Actualités

20.06.2020
Pénal

Recevabilité des constitutions de partie civile incidentes des salariés exposés à l’amiante

Dans cette affaire, un salarié a déposé plainte en 2005. Le Ministère public a établi un réquisitoire introductif visant la plainte de la victime et mentionnant les qualifications de blessures involontaires ayant entraîné une ITT de plus de trois mois par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité. Suite au décès de la victime le ministère a requis supplétivement le juge d’instruction d’informer du chef d’homicide involontaire. Puis, en 2009 et 2010, il a encore requis le juge d’instruction de recevoir la constitution de partie civile incidente des ayants droit respectifs de deux autres personnes décédées toutes deux dans des circonstances analogues à celles de la première victime. De nombreuses autres victimes se sont manifestées auprès du juge d’instruction le conduisant à étendre ses investigations.

En 2017, le juge d’instruction a rendu un avis de fin d’information. A la suite, il a reçu des courriers du conseil de l’ARDEVA l’informant de la constitution de partie civile de 161 personnes se disant victimes de faits  » directement liés aux faits ayant conduit à l’ouverture de la présente information judiciaire ». Par ordonnance la juge a constaté l’irrecevabilité des 161 plaintes.

Sur la question de la recevabilité des constitutions de parties civiles, la Cour d’appel a infirmé l’ordonnance du juge d’instruction. Selon la Cour d’appel l’intervention d’une partie civile est recevable lorsque les faits poursuivis sont indivisibles.

Saisie à son tour, la chambre criminelle de la Cour de cassation a répondu par la négative. Selon elle, les poursuites ne peuvent pas être uniques puisque les faits ne sont pas indivisibles dans le sens où la date d’intoxication par l’amiante de chaque salarié était inconnue. De plus, la longue période concernée et de la succession d’employeur empêchait de conclure à une identité d’objet et de résultat procédant « d’une même et unique action coupable », rendant irrecevables des constitutions de partie civile incidentes.

En effet, s’il était identifié, l’auteur principal des manquements pour les premières victimes ne serait probablement pas le même pour les autres. En conséquence, à auteur principal distinct, infraction pénale distincte. Ainsi, après avoir démontré en quoi les faits ne pouvaient être regardés « que comme distincts de ceux dont le juge d’instruction était saisi par les réquisitoires introductif et supplétifs du ministère public », la chambre criminelle en a tiré les conséquences logiques, à savoir l’irrecevabilité des constitutions de partie civile incidentes.

Crim., 24 mars 2020, n° 19-80.005.