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Édito
La délimitation de l'indemnisation au titre des souffrances endurées
Risque hygiène sécurité
La preuve en matière de préjudice d’anxiété : précision de la Cour de cassation
Respect du contradictoire et transmission du double de la déclaration de maladie professionnelle
L’action récursoire de la Caisse contre l’assureur de l’employeur se prescrit par cinq ans
Précision sur la procédure contradictoire en cas de saisine du CRRMP
Taux opposable à l’employeur dans le cadre de l’action récursoire de la Caisse
Risque contentieux social
La délivrance d’une fiche d’exposition suffit-elle à prouver l’existence d’un préjudice d’anxiété ?
Sanction de 400.000 euros prononcée par la CNIL en matière de gestion des données
Ratification de la convention OIT n° 190 sur la violence et le harcèlement au travail
Que faire lorsque le salarié conteste l’avis du médecin du travail ?
Vidéosurveillance : l’illicéité de la preuve n’entraine pas son rejet systématique par les juges
Succession de CDD pour remplacer plusieurs salariés : pas de délai de carence
Licenciement pour absence prolongée en cas de maladie : l’employeur doit verser l’indemnité de préavis
Suspension de la rémunération : motif justifiant la prise d’acte
Sanction d’un licenciement pour inaptitude chez un salarié en souffrance au travail
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Délégation de pouvoirs : l’immixtion de l’employeur peu caractériser un manquement grave
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Édito
Pour cette nouvelle année, nous avons initié notre cycle de webinaires sur une thématique innovante, la responsabilité environnementale des entreprises.
Au même titre que celle relative à l’hygiène-sécurité, pour laquelle le cabinet dispose de compétences reconnues, le risque environnemental requiert la maitrise de différentes matières, droit communautaire, droit administratif, droit pénal et droit civil.
La transversalité des savoir-faire de mon équipe est donc plus que d’actualité.
S’agissant d’une matière en pleine genèse, nous avons pu animer notre première conférence à ce sujet, avec plus de 250 inscrits. Cette forte participation illustre l’intérêt porté à nos activités en général et à ce thème en particulier, mais surtout du besoin de disposer de conseils avisés sur un sujet en pleine construction, tant législative que jurisprudentielle.
Forts de ce constat, nous développerons notre offre de formation, de conseil et de défense.
Pour cette nouvelle année, et parce qu’il y a des résolutions qui se tiennent, nous resterons à vos côtés pour anticiper et défendre vos intérêts et ceux de vos entreprises.
Valéry ABDOU
La délimitation de l'indemnisation au titre des souffrances endurées
Au bénéfice d’une reprise des salons professionnels, nous avons eu l’occasion d’animer la conférence du 30 novembre 2021, lors du salon Préventica Paris, portant sur la stratégie de défense des employeurs en matière de faute inexcusable. L’objectif était de démontrer l’efficience d’une anticipation contentieuse d’une part et la nécessité de centraliser la gestion d’une pluralité de recours d’autre part, soit pour exclure la faute, soit en limiter l’incidence financière.
Sur ce dernier point et s’agissant de l’indemnisation des préjudices personnels de la victime d’un accident du travail, par deux arrêts rendus le 25 novembre 2021 (n°20-16820 et n°20-14493), la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a rappelé les contours de ce préjudice pour le requérant direct mais également pour ses ayants droits, dans le cadre d’une action successorale. L’occasion de vous présenter notre analyse contentieuse.
Il sera rappelé que selon la nomenclature Dintilhac, les souffrances endurées se définissent comme « toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que les troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c’est-à-dire du jour de l’accident à celui de sa consolidation. En effet, à compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre ».
1- Les faits de la première espèce (n°20-16820) portaient sur une action en faute inexcusable, initiée par un salarié, retraité de 72 ans, atteint d’une maladie professionnelle. Ce dernier a obtenu l’indemnisation de son préjudice physique fixée par la Cour d’appel à hauteur de 40.000 € et de son préjudice moral pour 50.000 €. Dans son pourvoi, l’employeur faisait grief à l’arrêt d’avoir indemnisé ledit préjudice alors que « l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent comprenait les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent ou qu’elle a ressentie ».
