compte employeur et de la demande d’imputation au compte spécial (selon la date d’engagement de l’action par rapport à la notification du taux de cotisation), pour considérer que ces dernières ne dépendent que du juge de la tarification.
L’incidence contentieuse de la compétence juridictionnelle
Transférer une compétence juridictionnelle « au juge de la tarification » n’est pas anodin, à la fois quant aux droits de la défense de l’employeur, mais aussi sur les contentieux connexes
Sur les droits de l’employeur et le cadre de décision de la juridiction de la tarification.
Dès lors que la 2ème chambre dans son arrêt commenté a visé exclusivement « le juge de la tarification», nous sommes légitimes à nous interroger sur le fait de savoir s’il demeure la phase amiable devant la CARSAT. A le supposer (bien que n’ayant aucune certitude), nous relevons que l’employeur « perd » un degré juridictionnel. En effet et alors qu’il pouvait solliciter devant les juridictions du contentieux général, avant notification du taux de cotisation, le retrait du sinistre ou son imputation au compte spécial, l’ordonnancement judiciaire lui permettait de présenter son recours, outre devant la commission de recours amiable, mais devant le tribunal judiciaire.
Rappelant que « le juge de la tarification », historiquement la CNITAAT, est la Cour d’appel d’Amiens, le constat de la perte d’un degré juridictionnel est un élément qui ne semble guère indisposer la Haute juridiction. Il est par ailleurs nécessaire de rappeler que les délais d’audiencement devant les juridictions du contentieux général étaient « déjà » importants, de considérer que la Cour d’Amiens se verrait attribuer l’ensemble des recours nationaux, indépendamment de la notification du taux de cotisation, interroge sur le délai « raisonnable », pourtant exigé par la convention européenne des droits
de l’Homme.
Que la France soit condamnée quant à ses dysfonctionnements judiciaires ne peut être une satisfaction, mais que l’attribution d’une compétence exclusive ne s’accompagnent pas de moyens supplémentaires participe à l’insécurité de l’employeur quant à la prise en compte de ses demandes. Par ailleurs, le fait de dissocier les compétences juridictionnelles imposera aux employeurs de vérifier la nature du fondement juridique de leur demande. En effet, il sera rappelé que les demandes de retrait de compte employeur ou d’imputation au compte spécial dépendent de l’arrêté du 17 octobre 1995.
Sur ce point, nous distinguerons l’argument basé sur ces dispositions, de la contestation de l’imputabilité professionnelle, qui dépend des conditions d’exposition selon les exigences du tableau en cause. Or à lire l’évolution jurisprudentielle, bien que la contestation de l’imputabilité soit réservée à l’employeur en défense dans un contentieux faute inexcusable, en appliquant l’arrêt du 24 janvier 2019 précité, la contestation de la présomption resterait du domaine du contentieux général. Or le premier critère de la présomption demeure la notion d’exposition. Ainsi un employeur contestant l’exposition elle-même, serait-il recevable à agir dans le contentieux tarifaire, ou le contentieux général.
La Cour de cassation a pu trancher cette question. Ainsi, dans un arrêt du 17 mars 2022 (Pourvoi n° 20-19294), la Cour a considéré que le défaut d’imputabilité à l’employeur de la maladie professionnelle n’était plus sanctionné par l’inopposabilité de la décision de prise en charge. Toutefois, elle précisait que la société pouvait contester cette imputabilité dans le cadre d’un recours tarifaire. Dès lors, relève de la compétence du juge de la tarification, la contestation du dernier employeur portant, non pas sur le bien-fondé de la décision de prise en charge, mais sur le fait que celle-ci ne résulte pas d’une exposition au risque au sein l’un de ses établissements (Cass. 2e civ. du 17 mars 2022 -Pourvoi n° 20-20878).
D’ailleurs, dans le cas de l’absence d’exposition au risque soulevée par un employeur, il revient désormais à la Carsat d’établir la preuve des conditions d’exposition chez cet employeur à qui elle a imputé les frais d’une maladie professionnelle (Cass. 2e civ., 1er déc. 2022, n° 21-11.252 et 20-22760) Aussi, la Cour de cassation, notamment dans ses arrêts du 28 septembre 2023, considère que relève du contentieux de la tarification, les questions liées à l’absence d’imputabilité, se manifestant par une « demande de retrait de son compte employeur des dépenses afférentes à une maladie professionnelle, indépendamment du recours aux fins d’inscription au compte spécial » fondé sur les dispositions de l’arrêté de 1995.
