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Édito
La régularité de nos publications vous permet de disposer notamment d’un historique de nos analyses. Sur le thème de l’anxiété, j’avais rédigé un article faisant référence à l’élargissement du préjudice d’anxiété, en prenant l’illustration de la boîte de Pandore (News du 15 octobre 2019). Il s’agissait de commenter la nouvelle jurisprudence étendant l’anxiété à l’exposition de toute substance nocive ou toxique.
Les mythes grecs semblent immortels, et la boîte bien profonde, car si les arrêts du 11 septembre 2019 demeurent, ceux du 8 février 2023 auront également leur incidence sur la responsabilité de l’employeur tant sur la considération d’un nouveau préjudice, l’atteinte à la dignité, que la remise en cause même du débiteur de l’indemnisation, retenant la mise en cause d’un sous-traitant.
Un article plus qu’un commentaire en première partie du volet « Risque Hygiène Sécurité » de cette publication, a causé un retard dans l’édition de mon ouvrage consacré à la faute inexcusable, voulant intégrer les références de ce revirement qui accepte l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent, comme distinct de la majoration de rente.
L’occasion pour nous de revenir sur ces notions.
Vous trouverez enfin les mises à jour jurisprudentielles portant sur nos domaines d’activité, remerciant à nouveau mon équipe (Grégory, Ludivine, Patrice, Chanel, Marie et Candice) pour leurs contributions dans ces analyses.
Valéry ABDOU
L'élargissement du fondement et de la notion du préjudice d'anxiété
Le préjudice d’atteinte à la dignité
Dans la publication trimestrielle du 15 octobre 2019, mon article intitulé « les nouveaux préjudices d’anxiété » se voulait comme une mise en garde quant à l’élargissement de ce chef d’indemnisation, mais également un rappel sur l’effet rétroactif de la jurisprudence quant aux arrêts du 11 septembre 2019 (n°17-24879 et suivants).
Les arrêts du 8 février 2023 (Cass. Soc., 8 février 2023, n°20-23312 pour la sous-traitance et n°21-14451 pour l’atteinte à la dignité) étendent à la fois la notion de débiteur de l’indemnisation et la nature du préjudice en cause. Est-ce que de cette extension de nouveaux moyens de défense peuvent être envisagés ? Cela serait nier le courant jurisprudentiel défavorable aux employeurs autant que la motivation des requérants dans un contentieux indemnitaire toujours en expansion au vu notamment de la manne financière qu’il représente.
Historiquement et s’agissant des opérations de sous-traitance, les salariés, affectés sur un site ACAATA, étaient exclus de l’indemnisation de leur préjudice d’anxiété au motif qu’indépendamment de la réalité de leur condition de travail, leur employeur n’était pas inscrit sur lesdites listes. C’était donc bien l’inscription sur la liste, plus que les conditions de travail, qui était le fait générateur à la fois de l’anxiété et partant de l’indemnisation. La situation a évolué avec les arrêts du 5 avril 2019 (n°18-17442), leur ouvrant le bénéfice de l’indemnisation, sous réserve de la démonstration d’une exposition à l’amiante et d’une anxiété. Mais ladite indemnisation conservait le cadre du contrat de travail dans la mesure où l’action ne pouvait être dirigée qu’à l’encontre de l’employeur et ce, sur la base du manquement à l’obligation de sécurité de résultat.
Aux termes de notre analyse trimestrielle, nous avions considéré que les arrêts du 11 septembre 2019 précités devaient être le point d’orgue de la création prétorienne, quant à l’élargissement de l’origine de l’anxiété. A cet égard, nous pensions l’évolution close à ce sujet. A ce titre, mon article débutait avec une référence à la boite de Pandore de laquelle ne cessait d’être élargi le concept d’indemnisation du préjudice d’anxiété, pour ne laisser que l’espérance aux employeurs.
Il semble que l’espérance se fasse attendre, ou que la boite soit plus profonde que prévu.
En effet, dans son arrêt du 8 février 2023 (n°20-23312), c’est la notion même d’employeur qui est remise en cause par la Chambre sociale, autorisant le salarié de l’entreprise de sous-traitance, à rechercher la responsabilité de l’entreprise donneuse d’ordre. Outre la question de la compétence juridictionnelle, en l’absence de contrat de travail, se pose celle du fondement retenu, dès lors que l’obligation de sécurité de résultat n’existe pas dans ce contexte. Ainsi et en termes de défense, pourrions-nous invoquer les mêmes causes d’exonération ? Rien n’est moins sûr.
Par un arrêt du même jour, la nature même du préjudice a connu une évolution. Là où il s’agissant de l’anxiété relative au risque de développer une pathologie grave, la Chambre sociale a caractérisé un préjudice tiré de l’atteinte à la dignité. La notion « d’emploi illégal » d’une substance toxique, cadre de la reconnaissance du préjudice repose sur celle d’exécution déloyale du contrat. Ce nouveau préjudice est distinct par sa nature mais également son fondement, puisque là encore, ce n’est plus l’obligation de sécurité de résultat qui en constitue la base.
Présenté par la Cour comme un préjudice distinct, voire subsidiaire en l’absence de possibilité d’invoquer un préjudice d’anxiété, cette nouvelle conception indemnitaire pose des questions quant à son fondement au vu du manquement opposé à l’employeur, initialement autorisé à utiliser la substance en cause. Ainsi, ce ne serait pas tant l’utilisation, mais le dépassement d’une échéance fixée par les pouvoirs publics qui caractériserait le fait fautif. On retrouve l’idée du fait générateur de l’anxiété ACAATA, qui est plus la publication que l’exposition à la substance elle-même.
Là encore, la prévention, quant à l’autorisation d’utilisation semble absente. En effet, soit la substance est dangereuse et aucune dérogation ne devrait être possible, soit les mesures mises en place antérieurement sont considérées comme suffisantes, excluant tant l’anxiété qu’une quelconque autre atteinte.
Le point commun de ces arrêts est leur fondement juridique « novateurs », quant à l’absence de référence à l’obligation de sécurité de résultat (I). Demeure une interrogation commune, jusqu’où ira la Cour de cassation dans l’élargissement d’une indemnisation (II)portant sur la seule notion d’exposition.
Le dépassement de l’obligation de sécurité de résultat
Cette obligation a été la base du contentieux sur le préjudice d’anxiété, mais également celle de l’évolution des obligations en termes de prévention à l’égard de l’employeur. Ainsi, il sera rappelé que ce dernier peut s’en exonérer lorsqu’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues aux articles L.4121-1 et -2 du code du travail (arrêt du 25 novembre 2015 n°14-24444). L’obligation de sécurité de résultat est aussi devenue source d’exonération permettant à certains de considérer qu’elle avait changé de statut juridique pour devenir une obligation de moyens renforcés, et à d’autres de maintenir ce cadre juridique mais de l’appliquer non plus à l’état de santé du salarié, mais à la prévention mise en place par l’employeur.
Hormis l’hypothèse des établissements inscrits ACAATA, cette obligation pouvait permettre à l’employeur de s’exonérer d’un manquement, alors qu’une exposition à des substances toxiques/nocives lui était opposée, sous réserve d’avoir la capacité de prouver l’efficience de la prévention.