Dans son pourvoi incident, l’assureur de ce dernier précisait que la majoration de rente, hors indemnisation de l’incidence professionnelle, portant sur « l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent comprenait les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent ou qu’elle a ressentie »
Le requérant, pour justifier des souffrances endurées, avait transmis des éléments justificatifs, notamment des pièces médicales, des attestations « précises et circonstanciées » de son entourage. La Cour d’appel a également considéré qu’il avait été consolidé avec un taux de 67%, induisant un lien entre l’importance des séquelles et celle des souffrances postérieures. L’arrêt sera cassé.
2- Dans la seconde espèce (n°20-14493) et suite au suicide d’un salarié en février 2013, ses ayants droits ont engagé une action indemnitaire au titre de l’indemnisation de leur préjudice moral personnel pour faute inexcusable, mais ont entendu également solliciter celle des souffrances endurées par le défunt pour la période antérieure et devant donner lieu à son acte. A ce titre, les ayants droits considéraient que le suicide ne pouvait qu’être la conséquence d’une souffrance morale importante et nécessairement antérieure à l’acte, justifiant donc d’une indemnisation distincte.
Le caractère professionnel de l’accident avait été établi par la juridiction de première instance, confirmé par la Cour d’appel, pour laquelle « le suicide de l’intéressé, aboutissement d’un processus dépressif, est survenu par le fait du travail ». Reconnaissant la faute inexcusable, la juridiction d’appel avait indemnisé les souffrances morales du défunt à hauteur de 10.000 € et l’indemnisation du préjudice moral des ayants-droits à 30.000 € chacun.
Dans son pourvoi, l’employeur faisait grief à l’arrêt, d’avoir considéré l’indemnisation du préjudice personnel du défunt au titre des souffrances endurées, au motif que la période considérée était nécessairement antérieure au fait accidentel et donc n’avait pu être intégrée dans le patrimoine du défunt. Ainsi et dans cette espèce la question se posait de l’existence même du préjudice relatif aux souffrances endurées, par rapport à la date de survenance du fait générateur de l’indemnisation des ayants droits.
Ces décisions ne sont pas la négation des souffrances endurées par les victimes de la faute inexcusable, mais elles participent à en délimiter les contours.
1- L’assimilation des souffrances endurées à l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent (DFP)
Dans un arrêt de principe, la Cour de cassation définit le DFP, pour la période postérieure à la consolidation, comme les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles définitifs apportés aux conditions d’existence (2ème chambre civile 28 mai 2009 n°08-16829).
Le DFP intervient donc après la survenance des lésions mais également postérieurement à la consolidation. Ainsi et selon la nomenclature DINTILHAC, le DFP est « la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l’étude des examens complémentaires produits, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’état séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte à la vie de tous les jours ».
Ainsi le critère « des phénomènes douloureux et des répercussions psychologiques » est visé dans ladite nomenclature, étant rappelé qu’il s’agit de la période postérieure à la consolidation, puisque l’état séquellaire est expressément visé.
Dans un arrêt du 16 juillet 2020 (n°19-16042), la 2ème chambre civile avait déjà pu rappeler que selon l’article L434-2 du code de la sécurité sociale, la rente versée à la victime d’un accident du travail indemnisait, d’une part, les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité et, d’autre part, le déficit fonctionnel permanent. Et de préciser « qu’en l’absence de perte de gains professionnels ou d’incidence professionnelle ou si le montant de la rente versée excède celui accordé en réparation de ces postes de préjudice, cette rente indemnise nécessairement le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent ».