Autrement dit, la Cour a décidé que les demandes de l’employeur de retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle (fondées sur l’absence d’imputabilité) ou d’inscription de ces dépenses au compte spécial (fondées sur l’arrêté de 1995) relèvent de la seule compétence de la juridiction du contentieux de la tarification.
Ces problématiques juridictionnelles posent clairement la question à la fois de la compétence mais aussi (et surtout) du fondement légal, règlementaire, à l’appui de la demande de l’employeur. Ce dernier devra être précis en sa demande, disposant au demeurant du temps de l’audiencement pour préparer sa défense.
Sur les contentieux connexes
Si la contestation de l’imputabilité professionnelle demeure dans le contentieux en faute inexcusable, il ne faut pas la confondre avec la contestation de l’imputabilité lorsqu’elle est directement portée par l’employeur (Cf supra). Ainsi et dans le premier cas, l’argument est porté à l’égard du salarié, demandeur à l’action en faute inexcusable, alors que dans le second, il sera dirigé contre la CARSAT, devant le juge de la tarification.
Eu égard aux délais d’audiencement, mais également à la prescription d’une action en faute, nous pouvons imaginer une contestation de l’employeur quant à l’imputabilité de la maladie, portée devant la Cour d’Amiens et une défense présentée sur la même argumentation, à l’égard du salarié quant à une faute inexcusable.
Si la juridiction de la tarification dispose d’une compétence exclusive, se pose la question de la position de la juridiction du contentieux général quant à la faute, dès lors que l’imputabilité n’est pas tranchée.
En outre, lorsque l’employeur conteste l’imputabilité professionnelle, en défense et dans le cadre d’une action en faute inexcusable, la juridiction doit saisir un CRRMP (article R 142-17-2 CSS) , elle peut également désigner un expert si l’employeur remet en cause l’identité même de la pathologie). Est-ce que la juridiction devra surseoir à statuer même sur cette saisine avant dire droit, au seul motif de l’existence d’un contentieux tarifaire dans lequel le demandeur à l’action ne sera au surplus pas mis en cause ? Si le comité devait statuer en faveur de la remise en cause de l’imputabilité professionnelle, est ce que cet avis aurait une autorité devant la juridiction de la tarification, qui outre les modalités d’exposition, apprécie également les demandes d’imputation au compte spécial ? A cet égard, il est utile de rappeler que l’imputation au compte spécial, telle qu’en matière de multi-exposition, n’est pas exclusive de l’action récursoire de la CPAM.
Ainsi et fort d’une décision remettant en cause l’imputabilité professionnelle d’un sinistre, obtenue sur le contentieux tarifaire, cette décision serait sans effet à l’égard de la CPAM quant à son action récursoire en matière de faute inexcusable, sauf à soit la mettre en cause devant le juge de la tarification, soit plus certainement de renouveler l’argumentaire, mais directement à l’égard du salarié, demandeur à l’action.
Dans cette dernière hypothèse, le raisonnement juridique propre à la notion de présomption d’imputabilité (si maladie listée au tableau) ou de lien de causalité direct et essentiel (pour les maladies hors tableau) sera défavorable pour l’employeur. Ainsi, dissocier les compétences juridictionnelles aboutit à réduire les voies de recours mais également les leviers de contestation puisque l’imputabilité contestée par l’employeur différera selon qu’il l’oppose à la CARSAT, ou au salarié.
Risque hygiène sécurité
La faute inexcusable et les mesures de protection : un critère déterminant pour définir la faute inexcusable
Dans cette affaire, un chef d’équipe logistique a été victime d’un accident du travail en heurtant un transpalette. Après reconnaissance du caractère professionnel de son sinistre, il a engagé sur le terrain de la faute inexcusable, la responsabilité de son employeur. La Cour d’appel de Rouen rejette sa demande en relevant que l’accident s’est produit sans témoins et qu’aucune pièce n’établissait que « le transpalette heurté se serait trouvé à un endroit où il n’aurait pas dû être ni, a fortiori, que cette situation serait due à l’absence de marquage au sol des zones de circulation, de stockage et de stationnement ». Ainsi, après examen approfondi des faits, les juges du fond ont considéré que la faute inexcusable de l’employeur ne pouvait être retenue au regard notamment que rien ne démontrait que la « situation » à l’origine de l’accident serait dû à l’absence de mesure de prévention et de protection.