Les arrêts commentés ont de commun qu’ils ne fondent plus la condamnation de l’employeur à indemniser le salarié quant à un manquement à cette obligation. Même si le résultat financier est identique (on aurait aussi pu imaginer un montant différent de celui habituellement alloué en la matière), la modification de la base juridique importe. Pour l’arrêt n°21-14451, c’est l’exécution déloyale et pour le n°20-23312, ce sera l’obligation générale de coordination des mesures de prévention.
Les faits du premier arrêt justifieraient cette logique par la reconnaissance d’un préjudice distinct motivé par la volonté de la Haute juridiction de ne pas se voir opposer une prescription (A), tandis que les seconds lui donnent l’opportunité de sortir du cadre du contrat de travail (B).
Un moyen pour contourner une prescription
Le point de départ de la prescription pour le préjudice d’anxiété est à distinguer selon que l’établissement en cause est éligible ou non au dispositif ACAATA. Dans le premier cas c’est bien la date de publication de l’arrêté, tandis que dans le second, le point de départ s’il est constitué par la date de connaissance de l’exposition, ne peut être antérieure à la cessation de celle-ci (arrêt du 15 décembre 2021 n°20-11046). Dans les deux situations, c’est toujours l’obligation de sécurité de résultat qui constitue le fondement de l’indemnisation d’un préjudice d’anxiété caractérisé par la crainte de déclarer une pathologie en lien avec l’exposition incriminée.
Tant les faits de l’arrêt du 8 février 2023 (n°21-14451) que la procédure donnant lieu à cette décision méritent d’être rappelés. En l’espèce et par un arrêté ministériel du 30 septembre 2005, l’établissement concerné s’est vu inscrire sur la liste ACAATA pour la période 1916-2001. Un nouvel arrêté du 23 août 2013 étendait l’échéance jusqu’en 2005. En parallèle, une autorisation dérogatoire lui avait été consentie jusqu’au 31 décembre 2001 pour l’utilisation de l’amiante dans son process de fabrication. Dans ce cadre et jusqu’à cette échéance, l’utilisation de l’amiante était donc autorisée sur une base règlementaire, bien que postérieure à l’interdiction légale d’utilisation de ladite substance.
La faute opposée à l’employeur était d’avoir continué à utiliser de l’amiante, postérieurement à l’échéance de la dérogation, soit de 2002 à 2005. Malgré ce dépassement, le fondement de l’anxiété étant la publication de l’arrêt, la Cour a appliqué sa jurisprudence, considérant l’action irrecevable, puisqu’engagée postérieurement à la prescription biennale. Un palliatif semblait toutefois s’imposer pour sanctionner ce qui était considéré comme un usage « illégal » de l’amiante, considérant l’échéance de 2001.
Le caractère illégal de cette utilisation résidait dans le dépassement de l’échéance fixée, à titre dérogatoire jusqu’en 2001, plus que dans l’utilisation de l’amiante elle-même. Or il sera rappelé que l’extension du dispositif ACAATA jusqu’en 2005, donc couvrant la période d’utilisation illégale, s’est faite par l’arrêté du 23 août 2013 et donc à une date connue tant des salariés, que des pouvoirs publics.
Saisie une première fois de cette affaire, la Chambre sociale, dans son arrêt du 15 janvier 2020 (n°18-16771) avait opposé aux requérants la prescription quinquennale des actions personnelles ou mobilières et le fait que le second arrêté n’ouvrait pas de nouveaux droits. L’évolution de l’appréciation de la prescription en la matière devait être encore plus défavorable aux requérants dans la mesure où pour les salariés éligibles au dispositif ACAATA, la prescription était ramenée à celle opposé aux requérants « de droit commun », soit deux ans. Sur cette base, l’anxiété était clairement irrecevable.
Forts de ce constat, c’est bien sur un autre fondement que les requérants ont fait porter leurs prétentions indemnitaires, le manquement à l’obligation de loyauté. Cette obligation réciproque des parties au contrat n’a pas le même point de départ, dans la mesure où elle est distincte du couple anxiété/ACAATA. Dans ce contexte, ce n’est plus la publication de l’arrêté, mais bien l’exposition et plus précisément le dépassement de l’échéance, en tant que fait générateur, qui caractérise le manquement.
Nous relèverons que lors de la publication de l’arrêté d’extension du dispositif ACAATA (2013), aucune action, qu’elle soit indemnitaire ou pénale n’avait été initiée. Là où l’anxiété était prescrite, la question aurait pu aussi se poser de l’incidence de l’utilisation de l’amiante au-delà d’une échéance ayant permis l’extension de l’échéance du dispositif ACAATA et donc celle des salariés et de la durée d’éligibilité de pré-retraite.
En outre, le caractère illégal a été retenu non pas quant à l’utilisation, mais pour le dépassement de l’échéance. Or et concernant cette échéance, est ce que l’extension du dispositif ACAATA par l’arrêté publié en 2013 et couvrant rétroactivement le dépassement soit jusqu’en 2005 pourrait être comprise comme une forme d’autorisation tacite d’utilisation de l’amiante ? Il sera rappelé à cet égard l’effet créateur de droit pour le salarié, outre indemnitaire, d’une telle inscription quant à la possibilité d’un départ en pré-retraite. Ainsi et rappelant le concept originel du dispositif (souvent oublié au profit de l’anxiété), l’extension de l’inscription entraine aussi la possibilité d’un départ antérieur.
Ainsi et sous un autre angle, le non-respect par l’employeur de l’interdiction de l’utilisation a aussi été générateur d’un droit pour les salariés, actés par l’arrêté d’extension. Nous retrouvions le fondement même du dispositif ACAATA, à savoir permettre un départ anticipé selon la durée d’exposition. Le dépassement aurait aussi pu donner lieu à une action pénale, le cas échéant initiée par les salariés ou l’inspection du travail, sans que cela ne donne lieu à une autre indemnisation, l’anxiété étant forclose.
Le plus « simple » restait de créer un nouveau préjudice, quant à l’atteinte à la dignité, sans en définir davantage le cadre.
Un moyen pour sortir du cadre contractuel de la relation de travail
Le contentieux sur l’indemnisation de l’anxiété, par son fondement, l’obligation de sécurité de résultat, mais aussi par le statut des demandeurs, salariés, était limité au champ du contrat de travail.
De ce cadre, non seulement les règles, mais la compétence juridictionnelle en dépendait. Sur ce point, la création prétorienne avait au moins le mérite d’être centralisée par la Chambre sociale de la Cour de cassation. Cela n’évitait pas les revirements, notamment sur la prescription, mais permettait au moins d’en suivre l’évolution, sans se disperser dans les publications de la Haute juridiction.
Est-ce cette exigence, que la Chambre sociale a poursuivi en dépassant la sphère du contrat de travail ? Ou devons-nous considérer que ce dernier permet d’astreindre un tiers à des obligations contractuelles, au seul motif d’un lien commercial avec l’employeur du requérant ?
Dans le communiqué de presse joint à l’arrêt rendu, la Cour ne laisse pas longtemps le suspense et rappelle « la nécessité d’assurer la protection des travailleurs intervenant sous des statuts divers dans les locaux d’entreprises utilisatrices. Seules celles-ci connaissent l’historique de leur propre site et la présence éventuelle de substances dangereuses ».
De cette volonté affirmée, le cadre contractuel semble être une contrainte à laquelle la chambre sociale de la Cour n’entend plus se soumettre. Or, elle pouvait naturellement agir autrement.