Ainsi l’assimilation du DFP à la majoration de rente est d’autant plus « englobant » en l’absence de perte de gains professionnels, induisant a fortiori les souffrances endurées. Dans l’arrêt commenté (n°20-16820), la Cour de cassation maintient sa position (déjà confirmée dans son arrêt du 17 juin 2021 n°19-15065), en étayant l’absence d’incidence professionnelle et donc l’assimilation d’autant plus importante des souffrances au DFP, en rappelant que le requérant était à la retraite.
Ainsi de ce statut résulterait l’absence d’incidence professionnelle. Pour casser l’arrêt déféré, la Cour de cassation invite la Cour d’appel de renvoi à voir « si les souffrances endurées n’étaient pas réparées au titre du déficit fonctionnel ».
La Cour de cassation n’évoque pas l’assimilation des souffrances au DFP, mais sollicite la Cour d’appel de savoir si elles étaient bien réparées à ce titre. S’agissant d’une problématique financière, nous ne pouvons exclure que la Cour d’appel majore le quantum indemnitaire pour y intégrer lesdites souffrances. Or et s’agissant d’une problématique indemnitaire et donc laissée à la libre appréciation des juges du fond, elle ne pourrait encourir cassation à ce sujet.
Ainsi, nous pourrions être tentés de considérer que certes l’indemnisation des souffrances est comprise dans le DFP, mais que rien n’interdirait une juridiction de majorer l’indemnisation afférente, dans le cadre de son appréciation, pour en tenir compte. Or sur ce point, la majoration de rente, venant indemniser le DFP est déterminée par la CPAM et donc les juridictions ne disposent d’aucune appréciation, le cas échéant à la hausse, de ce chef de préjudice.
Rappelant que l’article L.452-3 du Code de sécurité sociale distingue bien la majoration de la rente, de l’indemnisation des souffrances endurées et que de ce chef, la jurisprudence considérait que lesdites souffrances s’entendaient comme celles antérieures à la consolidation, la question pourrait se poser de l’impossibilité pour les juridictions du fond de vérifier si les souffrances postérieures seraient bien indemnisées. La majoration reste fonction de paramètre, induisant certes le taux d’incapacité, mais également la rémunération et l’âge de la victime, éléments qui à notre sens sont sans causalité avec les souffrances censées être indemnisées.
Une évolution de la jurisprudence sur ce point ne serait pas à exclure.
2- L’exclusion des souffrances endurées antérieures au fait accidentel
Les ayants droit de la victime d’une maladie professionnelle due à la faute inexcusable de l’employeur et décédée des suites de cette maladie sont recevables à exercer, outre l’action en réparation du préjudice moral qu’ils subissent personnellement du fait de ce décès, l’action en réparation du préjudice moral personnel de la victime résultant de sa maladie. (Cass. soc. 28-2-2002 n° 00-11.793, Cass. 2e civ. 29-6-2004 n° 02-31.144)
L’intégration des souffrances endurées dans un processus dégénératif quant à l’état de santé du salarié induit l’antériorité des doléances par rapport à la procédure d’instruction et à la décision de prise en charge de la CPAM, allant de la constatation médicale initiale, à la date de consolidation. Si la question du caractère rétroactif de ladite constatation médicale, avec l’intégration de prescriptions d’arrêt maladie quant à la détermination du forfait applicable dans l’imputation du sinistre sur le compte employeur a pu être évoquée, l’appréciation du quantum indemnitaire était à la fois fonction de la pathologie mais également de cette durée « endurée » par le salarié.
Pour un accident du travail, il y a une concomitance entre le fait accidentel et la survenance des souffrances. Ainsi et en matière d’accident mortel, la question des souffrances ne se pose pas lorsque l’état de conscience du salarié entre le fait accidentel et le décès n’est pas démontré. Ainsi et en cas de décès « soudain », les ayants droits n’ont pas été considérés comme recevables à invoquer l’indemnisation des souffrances endurées par le défunt. À défaut on évoquera ce préjudice dans le cadre « des souffrances occasionnées par la connaissance par la victime de sa propre fin » (chambre criminelle 5 octobre 2010 n°10-81743).