La cour de cassation, dans son arrêt du 1er juin 2023, infirme cette décision en considérant qu’il revenait aux juges du fond de vérifier si l’employeur avait mis en oeuvre les mesures d’identification et de prévention des risques liés à la circulation d’engins auto-portés dans les lieux de travail et notamment un plan de circulation, avec délimitation des zones de stockage et de stationnement, par marquage au sol, auxquelles l’obligent les textes R. 4224-3, R. 4214-11 et R. 4214-18 du code du travail.
Le critère de la faute inexcusable relatif aux mesures de protection reste, pour la Haute juridiction, déterminant pour définir la faute inexcusable même si pour les juges du fond rien ne permettait de dire que l’absence de telles mesures seraient en lien avec le fait accidentel.
Civ., 2ème. 1er juin 2023, n° 21-25.861
Tentative de suicide en raison d’un licenciement : pour la Cour de cassation, il s’agit d’un accident du travail
Dans cette affaire, la caisse primaire avait refusé la prise en charge d’une tentative de suicide au titre d’un accident du travail. Le salarié a contesté cette décision. La cour d’appel de Nancy a confirmé le refus de prise en charge au motif notamment que si les éléments du dossier mettent en évidence un état dépressif préexistant depuis plusieurs semaines avant la tentative, il n’en demeure pas moins que les faits d’ingestion médicamenteuse volontaire sont liés à l’imminence du licenciement pour faute grave, puisque le salarié avait appris la veille que l’autorisation administrative de licenciement avait été accordée à la suite d’un recours de l’employeur, autorisation à laquelle il ne s’attendait pas.
Dès lors, pour les juges du fond, « la victime a agi pour conférer la plus large publicité à son acte sur le lieu de travail et à l’intention qui la sous-tendait, en sorte que cette intention démonstratrice qui procède d’une action réfléchie et volontaire de l’intéressé constitue la cause de l’ingestion médicamenteuse, excluant par là-même la reconnaissance d’un fait accidentel ».
La Cour de cassation, dans son arrêt du 1er juin 2023, rappelle au visa de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale qu’un accident qui se produit alors que le salarié ne se trouve plus sous la subordination juridique de l’employeur (dans les faits de l’espèce, la tentative de suicide avait eu lieu hors du temps de travail) constitue un accident du travail, si l’intéressé ou ses ayants droit établissent qu’il est survenu par le fait du travail.
Puis, elle considère que le salarié rapporte cette preuve dans la mesure où « la tentative de suicide déclarée avait été causée par l’imminence du licenciement du salarié » ; que dans ces conditions, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ».
Autrement dit, une tentative de suicide en raison d’un licenciement pour faute grave d’un salarié constitue un accident du travail si ce dernier apporte la preuve que son acte est en lien avec ledit licenciement. En l’espèce, le salarié soutenait que « c’est l’intention de mettre en évidence l’injustice dont il se prétendait victime, et partant de fustiger l’attitude de l’employeur concernant la procédure de licenciement pour faute grave » qui constituait la cause de sa tentative de suicide.Civ., 2ème, 1 juin 2023, n° 21-17.804.
Faute inexcusable : nouvelle réparation pour les souffrances physiques et morales
Dans le prolongement des arrêts du 20 janvier 2023 par lesquels la Cour de cassation a opéré un revirement considérant désormais que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent, la Haute juridiction était appelée à se prononcer dans une nouvelle affaire sur l’indemnisation des souffrances physiques et morales d’une salariée, après consolidation. En l’espèce, un recours en faute inexcusable avait été engagé par les ayants droit d’une salariée victime d’un cancer broncho-pulmonaire. Dans le cadre de cette instance, les juges étaient amenés à se prononcer sur une demande d’indemnisation des souffrances physiques et morales de la salariée.
En effet, sur la base du revirement de jurisprudence les juges du fond ont retenu que :
– l’existence de souffrances morales est déduite de la conscience qu’avait la salariée de sa perte totale d’autonomie jusqu’à son décès prématuré dont elle a redouté la survenue et son sentiment d’injustice en raison du lien entre la maladie et son activité professionnelle ;
– la nature de la pathologie, particulièrement douloureuse, les soins chimiothérapiques, les hospitalisations subies, la dyspnée sévère et l’altération de son état général justifient l’indemnisation accordée au titre des préjudices physiques.