Rappelons que l’indemnisation de l’anxiété n’est plus limitée au seul dispositif ACAATA d’une part et qu’il incombe à l’employeur l’obligation de s’assurer des conditions dans lesquelles il affecte ses collaborateurs sur des sites extérieurs (article R4511-1 et suivants du code du travail). Ainsi l’évaluation des risques en amont et la réalisation d’un plan de prévention sont des obligations opposables à l’employeur dont la carence en termes de prise d’information suffisait à reconnaitre un manquement. Ce dernier en cas de survenance d’une maladie professionnelle peut également être retenu pour caractériser une faute inexcusable.
En outre la mise en cause de la responsabilité d’une entreprise utilisatrice, dont nous comprenons qu’elle est aussi fondée au titre de l’exemplarité prêtée du fait certainement de sa taille et influence économique, aurait pu se faire en deux étapes. La première quant à une mise en cause afin de lui rendre la décision commune et opposable, la seconde, à l’initiative de l’employeur condamné, dans le cadre d’un contentieux commercial en partage de la créance indemnitaire.
La reconnaissance directe de la responsabilité de l’entreprise utilisatrice, outre la question de la compétence juridictionnelle, du fondement juridique, renvoie clairement à la remise en cause même de la nécessité d’un contrat de travail.
La notion d’entreprise utilisatrice (EU), outre dans les contrats de sous-traitance, peut se retrouver également dans le secteur du travail temporaire. En appliquant cette jurisprudence de février 2023 (n°20-23312), pourrions nous considérer que le salarié intérimaire disposerait d’une action directe contre l’EU ? Dans l’arrêt rendu, la condamnation de l’employeur direct n’a pas été prononcée. Nous pourrions même considérer que la condamnation de l’EU n’aurait pas besoin de l’intermédiaire contractuel mais serait autonome, parce qu’obéissant à l’objectif de prévention.
Pour la Chambre sociale, la connaissance « de l’historique industriel de son propre site et la présence éventuelle de substances dangereuses » serait le cadre de cette nouvelle responsabilité. Or et ayant rappelé l’absence de nécessité d’un cumul de responsabilité, nous relevons que l’employeur pourrait, de cette ignorance, soutenir sa mise hors de cause, dès lors que dans cet arrêt, aucun manquement quant à une prise d’information, une prévention antérieure, ne lui a été opposé.
Si la volonté est d’être au plus proche de la situation opérationnelle, ce qui peut s’entendre, il semble que le cadre contractuel doive être respecté. En effet le report de l’indemnisation sur un tiers au contrat de travail risque de rendre peu intelligible la ventilation des obligations entre employeur et utilisateur. Sur ce point, il sera rappelé d’une part l’article L.1251-21 du code du travail quant à la responsabilité de l’EU dans les conditions d’exécution du travail pour lequel le salarié est mis à disposition et d’autre part l’accord national du 26 septembre 2002 sur la sécurité des intérimaires quant à la nécessité de communication entre employeur juridique et EU. En outre dans son arrêt du 8 novembre 2007 (n°07-11219), la chambre sociale avait retenu la responsabilité de l’employeur pour ne pas s’être renseigné auprès de l’utilisatrice quant aux produits utilisés.
A ce stade, nous pouvons nous contenter, déjà, d’une absence de condamnation de l’employeur des requérants.
Une indemnisation élargie
La création d’un nouveau préjudice
L’article 6 de la déclaration des droits de l’Homme de 1789 évoque la dignité quant à la qualité de membre d’un ordre civil ou militaire. Ce sera la décision du 27 juillet 1994, dite bioéthique, qui a déduit le principe à valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation de la première phrase du Préambule de la Constitution de 1946 ainsi rédigée : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ».
La mise en exergue de la notion de dignité dépasse le statut de salarié et s’attache à la considération même d’être humain. Ainsi, a-t-elle été reprise en matière d’IVG, de traitement de maintien en vie ou de privation de liberté.
En droit du travail, la notion apparait plus tardivement, dans l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux, lequel dispose que « tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité, sa dignité ». La notion sera aussi reprise dans la définition de celle du harcèlement moral, même si elle n’est pas une composante nécessairement antérieure à la caractérisation du délit (Crim., 26 janvier 2016, n°14-80455).
L’atteinte à la dignité, parce qu’elle est fondée sur un manquement distinct, l’exécution déloyale, doit conduire à une indemnisation distincte.
Celle-ci doit-elle s’entendre de façon supplétive à l’indemnisation de l’anxiété, ou pouvons-nous envisager une analyse concomitante et donc une indemnisation pour chaque préjudice ? Sur la base de l’autonomie du manquement à l’obligation de sécurité de résultat, qui offre une indemnisation indépendamment de celle d’un licenciement dont il est pourtant à l’origine, nous pouvons craindre qu’anxiété et dignité soient autonome à la fois dans leur fondement juridique, mais également dans leur indemnisation.
Aussi, les demandes porteraient sur des montants distincts et une somme forfaitaire commune ne saurait suffire. Il y aura toutefois la nécessité pour le requérant de bien distinguer les manquements, en ce sens que l’exposition, selon les arrêts du 11 septembre 2019, peut s’analyser en une exécution déloyale du contrat, alors que l’inverse ne serait pas nécessairement vrai. Dans les arrêts de 2023, l’anxiété était forclose la question ne se posait donc pas.
En effet, si l’anxiété et l’exécution déloyale ont de commun de ne pas nécessairement entrainer une atteinte à la santé du salarié, la seconde repose elle-même sur une obligation contractuelle qu’il appartiendra au salarié de définir au préalable. Là où l’exposition suffit pour l’anxiété, sous réserve d’une carence de prévention, invoquer l’exécution déloyale requiert la démonstration du cadre légal ou contractuel d’une part et d’un manquement d’autre part.
La question sous-jacente serait alors de savoir si tout manquement de l’employeur, parce qu’il est contractuel, entrainerait-il une atteinte à la dignité du salarié, justifiant d’une indemnisation distincte. Il sera rappelé que l’article L.1222-1 du code du travail dispose que « le contrat de travail est exécuté de bonne foi ». Sans généraliser à l’excès, ni confondre bonne foi et loyauté, bon nombre de manquement peuvent avoir pour fondement une exécution déloyale. A titre d’exemple, nous proposons le non-paiement des heures supplémentaires ou encore l’adaptation du poste de travail sans que cela ne soit exhaustif.
A ce jour, est ce qu’un employeur pourrait craindre l’indemnisation d’une atteinte à la dignité, en complément d’un manquement à l’exécution déloyale, indemnisé par ailleurs ? S’agissant d’un préjudice distinct (selon l’arrêt de 2023), le défendeur ne pourrait lui opposer l’indemnisation déjà obtenue et nous serions donc tenter de répondre par l’affirmative.
La question pourrait-elle se poser dans l’autre sens ? Considérer le contraire serait nier le caractère synallagmatique du contrat de travail. Ainsi, il sera rappelé que parmi les obligations opposables au salarié, existe l’obligation de loyauté, comprenant l’obligation de confidentialité ou encore de fidélité. Est-ce que leur manquement pourrait donner lieu à indemnisation de l’atteinte à la dignité de la personne morale, employeur ?