Dans l’espèce commentée (n°20-14493), il s’agit certes d’un suicide ne permettant pas de douter de la concomitance entre le fait accidentel et le décès. Toutefois et selon la Cour d’appel, l’acte résulte d’un « aboutissement d’un processus dépressif ».
La question patrimoniale a été évoquée, considérant qu’avant le décès, les souffrances endurées n’étant pas constituées, elles n’avaient pu être transmises dans le patrimoine des ayants droits. Toutefois, il ne peut être fait abstraction que l’exposition pathogène, prolongée, si elle a été à l’origine de l’acte, a nécessairement entrainé des souffrances auprès du défunt.
Ainsi et indépendamment de l’action patrimoniale, ce serait plus exactement la qualification du sinistre qu’il faudrait préciser. En effet et si les ayants droits avait privilégié une déclaration de maladie professionnelle, pour un fait de dépression ayant donné lieu au décès avant consolidation, l’intégration des souffrances dans le patrimoine aurait été retenue.
Il nous semble contradictoire que selon le fait générateur, qu’il soit considéré comme soudain ou d’une exposition prolongée, l’indemnisation des souffrances endurées puisse différer, d’autant plus dans une situation où il a été acté « d’un processus dépressif », induisant une notion temporelle.
Risque hygiène sécurité
La preuve en matière de préjudice d’anxiété : précision de la Cour de cassation
À l’exception des salariés qui ont travaillé dans un établissement listé ACAATA, pour lesquels la reconnaissance d’un préjudice d’anxiété sera automatique, les salariés ayant été exposé à l’amiante dans un établissement non classé ACAATA ou ayant été exposé à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave peuvent solliciter l’indemnisation de leur préjudice d’anxiété.
La Cour de cassation a été saisie d’une affaire concernant un salarié exposé au benzène.
Si, les juges du fond avaient condamné l’employeur à indemniser le requérant au titre du préjudice d’anxiété la Cour de cassation sanctionne cette décision estimant que le préjudice d’anxiété n’avait pas été suffisamment caractérisé.
Sur ce point, les juges du fond avaient caractérisé l’existence d’un préjudice d’anxiété sur la base d’une attestation d’exposition produite par le demandeur par laquelle il avait été informé de la possibilité de mettre en place un suivi post-professionnel.
Autrement dit, une simple attestation d’exposition ne permet pas au requérant de rapporter la preuve d’un préjudice d’anxiété lequel se défini par des troubles psychologiques notamment liés au bouleversement dans les conditions d’existence, résultant du risque de déclarer à tout moment une maladie.
Respect du contradictoire et transmission du double de la déclaration de maladie professionnelle
Selon les dispositions du code de la Sécurité sociale, un double de la déclaration de maladie professionnelle est envoyé à l’employeur à qui la décision est susceptible de faire grief, par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception.
Dans cette affaire, l’employeur sollicitait l’inopposabilité d’une décision de prise en charge au motif que la Caisse ne lui avait pas transmis de double de la déclaration de maladie professionnelle.
En l’espèce, la Caisse avait envoyé un courrier à l’employeur pour l’informer de l’ouverture d’une procédure d’instruction de maladie professionnelle et solliciter des informations, sans joindre la déclaration de maladie professionnelle. En retour, l’employeur avait transmis un rapport concernant les activités du salarié. À l’issue de l’instruction, la Caisse informait l’employeur de la possibilité de consulter le dossier avant qu’une décision soit rendue.
Pour débouter l’employeur de sa demande, les juges du fond estiment que dans le cadre de la consultation du dossier, l’employeur avait pu avoir accès à la déclaration de maladie professionnelle, qu’il avait eu la possibilité de formuler des observations et que les délais de procédure avaient été respectés par l’organisme.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel relevant que la caisse ne justifiait pas qu’un double de la déclaration de maladie professionnelle avait été adressé à l’employeur sous une forme permettant d’en déterminer la date de réception.