En défense, et considérant dorénavant que la rente n’indemnise plus que l’incidence professionnelle et la perte de gains professionnelle l’employeur estimait que dans la mesure où la salariée était déjà à la retraite, elle ne subissait aucune incidence professionnelle. Partant, la rente indemnisait nécessairement le déficit fonctionnel permanent. Approuvant l’analyse des juges du fond, faisant droit à la demande indemnitaire, la Cour de cassation confirme la règle dégagée par son revirement du 20 janvier 2023.
Civ., 2ème, 28 septembre 2023, n°21-25690.
Point de départ du délai de contestation du taux AT/MP
Selon l’article L.242-5 aliénas 4 et 5 du code de la sécurité sociale, les décisions relatives au taux de cotisation AT/MP sont notifiées à l’employeur par voie électronique par la CARSAT. Ces décisions sont réputées notifiées à l’employeur à la date de consultation et au plus tard dans un délai de quinze jours suivant leur mise à disposition.
Dans cette affaire, une société avait contesté par courrier du 2 mars 2022 son taux AT/MP 2022. La CARSAT lui opposait l’irrecevabilité pour cause de forclusion, considérant que le délai de contestation de deux mois n’était pas respecté.
La cour d’appel décida de surseoir à statuer pour recueillir l’avis de la Cour de cassation sur la détermination du point de départ du délai de contestation de deux mois, et plus spécifiquement sur la détermination de la date de notification qui fait courir le délai de recours. La société estimait que la date de consultation ne peut au plus tôt courir qu’à partir de la date de l’avis de notification de la mise à disposition soit le 10 janvier 2022 tandis que la CARSAT estimait que la décision peut parfaitement être consultée par une personne habilitée avant toute notification de la mise à disposition de la décision et se prévalait d’une consultation à la date du 3 janvier 2022 des décisions contestées.
Selon la CARSAT, le point de départ du délai devait être fixé au le 31 décembre 2021. De son côté la société considérait que le point de départ du délai correspondait à la date à laquelle la société avait été destinataire du mail l’informant de la mise à disposition des taux, en l’espèce, le 12 janvier 2022. Dans son arrêt, la Cour de cassation estime que la décision relative au taux de la cotisation AT/MP est réputée notifiée à la date de sa première consultation par une personne habilitée, peu important la date à laquelle a été adressé à l’employeur l’avis de dépôt l’informant qu’une décision est mise à sa disposition et qu’il a la possibilité d’en prendre connaissance dès lors que la décision n’a pas été consultée plus de quinze jours à compter de sa mise à disposition. Il convient donc d’être vigilant sur la date de première consultation considérant qu’elle fait courir le délai de contestation.
Civ., 2ème, 5 octobre 2023, n° 23-70009.
Risque contentieux social
Mise en conformité du droit français et du droit européen en matière de congés payé
Par différents arrêts rendus en date du 13 septembre 2023, la Cour de cassation a écarté la législation française, en matière de droit à congés payés des salariés en arrêt maladie, pour laisser place aux dispositions du droit européen. En l’espèce des salariés ont saisi la juridiction prud’homale de demandes au titre des congés payés qu’ils soutenaient avoir acquis au cours de la suspension de leur contrat de travail à la suite d’un arrêt de travail pour une maladie non professionnelle. Au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et de la directive 2003/88/ CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, n’opère aucune distinction entre les salariés absents au titre d’un arrêt maladie et ceux qui ont effectivement travaillé.
Ainsi, la haute juridiction a estimé que les dispositions de l’article L.3141-3 du Code du travail, lesquelles subordonnent le droit à congé payé à l’exécution d’un travail effectif, ne sont pas conformes au droit de l’Union européenne. En conséquence, il appartient au juge national saisi d’assurer la conformité de ses décisions au droit européen.
Soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.340.
Absence de prescription des faits invoqués au soutien de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
Par un arrêt du 27 septembre 2023, la haute juridiction a retenu que : « l’action en résiliation judiciaire du contrat de travail peut être introduite tant que ce contrat n’a pas été rompu, quelle que soit la date des faits invoqués au soutien de la demande ». En l’espèce, une salariée a été engagée à compter du 20 août 1990. Le 23 juin 2000, son contrat de travail était suspendu. En février 2009, la salariée était placée en invalidité de catégorie, puis en invalidité de catégorie 1 en date du 1er mai 2011. Par jugement du 5 janvier 2012, le Tribunal du Contentieux de l’Incapacité (TCI) a reconnu son incapacité à exercer une profession. C’est dans ces conditions qu’elle saisissait en date du 26 mars 2015, la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.