Vers de nouveaux moyens d’exonération ?
La logique voudrait qu’à un nouveau fondement indemnitaire soit donné un cadre et donc la possibilité pour son débiteur le cas échéant, de s’en exonérer. Ce postulat est mis à mal par les fluctuations jurisprudentielles, contrepartie de la création prétorienne, mais aussi par la rétroactivité des décisions de justice participant à l’insécurité juridique des employeurs (voir notre précédente publication du 15 octobre 2019)
Malgré ces considérations, plusieurs questions demeurent à ce jour sans réponse et l’évolution du préjudice d’anxiété, laisse à penser qu’elles seront fournies au fur et à mesure des décisions à venir.
Ainsi et concernant l’indemnisation du préjudice d’atteinte à la dignité, la Cour ne s’est nullement prononcée sur la démonstration de son existence, considérant que le dépassement de l’échéance attribuée était son origine. Ainsi et revenant sur une conception juridique proche de l’originelle obligation de sécurité de résultat, le seul dépassement acterait tant du manquement que du préjudice, excluant ainsi toute exonération de l’employeur. Or et sur la base de notre approche prospective, le non-paiement d’heures supplémentaires, parce qu’il est un constat matériel, pourrait entrainer, automatiquement, atteinte à la dignité. Il appartiendra à la Cour de définir plus précisément le fait générateur, au risque que le seul manquement juridique renvoie l’employeur à une logique répressive plus que préventive. En effet, et c’est bien la logique d’une « indemnisation répressive », dans laquelle semble se placer la Cour, participant à l’élargissement des incidences indemnitaires des manquements, contractuels, de l’employeur.
Cette même logique expliquerait la volonté de la Cour de ne plus se limiter au seul employeur. Ainsi et à la fois pour élargir son autorité mais aussi pour tenter de faire porter sa décision sur le plus grand nombre de collaborateurs (intégrant l’ensemble des entreprises sous-traitantes d’une même entreprise utilisatrices), la Haute juridiction excède le contrat de travail. Or et en qualité de tiers à l’égard du requérant, est ce que l’entreprise utilisatrice disposerait de davantage de moyens de défense. Rien n’est acquis. En effet, il sera rappelé que la responsabilité extracontractuelle ne repose que sur le principe de la causalité entre un fait et un dommage. Là encore l’exonération serait plus difficile à obtenir.
Le courant jurisprudentiel n’a pas changé de sens et poursuit l’indemnisation des salariés. Certes sous couvert de plusieurs obligations juridiques (contractuels ou non), sans que nous ne puissions exclure que la voie choisie privilégie le financier à la réelle prévention.
En conclusion, gardons à l’esprit que la situation invoquée est celle du risque de déclarer une pathologie grave quant à l’exposition à certaines substances toxiques ou nocives. Les cancers sont visés dans 24 tableaux de maladies professionnelles et il sera rappelé l’enquête Sumer de 2017, qui rappelle que 11 % de l’ensemble des salariés, soit près de 2,8 millions de salariés, auraient été exposés à au moins un produit chimique cancérogène, laissant imaginer le volume des contentieux. Alors que les situations sont disparates, nous constatons une forfaitisation du préjudice d’anxiété, comme s’il s’agissait d’une contrepartie forfaitaire aux conditions d’exposition. Limitée au quantum indemnitaire, la question de la prévention est absente, sauf à considérer qu’en élargissant à d’autres obligations juridiques que celle de sécurité, la Cour de cassation n’entendent attirer l’attention du plus grand nombre sur l’anticipation et la protection.
Risque hygiène sécurité
Revirement de Jurisprudence : L’indemnisation du Déficit Fonctionnel Permanent (DFP)
Les victimes de maladies professionnelle ou d’accident du travail peuvent elles prétendre à une indemnité complémentaire distincte de la rente ?
Et si l’action des victimes de l’amiante portée devant la Cour de cassation pouvait produire l’effet inverse escompté ?
Depuis plusieurs années, les victimes de l’amiante ont porté devant la Haute juridiction un combat judiciaire afin de faire exclure de la rente, l’indemnisation du Déficit Fonctionnel Permanent (DFP).
Cette action semblait être menée par les victimes de l’amiante dans le but d’obtenir réparation de leurs souffrances endurées après consolidation ; ou plus exactement pour que les victimes de l’amiante ne soient pas contraintes de démontrer que leurs souffrances physiques et morales n’étaient pas déjà réparées par la rente au titre du DFP.
Ce combat a été mené victorieusement puisque la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en la matière.
Selon le communiqué de presse disponible sur le site internet de la Cour de cassation, « la Cour de cassation permet désormais aux victimes ou à leurs ayants droit d’obtenir une réparation complémentaire pour les souffrances physiques et morales endurées après « consolidation ». Cette réparation peut être obtenue sans que les victimes ou leurs ayants droit n’aient à fournir la preuve que la rente prévue par le code de la sécurité sociale ne couvre pas déjà ces souffrances. Les décisions marquent une évolution importante en matière d’indemnisation, notamment pour les salariés qui ont été exposés de façon prolongée à l’amiante ».
Mais, à bien réfléchir, ce combat ne peut-il pas, dans certaines situations, se retourner contre certaines victimes elles-mêmes, de sinistres professionnels, notamment celles de l’amiante ?
Il s’agit de la question posée dans cet article avec la mise en lumière, peut-être, d’un nouveaux contentieux à naître en matière de faute inexcusable.
L ’influence du revirement de jurisprudence sur la majoration de rente
Par communiqué de presse, la Cour de cassation a titré : « La Cour de cassation élargit le périmètre d’indemnisation d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, en cas de faute inexcusable de l’employeur.
Les victimes, comme leurs ayants droit, seront mieux indemnisées, notamment celles qui ont été exposées à l’amiante ».
Aussi, par deux arrêts du 20 janvier 2023 (pourvois n° 21-23947 et n°20-23673), l’assemblée plénière de la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en considérant que la rente versée par la caisse de sécurité sociale aux victimes « n’indemnise pas leur déficit fonctionnel permanent, c’est-à-dire les souffrances qu’elles éprouvent par la suite dans le déroulement de leur vie quotidienne ».
Dans son communiqué, la Cour mentionne que ses « décisions marquent une évolution importante en matière d’indemnisation, notamment pour les salariés qui ont été exposés de façon prolongée à l’amiante ».
Dans ces affaires, la question présentée devant la Cour de cassation était de savoir si les victimes de sinistres professionnels pouvaient obtenir une réparation complémentaire pour les souffrances endurées après consolidation et ce, sans qu’il soit besoin de prouver que la rente perçue ne couvre déjà ces souffrances.
Autrement dit, il revenait à la Cour de cassation de dire si la rente réparait le déficit fonctionnel permanent, recouvrant selon la nomenclature Dintilhac, « les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après sa consolidation ».
Or, jusqu’à présent, la Cour de cassation considérait que la rente indemnisait « d’une part, les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité, d’autre part, le déficit fonctionnel permanent (Crim., 19 mai 2009, n°08-86050 et n°08-86485 ; Civ., 2ème, 11 juin 2009, n°08-17581, n°07-21768 et n°08-16089) et que pour obtenir une réparation distincte des souffrances physiques et morales, la victime devait démontrer que ces souffrances n’ont pas été indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent (Civ., 2ème, 28 février 2013, n°11-21015).