Civ., 2ème, 21 octobre 2021, n° 20-11740.
L’action récursoire de la Caisse contre l’assureur de l’employeur se prescrit par cinq ans
La reconnaissance de la faute inexcusable permet au salarié d’obtenir la majoration de sa rente ainsi que l’indemnisation de certains préjudices. La Caisse est chargée de faire l’avance des sommes qu’elle récupère ensuite auprès de l’employeur.
De plus en plus d’entreprises s’assurent contre les conséquences financières de la faute inexcusable. La question posée à la Cour de cassation était celle de savoir quel délai de prescription était applicable à l’action directe de la Caisse à l’encontre de l’assureur de l’employeur ?
Selon la Haute juridiction en l’absence de texte, l’action de la Caisse contre l’employeur en remboursement des prestations versées à la victime est soumise à la prescription de droit commun de cinq ans. Elle précise que l’action directe de la Caisse à l’encontre de l’assureur de l’employeur « se prescrit par le même délai et ne peut être exercée contre l’assureur, au-delà de ce délai, que tant que celui-ci reste exposé au recours de son assuré ».
Civ., 2ème, 10 novembre 2021, n° 20-15732.
Précision sur la procédure contradictoire en cas de saisine du CRRMP
En cas de saisine d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, dont l’avis s’impose à la caisse, l’information du salarié, de ses ayants droit et de l’employeur sur la procédure d’instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief s’effectue avant la transmission du dossier audit comité régional.
Cette information précise la date à laquelle s’effectuera cette transmission. Dans la mesure où le courrier de la caisse ne mentionnait pas la date à laquelle la transmission devait être effectuée, la cour d’appel ne pouvait pas débouter l’employeur de sa demande d’inopposabilité.
Civ., 2ème, 25 novembre 2021, n° 20-15574.
Taux opposable à l’employeur dans le cadre de l’action récursoire de la Caisse
Dans cette affaire, la Caisse a formé un pourvoi en Cassation contestant la décision de la Cour d’appel laquelle énonce que « la majoration maximale de la rente versée à la victime sera calculée sur le taux d’incapacité fixé par la caisse le 30 décembre 2014, à savoir 15 %, mais que la caisse pourra exercer son action récursoire à l’encontre de l’employeur que sur la base du taux d’incapacité partielle initialement fixé à 5 % ».
La Caisse reprochait aux juges du fond d’avoir relevé d’office ce moyen pour limiter l’assiette de son action récursoire. En principe, lorsque la procédure est orale, les moyens soulevés d’office sont présumés avoir été débattus contradictoirement, sauf preuve contraire.
En l’espèce, et pour casser l’arrêt, la Cour de cassation considère que les juges de la Cour d’appel s’étaient fondés sur les écritures des parties développées à l’oral lors de l’audience, alors que celles-ci ne comportaient aucun moyen relatif à la limitation de l’assiette du recours de la Caisse sur le taux d’IPP.
Par conséquent, l’affaire est renvoyée.
Cette décision nous permet de rappeler d’une part l’importance de déterminer le taux opposable à l’employeur, permettant de limiter le montant de la majoration de la rente récupérée par la Caisse et, d’autre part, que la stratégie de défense contentieux en faute inexcusable doit intégrer l’analyse de l’opportunité de contester le taux d’IPP, permettant en cas de réduction de celui-ci de limiter les conséquences financières de l’action du salarié.
Civ., 2ème, 9 décembre 2021, n° 20-12538.
Risque contentieux social
La délivrance d’une fiche d’exposition suffit-elle à prouver l’existence d’un préjudice d’anxiété ?
Dans cette affaire, la question posée à la Cour était de savoir si la seule délivrance d’une fiche d’exposition permettait au salarié de rapporter la preuve de l’existence d’un préjudice d’anxiété ?
Rappelons que le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante ou à une autre substance toxique ou nocive, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.