La Cour de cassation casse l’arrêt déféré en ce qu’il a déclaré l’action de la salariée irrecevable pour cause de prescription de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail. En conséquence, la Cour considère que l’action en résiliation judiciaire du contrat de travail peut être introduite tant que le contrat n’a pas été rompu et cela quelle que soit la date des faits invoqués au soutien de la demande.
Soc., 27 septembre 2023, n°21-25.973.
Evaluation des salariés par un "client mystère"
Dans cette affaire, un salarié employé dans un restaurant libre-service a été licencié pour ne pas avoir respecté les procédures d’encaissement. Ce dernier contestait son licenciement estimant que le procédé utilisé par l’employeur pour recueillir la preuve de sa faute relevait d’un stratagème. En l’espèce, l’employeur avait mis en place un système d’investigation au moyen de « clients mystères ».
La Cour de cassation confirme la décision de la Cour d’appel qui a validé le licenciement, retenant que l’employeur avait préalablement informé le salarié de l’existence et des modalités de ce dispositif d’investigation s’agissant notamment du nombre de passages des clients mystères. La Cour d’appel retient donc que la méthode utilisée par l’employeur pour établir la matérialité des faits est licite, de sorte que les éléments de preuve recueillis à l’issue de l’intervention du client mystère et produits par l’employeur pour caractériser la matérialité des faits reprochés au salarié sont recevables.
Soc., 6 septembre 2023, n° 22-13783.
Validité de la convocation à un entretien préalable quand le salarié ne récupère pas sa lettre
Dans cette affaire, et par lettre recommandée du 10 janvier 2018, l’employeur a convoqué une salariée à un entretien préalable le 24 janvier 2018 en vue de son licenciement. Cette dernière n’a retiré le courrier auprès de son bureau de Poste que le 22 janvier 2018.
Licenciée pour cause réelle et sérieuse trois semaines plus tard, elle a saisi la juridiction prud’homme de diverses demandes portant sur l’exécution et la rupture de son contrat de travail.
Devant la Cour de cassation, la question portait sur le montant qui lui avait été alloué par la cour d’appel à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, incluant la réparation du préjudice constitué de l’irrégularité la procédure de licenciement. En effet, la salariée estimait que le délai de 5 jours ouvrables entre la convocation et l’entretien préalable n’avait pas été respecté puisque la lettre avait été réceptionnée seulement 2 jours avant l’entretien.
Au contraire, l’employeur estimait que le délai de 5 jours avait été respecté considérant qu’il avait commencé à courir à la date de première présentation de la lettre de convocation le 12 janvier 2018, soit 9 jours avant l’entretien.
Les juges devaient donc trancher la question de savoir si le point de départ du délai de 5 jours ouvrables était la date de première présentation de la lettre de convocation ou la date à laquelle la salariée avait retiré le courrier.
La Cour de cassation censure la décision d’appel et estime que le délai commence à courir au lendemain de la présentation de la lettre recommandée au domicile du salarié, en l’espèce le 13 janvier 2018. Ainsi, le délai de 5 jours ouvrables avait été respecté, peu important la date à laquelle la salariée était allée retirer sa lettre de convocation au bureau de Poste.
Soc., 6 septembre 2023, n° 22-11661.
Inaptitude : sur la mention obligatoire dans l’avis du médecin pour dispenser l’employeur de recherches de reclassement.
En cas d’inaptitude, l’employeur peut licencier le salarié dans plusieurs cas et notamment lorsque le médecin du travail mentionne que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». Dans ces deux cas, l’employeur est dispensé de recherches de reclassement.
Dans cette affaire, un salarié avait été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement suite à l’avis du médecin du travail rédigé ainsi : « Inapte. Etude de poste, étude des conditions de travail et échanges entre le médecin du travail et l’employeur réalisés le 16 août 2017. Tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ».
Le salarié a saisi une juridiction prud’homale contestant son licenciement, estimant que la rédaction de l’avis d’inaptitude ne dispensait pas l’employeur de rechercher un reclassement.