La rente ne répare « désormais » plus le déficit fonctionnel permanent
Cette meilleure indemnisation n’était pas sans poser, sur le plan purement juridique, un questionnement. Ce questionnement était exposé par l’avocat général dans ces affaires, celui de la double indemnisation.
Dans ses conclusions, l’avocat général indiquera « A choisir entre le risque de double indemnisation, bien que limité, et tout mettre en oeuvre pour une indemnisation plus juste des victimes, notamment celles percevant le moins de revenus, cette dernière solution me paraît devoir retenir votre attention ».
La Cour de cassation a suivi les préconisations de l’avocat général mais, selon notre interprétation, en optant pour un solution plus radicale. En effet, l’assemblée plénière va indiquer que « L’ensemble de ces considérations conduit la Cour à juger désormais que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent ». Ainsi, le risque de double indemnisation est levé par la Cour en estimant que la rente ne réparant plus le DFP (les souffrances endurées post-consolidation), il pourra être indemnisé par les juridictions.
En effet, une première lecture de ces deux arrêts permet effectivement de prendre acte que « désormais » les victimes de sinistres professionnels pourront obtenir une meilleure indemnisation de leurs préjudices personnels.
Toutefois, une seconde lecture de cette jurisprudence permet de savoir ce que « désormais » la rente indemnise.
La rente ne répare « désormais » que l’incidence professionnelle et les pertes de gains professionnels
Depuis 2009 (Civ., 2ème, 11 juin 2009, n°08-17581, n°07-21768 et n°08-16089), la Cour estimait que la rente réparait 3 postes de préjudices :
- pertes de gains professionnels
- incidence professionnelle
- déficit fonctionnel permanent.
Depuis 2023, la Cour a jugé que « désormais…la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent ». Autrement dit, les souffrances endurées ne sont plus réparées par le versement d’une rente dont le taux est majoré en cas de reconnaissance de faute inexcusable. La victime pourra toutefois, en obtenir indemnisation, sans démontrer que les dites souffrances ont été indemnisées au titre de la rente.
Il faut également retenir de ces arrêts du 20 janvier 2023, que la rente répare donc uniquement l’incidence professionnelle et la perte des gains professionnels.
Toutefois, il existe des situations dans lesquelles la victime bénéficie d’une rente alors même qu’elle ne subit aucune perte de gains professionnels ou d’incidences professionnelles.
Ainsi se pose la question du sort de la majoration de rente dans le cadre d’une action en faute inexcusable.
Autrement dit, l’employeur est-il en droit de remettre en cause la fixation de la majoration de la rente dans le cadre de l’action en faute inexcusable.
La remise en cause de la majoration de rente lorsque la victime bénéficiaire ne subit aucune incidence professionnelle et aucune perte de gains professionnels
A l’aune des arrêts du 20 janvier 2023 et du revirement de jurisprudence opéré, il convient de considérer que la rente majorée ne couvre que les incidences professionnelles (y compris pécuniaires).
La majoration de rente ne peut être ainsi ordonnée que si la victime a subi un préjudice professionnel certain se manifestant par une perte de gains et une incidence professionnelle.
En effet, pour qu’un préjudice soit réparable, il faut qu’il soit certain, direct, légitime et personnel. Selon le Professeur Pradel, la condition de la certitude du préjudice serait la plus décisive : « elle est de l’essence même du concept du préjudice indemnisable » (X. Pradel, Le préjudice dans le droit civil de la responsabilité, LGDJ 2004, p. 213).
Or, la caisse a pu fixer une rente alors même que la victime n’a subi aucune perte de gains professionnels ou incidence professionnelle. Tel est le cas, notamment, lorsque la victime est retraitée.
Dès lors, ordonner une majoration de rente (laquelle indemnise une perte de salaire et incidence professionnelle) alors même que la victime n’a subi aucun préjudice en ce sens, reviendrait à aboutir à l’indemnisation d’un préjudice qui concrètement n’a pas été établi et encore moins subi.
Une telle analyse serait contraire au principe selon lequel un préjudice réparable doit être certain.
Dans ces conditions, on peut imaginer qu’aucune majoration de rente ne pourrait être ordonnée et ce d’autant plus que la majoration de rente n’est pas de droit.
La Majoration de rente n’est pas de droit
La Cour de cassation considère que « la rente majorée recouvre l’indemnisation des pertes de gains, de l’incidence professionnelle… » (Civ., 2ème, 6 janvier 2022, n°20-14502).
La majoration a donc un but indemnitaire ; dès lors la majoration de rente ne peut être de droit si le préjudice est incertain ou s’il a déjà été indemnisé.
Ainsi, la Cour de cassation a eu l’occasion de considérer que la majoration de rente ne peut être ordonnée si la victime a déjà été indemnisé de ses préjudices liés à l’incidence professionnelle, la perte des gains et (selon la jurisprudence en vigueur à l’époque des faits) le DFP (Civ., 2ème, 6 janvier 2022, n°20-14502) :
« Ayant énoncé que la rente majorée versée à la victime au titre de l’accident du travail en cas de faute inexcusable de son employeur recouvre l’indemnisation des pertes de gains professionnels, du déficit fonctionnel permanent et de l’incidence professionnelle de l’incapacité, qui ont déjà été réparés par le jugement du 30 janvier 2014, la cour d’appel, devant laquelle la victime n’a pas prétendu n’avoir pas été intégralement indemnisée de son préjudice corporel par les tiers ni que les sommes qui lui avaient été versées ne couvraient qu’imparfaitement le montant de la rente majorée, a décidé à bon droit, nul ne pouvant prétendre être indemnisé deux fois du même préjudice, que cette victime ne pouvait obtenir paiement de la majoration de la rente versée au titre de son accident du travail ».
En conséquence, la Cour de cassation considérant que la majoration de rente n’est pas due si la victime a déjà été indemnisée des préjudices liés à la rente, cela signifie que la majoration de rente n’est pas de droit et que les juridictions peuvent rejeter de telles demandes.
Pour finir, on peut ainsi admettre, en matière de faute inexcusable, qu’une victime de sinistre professionnel n’ayant subi aucune perte de gains professionnels ou d’incidence professionnelle, ne pourrait voir sa rente majorée à son maximum puisque n’ayant subi aucun préjudice en ce sens.
En conclusion, et en voulant exclure de la rente le DFP, on peut se demander si désormais certaines victimes de l’amiante seront réellement mieux indemnisées.
On peut également se demander si, de par leurs actions, les victimes de l’amiante n’ont pas fait naître un nouveau contentieux préjudiciable pour elles et pour toutes les victimes de sinistres professionnels; permettant le rejet de leur demande de majoration de rente lorsqu’elles n’ont subi aucune perte de gains professionnels ou aucune incidence professionnelle.
Civ., 2ème, 20 janvier 2023, n°20-23673 et 21-23947.
Le juge et l’expertise : adopter et abandonner ne vaut
Si le juge n’est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien qu’il a commis pour l’éclairer sur une question de fait (art. 246 du code de procédure civile), il ne peut, dans la même décision, les adopter et les écarter : cette contradiction de motifs équivaut classiquement à un défaut de motifs contraire à l’exigence de motivation, exigence du procès équitable, rappelée à l’article 455 du code de procédure civile.