A ce titre, il appartient au salarié, demandeur à l’action de justifier d’un préjudice d’anxiété personnel résultant d’un tel risque. Le préjudice d’anxiété, ne résulte pas de la seule exposition au risque induit par une substance nocive ou toxique mais est constitué par les troubles psychologiques qu’engendre la connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave.
En l’espèce et pour condamner l’employeur la cour d’appel considérait que « la réalité de ce préjudice résulte de l’établissement d’une attestation d’exposition à destination des salariés, lesquels ont été informés à cette occasion de la possibilité de la mise en oeuvre d’un suivi post-professionnel, que l’anxiété des salariés est la conséquence directe de l’appréciation de la situation par les autorités médicales et sanitaires, qui se traduit compte tenu des conséquences potentielles au niveau de l’état de santé d’une exposition à une substance nocive et dangereuse par la mise en oeuvre d’un suivi particulier si les salariés le souhaitent, que les salariés justifient à ce titre d’une inquiétude permanente générée par le risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée au benzène, avec le risque d’une pathologie particulièrement grave pouvant être la cause de leur décès ».
Sur pourvoi de l’employeur, la Cour de cassation casse et annule la décision des juges du fond, estimant que la délivrance d’une fiche d’exposition ne permet pas automatiquement au salarié de justifier de la réalité d’un préjudice d’anxiété.
Soc., 13 octobre 2021, n° 20-16584, 20-16598, 20-16599.
Sanction de 400.000 euros prononcée par la CNIL en matière de gestion des données
Dans cette affaire, la CNIL a été saisie d’une plainte concernant les informations utilisées lors des procédures d’avancement de carrière des employés. En effet, il était reproché à la RATP de mentionner dans les fichiers d’évaluation de ses salariés le nombre de jour de grève.
A l’issue de son enquête, la CNIL a relevé plusieurs manquements à savoir :
– Collecte de données non nécessaires
– Manquement à l’obligation de limiter la durée de conservation des données
– Manquement à la sécurité des données
La formation restreinte de la Commission a prononcé une amende administrative de 400.000 euros à l’égard de la Régie des transports.
Délibération du 29 octobre 2021.
Ratification de la convention OIT n° 190 sur la violence et le harcèlement au travail
Le 28 octobre 2021, le projet de loi autorisant la ratification de la convention n°190 de l’Organisation internationale du travail relative à l’élimination de la violence et du harcèlement au travail a définitivement été adopté par le Sénat, avant d’être promulgué le 8 novembre suivant.
Le Convention définit la violence et le harcèlement comme un « ensemble de comportements et de pratiques inacceptables, ou de menaces de tels comportements et pratiques, qu’ils se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, qui ont pour but de causer, causent ou sont susceptibles de causer un dommage d’ordre physique, psychologique, sexuel ou économique, et comprend la violence et le harcèlement fondés sur le genre ».
Une recommandation (texte non contraignant) précise également les modalités de sa mise en œuvre s’agissant notamment pour les Etats signataires de veiller à ce que les dispositions législatives nationales tiennent compte des instruments de l’OIT.
En l’espèce, la France va ratifier ce texte à droit constant ce qu’ont déploré plusieurs OING (Organisation Internationales Non-gouvernementales) et confédérations syndicales lesquelles réclamaient un renforcement de la législation en la matière.
Que faire lorsque le salarié conteste l’avis du médecin du travail ?
Selon les dispositions légales, le médecin du travail peut proposer des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail tenant compte de l’âge et de l’état de santé du travailleur. L’employeur est tenu de mettre en œuvre les aménagements préconisés par le médecin à défaut de quoi, un manquement à son obligation de sécurité serait caractérisé.
Dans l’hypothèse où le salarié contesterait la compatibilité entre son poste et les prescriptions du médecin du travail, il appartient à l’employeur de solliciter un nouvel avis du médecin.
Soc. 4 novembre 2021, n° 20-17316.