La Cour de cassation suit l’argument du salarié relevant que l’avis du médecin mentionne que « tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé » et non pas que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à santé.
Cette lecture stricte des termes de l’avis du médecin du travail par la Cour de cassation, invite à faire preuve de vigilance quant à la rédaction de l’avis d’inaptitude et au respect de la procédure de licenciement.
Soc., 13 septembre 2023, 22-12970.
Qualification à l’embauche et égalité de traitement
Dans cette affaire, un salarié a été engagé en qualité d’assistant journaliste reporter stagiaire en 1999 puis promu en qualité de journaliste reporter d’images en 2000. Il a été nommé chef de service en 2015, puis, après avoir pris acte en 2017 de la rupture de son contrat de travail, il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en paiement de diverses sommes.
Était notamment concerné, le paiement d’un rappel de salaire sur la période de juillet 2014 à juin 2015 au regard d’une différence de traitement de salaire avec un collègue.
La Cour d’Appel de Versailles, qui déboute le salarié de sa demande en paiement de rappel de salaire retient que cette différence de traitement est justifiée objectivement dès lors que les deux salariés n’avaient pas la même qualification ni la même expérience professionnelle lors de leur embauche en 1999.
Le salarié estime que la Cour d’Appel a violé le principe « à travail égal, salaire égal ».
En application de ce principe, si des mesures peuvent être réservées à certains salariés, c’est à la condition que tous ceux placés dans une situation identique, au regard de l’avantage en cause, aient la possibilité d’en bénéficier, à moins que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes.
Pour la Cour de Cassation, il convenait de préciser en quoi la différence de qualification des salariés, lors de leur engagement en 1999, respectivement en qualité d’assistant journaliste reporter d’images stagiaire et d’assistant journaliste reporter d’images, constituait une raison objective et pertinente justifiant la disparité de traitement dans l’exercice des mêmes fonctions de grand reporter groupe 9 entre juillet 2014 et juin 2015.
Ainsi, les disparités de rémunération ne peuvent pas subsister sur le long terme lorsqu’elles ne peuvent plus être justifiées objectivement.
Soc., 14 septembre 2023, n°22-11338.
Un accident du travail donne lieu à réparation des pertes des droits à retraite
Dans cette affaire, un salarié âgé de 52 ans a subi une agression sur son lieu de travail laquelle a été prise en charge au titre de la législation du travail avant d’être licencié pour inaptitude.
La Cour d’Appel de Paris a alloué au salarié la seule somme de 15.000€ au titre de l’incidence professionnelle dès lors :
- Qu’il ne démontrait pas l’incidence sur des droits à la retraite;
- Que les indemnités journalières sur les périodes de chômage indemnisées donnaient lieu à la validation de trimestre d’assurance vieillesse pour la retraite de base.
Alors même que la Cour d’Appel constatait que la perte d’emploi du salarié était imputable à l’agression dont il a été victime et qu’il a subi une perte de gains professionnels future totale, le salarié faisait grief à l’arrêt rendu de ne pas avoir recherché si en raison de l’accident, le montant de sa retraite serait inférieur à celui qu’il aurait eu en l’absence de cet accident.
La Cour de Cassation retient que la perte d’emploi du salarié était imputable à l’agression dont il avait été victime et qu’il avait subi une perte de gains professionnels futurs totale de sorte qu’il avait nécessairement subi une diminution de ses droits à la retraite qui ne dépendant pas uniquement du nombre des trimestres validés.=
Ainsi, une victime licenciée en raison d’une inaptitude imputable à un fait dommageable ayant entrainé une perte de gains professionnels futurs totale, subit nécessairement une diminution de ses droits à la retraite ouvrant droit à dommages et intérêts au titre du principe de réparation intégrale.
Civ., 2ème., 6 juillet 2023, nº 21-25.667.
Risque pénal
Accident grave : l’employeur condamné à 80.000 euros d’amende
Une entreprise a été citée à comparaître devant une juridiction correctionnelle des chefs de blessures involontaires ayant causé une incapacité totale de travail de plus de trois mois et d’infractions à la réglementation sur l’hygiène et la sécurité des travailleurs.
En l’espèce, un salarié a subi un accident grave lui occasionnant l’arrachement d’un avant-bras alors qu’il tentait de débloquer la vis sans fin d’un mélangeur à ciment.