Au visa de cet article, la Cour de cassation censure ainsi un arrêt de la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail qui, saisie par l’employeur de la contestation d’un taux d’incapacité permanente, adoptait d’un même mouvement les conclusions du consultant médical désigné en appel, reproduites in extenso, et les écartait pour fixer à 10% le taux litigieux, au lieu des 08% que cet expert estimait conformes au barème d’invalidité.
La réforme intervenue en 2019 a accentué l’empire des principes du procès civil sur le contentieux médical de la sécurité sociale : la consultation n’est plus de droit devant le juge du taux d’incapacité, mais une fois ordonnée, il ne peut la dénaturer sans méconnaître son office.
Civ., 2ème, 16 février 2023, n°21-16429.
Tarification : CA d’Amiens , loi pacte
La cour d’appel d’Amiens confirme majoritairement l’application par les CARSAT de la loi pacte et plus précisément de l’article L 130-1 du CSS en vigueur depuis le 01 janvier 2020.
Après avoir rappelé « qu’il résulte des articles D.242-6-2 et suivants du code de la sécurité sociale et en particulier de l’article D.242-6-13 du code de la sécurité sociale devenu D.242-6-17 en application de l’article 3 du décret n°201-753 du 5 juillet 2010 que si les établissements nouvellement crées sont assujettis aux taux nets collectifs, mixte ou individuels selon l’effectif de l’entreprise et en tenant compte, pour les taux mixtes et individuels des résultats propres à l’établissement et afférents aux années civiles, complètes ou non écoulées depuis leur création, il n’en va pas de même des établissements devant être considérés comme successeur ou repreneur d’un précédent établissement, au sens de l’article D.242-6-13 devenu D. 242-6-17 précité, dont les cotisations doivent être calculés en fonction des risques devant être mis à la charge de l’ancienne entreprise, ce dernier article prévoyant que ne peut être considéré comme un établissement nouvellement crée celui issu d’un précédent établissement dans lequel a été exercée une activité similaire avec les mêmes moyens de production et ayant repris au moins la moitié du personnel… »
La cour précise qu’il résulte des dispositions de l’article D.242-6-17 : « qu’à l’expiration du délai de trois ans pendant lequel l’établissement nouvellement crée se voit appliquer la tarification collective, les taux nets collectifs, mixtes ou individuels sont applicables à ces établissements en fonction de leur effectif ou de l’effectif de l’entreprise dont ils relèvent et que rien n’exclut l’application des disposition de l’article L.130-1 à partir de la tarification 2020 aux anciens établissements nouvellement crées qui ne sont plus soumis de plein droit à la tarification collective et pour lesquels il convient, dans les mêmes conditions que les autres entreprises, de déterminer si l’effectif de l’année N -2 a entrainé le franchissement d’un seuil de tarification et si ce franchissement s’est confirmé pendant cinq années consécutives. »
La cour d’appel d’Amiens a confirmé la décision de la CARSAT de Normandie qui a maintenu l’application du taux collectif en application de l’article L.130-1-II du code de la sécurité sociale : le franchissement à la hausse d’un seuil d’effectif salarié est désormais pris en compte lorsque ce seuil a été atteint ou dépassé pendant cinq années civiles consécutives.
CA Amiens., 13 septembre 2022, RG n°21-02595.
Ainsi les CARSAT en présence d’établissements nouvellement crées maintiendront le taux collectif pendant 5 années consécutives.
CA Amiens., 13 septembre 2022, RG n°31-02748.
En cas de reprise d’établissement et non plus de création, la CARSAT Nord-Picardie a maintenu la tarification collective à un établissement par application de loi pacte et au titre des effets de seuil.
Dans cette espèce, l’activité de l’établissement relevait du taux collectif, quel que soit l’effectif, la demanderesse a donc été déboutée.
Toutefois la Cour précise dans cet arrêt, et ce après avoir rappelé l’effectif à retenir selon l’article L 130.1 du code de la sécurité sociale, que « le fait que le mécanisme d’atténuation des effets de seuil prévu par la loi serait contraire à la prévention des risques professionnels n’est pas de nature à justifier qu’il ne soit pas fait application de la loi sur ce point. »
CA Amiens., 13 septembre 2022, RG n°31-02601.
Très récemment la cour d’appel d’Amiens a précisé que la loi Pacte s’appliquait en cas de reprise du risque, elle précise que le franchissement de seuil pour la tarification individuelle doit se faire sur 5 années consécutives même dans le cas d’une reprise d’établissement dès lors qu’un des établissements concernés par la reprise est soumis à une mode de tarification mixte ou collective.
La cour confirme la décision de la CARSAT d’appliquer un taux collectif à l’entreprise demanderesse dont l’effectif est supérieur à 5000 salariés depuis 2019. La cour retient pour valider la décision de la CARSAT « que l’entreprise étant en mode de tarification collective avant l’entrée en vigueur de la loi Pacte et que les franchissements des seuils de la tarification mixte et individuelle constatés respectivement pour la tarification 2020 (effectif de référence 20018 correspondant à une tarification mixte) et pour la tarification 2021 ( effectif de référence 2019 correspondant à une tarification individuelle) ne s’étant pas à ce jour confirmés pendant les quatre années suivant les franchissements considérés, il convient de dire que c’est à juste titre que la CARSAT a fait application pour la détermination des taux de cotisation à compter du 1er novembre 2021 et pour 2022 des établissements de la société du mode de tarification collectif et de débouter en conséquence la demanderesse de ses prétentions contraires tant à titre principal qu’à titre subsidiaire. »
CA Amiens., 17 février 2023, RG n°22/02659.
Risque contentieux social
Exécution du contrat de travail
Est-il possible pour un salarié en arrêt maladie de pratiquer une activité sportive sans se voir opposer la question de l’exécution déloyale du contrat de travail ?
Il est de jurisprudence constante que l’exercice d’une activité pendant un arrêt de travail provoqué par une maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté laquelle subsiste pendant la durée de cet arrêt. Pour constituer un tel manquement et justifier une mesure de licenciement, l’activité exercée pendant l’arrêt maladie doit avoir causé un préjudice à l’employeur ou à l’entreprise.
Par un arrêt du 1er février 2023, la Cour de cassation répond pour la première fois à la question de savoir si le préjudice causé à l’employeur peut ou non résulter du paiement intégral du salaire par ce dernier pendant l’arrêt maladie.
Pour considérer la révocation de l’agent RATP comme fondée, l’employeur considérait que le salarié avait manqué à son obligation de loyauté en participant à des compétitions sportives alors que son contrat était suspendu pour maladie.
Pour justifier d’un préjudice, l’employeur considérait d’une part qu’il assurait lui-même la couverture des risques maladie, accident du travail et maladie professionnel de son personnel dans le cadre d’un régime spécial de sécurité sociale, lui imposant de maintenir intégralement la rémunération pendant l’arrêt de travail (préjudice économique et financier) et d’autre part que cette activité était susceptible d’aggraver son état de santé (préjudice fonctionnel et économique).
La Cour a balayé les arguments soulevés par l’employeur considérant d’une part que le préjudice pour l’employeur ne peut résulter du seul maintien intégral du salaire et d’autre part qu’il n’était pas démontré que la participation à ces compétitions sportives aurait aggravé son état de santé ou prolongé ses arrêts de travail.
La Haute juridiction a donc considéré que la révocation pour faute grave devait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Soc., 1er février 2023, n°21-20526.
Inaptitude
Quelle est la portée de l’une ou l’autre des mentions relatives à la dispense de recherche de reclassement en matière d’inaptitude lorsque l’entreprise appartient à un groupe ?
Aux termes de deux arrêts rendus le 8 février 2023, la Cour de cassation est venue préciser les obligations pesant sur l’employeur lorsque le médecin du travail le dispense de recherche de reclassement alors que l’entreprise appartient à un groupe.
La Cour considère que dès lors que l’avis d’inaptitude mentionne expressément que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi », l’employeur est dispensé de rechercher et de proposer des postes de reclassement et peut licencier pour inaptitude.
Soc., 8 février 2023, n°21-19232.
En l’espèce, l’entreprise appartenait à un groupe de sorte que nous pouvons en déduire que la Cour admet que la référence à cette mention dispense l’entreprise de procéder à des recherches dans le groupe. Toutefois, il convient de rester méfiant puisque la Cour de cassation ne s’est pas prononcée explicitement sur ce point.
En revanche, lorsque l’avis d’inaptitude mentionne « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans cette entreprise » et concerne une entreprise appartenant à un groupe, la Cour de cassation considère que l’employeur doit chercher un reclassement au niveau du groupe pour respecter son obligation (Soc., 8 février 2023, n°21-11356).
Il convient donc de rester très attentif à la rédaction faite par le médecin du travail sur l’avis d’inaptitude pour apprécier l’obligation ou non qui pèse sur l’employeur de procéder à des recherches de reclassement lorsque l’entreprise appartient à un groupe.
L’employeur qui a engagé une procédure disciplinaire à l’encontre d’un salarié qui se voit postérieurement déclaré inapte peut-il poursuivre la procédure disciplinaire ou doit-il engager la procédure propre à l’inaptitude ?
En vertu des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du Code du travail, les dispositions relatives à l’inaptitude du salarié à son poste sont d’ordre public. Ainsi, ces dispositions font obstacle à ce que l’employeur prononce un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude.
Toutefois, la question se pose de savoir si l’employeur garde la possibilité de maintenir une procédure disciplinaire engagée préalablement à l’inaptitude ?
La Cour de cassation répond par la négative en rappelant les dispositions d’ordre public propres à l’inaptitude et considère ainsi qu’à partir du moment où le salarié est déclaré inapte, il ne peut plus faire l’objet d’une mesure de licenciement pour motif disciplinaire alors même que cette procédure avait été engagée préalablement à l’avis d’inaptitude.
Soc., 8 février 2023, n°31-19232.
La discrimination fondée par le refus d’un second congé paternité au salarié supposé polygame
Le litige opposait un salarié ayant fait l’objet d’une mesure de licenciement pour faute grave et son employeur. A la suite de la sanction prononcée, le salarié saisit le conseil de prud’hommes aux fins de contester les conditions d’exécution et de rupture de sa relation de travail.
Le conseil de prud’hommes a considéré que le jugement était entaché de nullité et a ainsi condamné la société au paiement d’une indemnité au titre du licenciement nul. La société, condamnée en première instance, a interjeté appel de la décision et notamment en ce qu’il dit ; « condamné la société au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison du refus de prise de congé naissance et congé paternité et au titre d’indemnités pour licenciement nul (…) »
Pour motiver ce refus, l’employeur faisait valoir « qu’en France la polygamie n’existe pas » et que le salarié ne pouvait prétendre à l’octroi d’un second congé paternité quatre mois suivant le précédent.
La Cour d’appel, a confirmé le jugement déféré en ce qu’il a considéré que « le salarié avait fait l’objet d’une discrimination celle-ci résultant du refus opposé par son employeur à sa demande de prise de congés paternité et de naissance, pour le seul motif qu’il aurait eu un premier enfin né d’une autre mère dans les mois précédant la naissance de son second enfant. »
CA Toulouse., 16 décembre 2022, RG n°21-01896.
Rupture conventionnelle : pas de consentement libre du salarié lorsqu’il est harcelé moralement
Dans cette affaire, une salariée recrutée en sa qualité de chargée de recrutement, exerçait des fonctions de responsable de service de recrutement et d’accompagnement des ressources humaines.
Les parties ont conclu entre elles une convention de rupture du contrat de travail, homologuée tacitement. Pour rappel, la rupture conventionnelle repose sur un accord mutuel et ne peut en aucun cas être imposée à l’autre partie.
La salariée a toutefois contesté la rupture de son contrat de travail, estimant que celle-ci était nulle dès lors qu’elle était victime de harcèlement moral.
La Cour d’Appel d’Aix-en-Provence a considéré que « si, à la date de signature de la convention de rupture, la salariée se trouve dans une situation de violence morale en raison du harcèlement dont elle était victime, et des troubles psychologiques qui en ont résulté, le vice du consentement est caractérisé, et la convention de rupture doit être annulée ».
Le consentement vicié de la salariée emporte ainsi la nullité de la rupture conventionnelle à condition de démontrer que le harcèlement est à l’origine de l’altération du consentement.
En l’espèce, le harcèlement moral au moment de la signature de l’acte se traduisait par des propos déplacés réguliers, voire quotidiens, et de nature discriminatoire, ayant entrainé chez la salariée, des troubles psychologiques.
La Cour de Cassation en a déduit que la convention de rupture était nulle et par conséquent, a rejeté le pourvoi de l’employeur.
Soc., 1er mars 2023, n°21-21345.
Vidéo surveillance : l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraine pas nécessairement son rejet des débats
Licenciée pour faute grave, une salariée recrutée en sa qualité de prothésiste ongulaire a saisi la juridiction prud’homale.
Dans cette affaire, l’employeur, pour caractériser la faute grave du fait de détournement de fonds et soustractions frauduleuses, produisait des images de vidéo surveillance constatées par huissier.
La salariée a considéré que l’utilisation de la vidéo surveillance avait porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble et que la production de la vidéo surveillance n’est pas indispensable à l’exercice de son droit, dès lors que d’autres éléments étaient susceptibles de révéler les irrégularités reprochées à la salariée.
La Cour de Cassation, rejetant le pourvoi, a considéré que « l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraine pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble au regard du droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve à condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ».
Le juge doit dans ce cas :
- S’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur ;
- Vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci ;
- Rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié ;
- Apprécier le caractère proportionné de l’atteinte portée au regard du but poursuivi.
Soc., 8 mars 2023, n°21-17802.
Loi portant diverses dispositions au droit de l’union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture
La version finale du projet de loi « portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture » autrement appelée DDADUE a été adoptée par l’Assemblée nationale le 28 février dernier.
Voici les mesures intéressants le droit du travail :
- L’équilibre entre vie professionnelle et vie privée :
- Le congé parental d’éducation : le projet de loi modifie les modalités d’appréciation de la condition d’ancienneté d’un an permettant de bénéficier du congé parental d’éducation. En l’état actuel du droit, cette condition se vérifie à la date de naissance ou d’adoption de l’enfant. Désormais, cette condition s’appréciera à la date de la demande du congé.