Pour déclarer la société coupable, les juges retiennent que même si le risque avait été identifié, il existait une discordance entre les mesures de prévention des risques et la réalité des problèmes récurrents d’écoulement du ciment dans les silos qui nécessitait des interventions rapides, facilitées par un accès non sécurisé des opérateurs, même ceux qui n’étaient pas chargés de la maintenance. Cela, afin de permettre la poursuite de la production.
Les juges relèvent également que le silo sur lequel intervenait la victime n’était ni protégé, ni équipé d’aucun dispositif permettant d’empêcher d’atteindre la zone dangereuse. D’autre part, aucune consigne de sécurité n’était prévue pour alerter des risques d’écrasement et de cisaillement en cas d’introduction de la main.
La Cour de cassation confirme l’analyse de la cour d’appel qui a caractérisé l’existence d’une violation manifestement délibérée de l’obligation de sécurité et condamné l’employeur à 80.000 euros d’amende.
Crim., 12 septembre 2023, n° 22-87385.
Condamnation d'un ancien président pour vol aggravé
Dans cette affaire, un ancien président d’une société comparaissait pour vol aggravé.
En l’espèce, après sa destitution il aurait demandé à un salarié de désactiver l’alarme à l’aide du code qui lui avait été confié pour y accéder seulement pendant ses horaires de travail, afin de récupérer un dispositif.
Les juges relèvent également que le salarié aurait échangé avec deux autres collègues pour effacer l’historique des traces informatiques d’activation et de désactivation de l’alarme, caractérisant une action concertée de vouloir supprimer la preuve de la ruse employée, dont le prévenu était parfaitement informé.
Pour confirmer la culpabilité de l’ancien président, la Cour de cassation rappelle que la ruse se définit par l’utilisation d’un procédé habile, mais déloyal, destiné à parvenir à ses fins. Dès lors, l’utilisation par un salarié d’un code, qui ne lui a été remis qu’à des fins professionnelles, pour s’introduire dans les locaux où est commis le vol caractérise la circonstance aggravante de ruse.
Crim., 5 septembre 2023, n° 22-86256.
Risque environnemental
ICPE : nouvelle obligation d’identification des PFAS
Dans le cadre du plan d’action PFAS 2023-207, un arrêté du 20 juin 2023 définit les modalités des campagnes d’identification et d’analyse des substances per ou polyfluoroalkylées (PFAS) concernant chaque point de rejets aqueux.
Quelles ICPE sont concernées :
Concrètement, l’arrêté concerne les ICPE : 2330, 2345, 2350, 2351, 2567, 2660, 2661, 2750, 2752, 2760, 2790, 2791, 2795, 3120, 3230, 3260, 3410, 3420, 3440, 3450, 3510, 3531, 3532, 3540, 3560, 3610, 3620, 3630, 3670, 3710, 4713 mais également toutes celles utilisant, produisant, traitant ou rejetant des substances PFAS.
Quelles sont les obligations :
L’arrêté impose aux ICPE concernées de lister les substances PFAS utilisées, produites, traitées ou rejetées par l’installation y compris antérieurement à l’entrée en vigueur de l’arrêté.
De plus, les exploitants doivent réaliser une campagne d’identification et d’analyse de chaque point de rejets aqueux à l’exception des rejets d’eaux pluviales non souillées. Cette campagne doit mise en œuvre chaque mois sur trois mois consécutifs.
L’analyse concerne les 20 substances liées par la directive européenne 2020/2184 relative aux eaux destinées à la consommation humaine, et toute autre substance PFAS identifiée par l’exploitant et vise notamment à évaluer la quantité de PFAS e présente.
L’exploitant transmet ensuite, par voie électronique, les résultats à l’inspection des installations classées
Sous quel délai les ICPE doivent réaliser la première campagne d’analyse :
L’arrêté fixe le calendrier suivant :
Rubrique de la nomenclature des installations classées | Délai pour réaliser la première campagne d’analyse à compter de l’entrée en vigueur du présent arrêté |
2660, 2661, 2760, 2790, 3410, 3420, 3440, 3450, 4713 | Trois mois |
2330, 2345, 2350, 2351, 2567, 2750, 2752, 2795, 3120, 3230, 3260, 3610, 3620, 3630, 3670, 3710 | Six mois |
2791, 3510, 3531, 3532, 3540, 3560 | Neuf mois |