En outre, en cas de passage d’un temps plein à un temps partiel, la durée du congé parental d’éducation sera assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté. - Le congé de présence parentale : ce congé permet au salarié de s’occuper d’un enfant à charge dont l’état de santé nécessite une présence soutenue et des soins contraignants. Il sera également pris en compte en totalité pour définir les droits que le salarié tient de son ancienneté. Et ce dernier pourra conserver tous ses avantages acquis avant le début du congé.
- Le congé paternité et accueil de l’enfant : (nouvel article L. 1225-35-2 du Code du travail) désormais le congé paternité et accueil de l’enfant est assimilé à une période de travail effectif pour la détermination des droits liés à l’ancienneté du salarié. Le salarié conservera ses avantages acquis, notamment ses congés payés, avant le début de ce congé.
- Le congé solidarité familiale et de proche aidant : les salariés d’un particulier employeur ainsi que les assistants maternels de droit privé, dont le régime dépend en partie de l’article L.423-2 du Code de l’action sociale et des familles, pourront désormais bénéficier du congé de solidarité familiale et du congé de proche aidant.
- Le congé parental d’éducation : le projet de loi modifie les modalités d’appréciation de la condition d’ancienneté d’un an permettant de bénéficier du congé parental d’éducation. En l’état actuel du droit, cette condition se vérifie à la date de naissance ou d’adoption de l’enfant. Désormais, cette condition s’appréciera à la date de la demande du congé.
- Des conditions de travail transparentes et prévisibles :
- L’obligation d’information par l’employeur sur les éléments essentiels de la relation de travail : (nouvel article L. 1221-5-1 du Code du travail) désormais l’employeur devra
remettre des documents écrits contenant les informations principales de la relation de travail au salarié. La liste de ces éléments sera fixée par Décret.
Et en cas de non-respect de cette obligation d’information, un recours juridictionnel pourra être formé par les salariés à la suite d’une mise en demeure préalable de l’employeur. Le juge prud’homal pourra alors ordonner la remise des informations.
Exception : les employeurs de salariés en CDD, à temps partiel ou en contrat du Code rural et de la pêche maritime, effectuant moins de trois heures par semaine sur une période de référence de quatre semaines, sont exemptés de cette obligation d’information s’ils utilisent le chèque emploi-service universel. - Information sur les postes disponibles en CDI pour les salariés en CDD/contrat de mission : les salariés en CDD ou en intérim, justifiant d’une ancienneté continue d’au moins six mois, devront être informés par leur employeur ou l’entreprise utilisatrice des postes en CDI à pourvoir au sein de leur entreprise. Un décret en fixera les modalités d’application. Jusqu’à maintenant, cette obligation ne pesait que sur les entreprises qui disposait d’un dispositif de consultation des postes vacantes pour les salariés permanents.
- La suppression des durées de période d’essai plus longues fixées par accord de branche : la possibilité pour un accord de branche, conclu avant la publication de la loi du 25 juin 2008, de prévoir des durées de période d’essai plus longues que les maximums prévus aux articles L. 1221-19 et L. 1221-21 du Code du est supprimée. Cette disposition n’entrera en vigueur que six mois après la promulgation de la loi (pour permettre aux partenaires sociaux de modifier les accords de branche le cas échéant).
- L’obligation d’information par l’employeur sur les éléments essentiels de la relation de travail : (nouvel article L. 1221-5-1 du Code du travail) désormais l’employeur devra
Risque pénal
Pluralité d’auteurs et pluralité de lien de causalité
L’article 222-20 du code pénal exige, pour recevoir application, que soit constatée l’existence certaine d’un lien de causalité entre la faute du prévenu et le dommage. En l’espèce, un accident survient lors du déplacement, à l’aide du godet d’une pelleteuse, d’un panneau de coffrage en métal. Celui-ci s’est décroché d’une élingue et a heurté le salarié qui se trouvait dans une tranchée à proximité.
La culpabilité de l’entreprise utilisatrice a été retenue au motif que l’absence de délivrance d’une autorisation de conduite (type CACES) a participé à la réalisation du dommage, ce qui est suffisant pour retenir l’infraction de blessures involontaires.
Crim., 6 septembre 2022, n°21-86085.
L’élément matériel et intentionnel du délit de harcèlement moral
Le harcèlement moral peut prendre une forme institutionnelle lorsqu’il réside « dans les agissements qui procèdent d’une politique d’entreprise ayant pour but de structurer le travail de tout ou partie d’une collectivité d’agents et la mettent en oeuvre ». Néanmoins, le délit de harcèlement moral, dans son aspect matériel, doit être dirigé à l’égard d’une personne nominativement désignée et non à l’ensemble des salariés. Dans ce dernier cas, une décision de non-lieu a été prononcée.
Crim., 19 octobre 2022, n°20-87164.
Qualification de procès-verbal et rapport technique
L’avis ou le rapport technique établi par l’inspection du travail du travail, s’agissant d’un accident du travail, répondant à une demande spécifique faite par le procureur de la République et ne servant pas de support à la constatation de l’infraction, ne peut se voir conférer la qualité de procès-verbal au sens de l’article 8113-7 du code du travail.
Crim., 6 décembre 2022, n°21-83414.
Relaxe au pénal et faute inexcusable
L’absence de manquement de l’employeur aux règles de sécurité dans le travail, constatée par le juge pénal, lie le juge civil qui ne peut retenir la faute inexcusable de cet employeur. En l’espèce, la juridiction pénale avait considérées que les causes d’ouverture de la vanne était indéterminée et avait écarté un manquement aux règles de sécurité lié à l’absence de double vanne ou d’un système de verrouillage de la vanne nécessitant un outil spécifique.
Chambre pénale., 1er décembre 2022, n°21-10773.
Risque environnemental
Dans le cadre d’un projet de déménagement, l’employeur doit informer le CSE sur les conséquences environnementales du projet
Dans cette espèce le projet de déménagement a été présenté au CSE, l’employeur n’évoque pas l’impact environnemental. Les élus alertent la direction sur plusieurs points et demandent une expertise portant notamment sur la bilan carbone et l’impact environnemental du projet.
Estimant que l’information présentée à l’occasion d’une nouvelle réunion était insuffisante, le CSE saisi le tribunal judiciaire de Nantes afin d’ordonner à l’entreprise de fournir au CSE une série d’informations environnementales et proroger le délai de consultation du comité.
Le CSE souhaitait des précisions sur :
- L’impact environnemental des déchets et des émissions de CO2 que le transport des collaborateurs, le renouvellement des outils et les changements de locaux pourraient engendrer.
- L’évaluation de l’impact du projet sur la saturation des transports publics de voyageurs
- Les caractéristiques des nouveaux mobiliers et équipements (matière, consommation d’énergie, etc …)
- Le traitement des anciens mobiliers et équipements (recyclage, réutilisation, valorisation des déchets, etc …)
Ainsi que des engagements environnementaux du prestataire chargé du déménagement et des émissions de gaz à effet de serre générées par le déménagement.
Le tribunal rejette la demande du CSE jugeant que les informations dont le CSE estimait avoir besoin ont bien été transmises au fur et à mesure des réunions.
Il convient de remarquer que le tribunal reprend une par une les demandes d’information du CSE.
Toutefois sur la demande de prolongation du délai de consultation et compte tenu de l’information tardive du CSE le tribunal accueille la demande et décide de reporter la date de l’avis à donner.
TJ Nantes., 22 décembre 2022, RG n°22-01144.