Vidéosurveillance : l’illicéité de la preuve n’entraine pas son rejet systématique par les juges
La Cour de cassation a été saisie d’une affaire concernant une salariée licenciée pour faute grave en raison de plusieurs erreurs de caisse.
Pour prouver le bienfondé du licenciement, l’employeur s’est basé sur des enregistrements issus de la vidéosurveillance installée dans la pharmacie, laquelle avait était mise en place pour assurer la sécurité des biens et des personnes.
En principe, lorsque la vidéosurveillance est mise en place pour la sécurité des locaux, le système ne doit pas être utilisé pour surveiller l’activité des salariés, si l’employeur n’a pas respecté l’obligation d’information et consultation préalable.
Pour autant les juges précisent que « l’illicéité d’un moyen de preuve, au regard des dispositions susvisées, n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ».
Par conséquent, la Cour de cassation a renvoyé l’affaire.
Soc., 10 novembre 2021, n° 20-12263.
Succession de CDD pour remplacer plusieurs salariés : pas de délai de carence
Dans cette affaire, un employeur avait conclu avec un salarié quatre CDD successifs afin de pourvoir au remplacement de quatre salariés absents. Devant la juridiction prud’homale, le salarié sollicitait la requalification de ces contrats en CDI estimant que l’employeur n’avait pas respecté de délai de carence.
Les juges du fond ont fait droit à sa demande retenant que les CDD n’étaient pas conclus en raison d’une nouvelle absence du salarié remplacé mais pour le remplacement de salariés distincts.
Toutefois, la Cour de cassation sanctionne l’arrêt d’appel. Elle juge que « lorsque le contrat à durée déterminée est conclu pour remplacer un salarié absent, les dispositions de l’article L.1244-1 du code du travail autorisent la conclusion de plusieurs contrats à durée déterminée successifs, sans qu’il y ait lieu à application d’un délai de carence ».
Soc., 17 novembre 2021, n° 20-18336.
Licenciement pour absence prolongée en cas de maladie : l’employeur doit verser l’indemnité de préavis
En cas de licenciement, et sauf mention contraire dans la convention collective, l’employeur n’est pas tenu de verser au salarié l’indemnité compensatrice de préavis lorsque ce dernier se trouvait dans l’impossibilité d’exécuter ledit préavis.
Par exception, la Cour de cassation a jugé qu’il devait en être autrement lorsque l’inexécution du préavis est imputable à l’employeur.
La présente affaire couvre une nouvelle situation, celle d’un salarié qui été placé en arrêt de travail pour maladie (non professionnelle) prolongé plus d’un an et demi. Invoquant des perturbations et la nécessité de procéder au remplacement définitif du salarié l’employeur l’a licencié.
Contestant son licenciement, le salarié a obtenu gain de cause en appel. Les juges ont retenu l’absence de cause réelle et sérieuse et condamné l’employeur à lui verser l’indemnité compensatrice de congés payés afférente. En cassation, l’employeur fait grief à l’arrêt de l’avoir condamné au paiement du préavis estimant que le salarié été dans l’impossibilité de l’effectuer, de sorte qu’il ne pouvait prétendre au bénéfice de cette indemnité.
Confirmant l’analyse des juges du fond, la Cour de cassation pose le principe selon lequel « lorsque le licenciement, prononcé pour absence prolongée désorganisant l’entreprise et rendant nécessaire le remplacement définitif de l’intéressé, est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le juge doit accorder au salarié, qui le demande, l’indemnité de préavis et les congés payés afférents ».
Soc., 17 novembre 2021, n° 20-14848.
Suspension de la rémunération : motif justifiant la prise d’acte
En cas de refus par un salarié protégé de la modification de son contrat ou du changement de ses conditions de travail, l’employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou, s’il souhaite le licencier, engager une procédure en saisissant la DREETS d’une demande d’autorisation préalable. Il appartient à l’employeur de maintenir tous les éléments de rémunération antérieurement perçus par le salarié aussi longtemps que l’inspecteur du travail n’a pas autorisé son licenciement.
En l’espèce, à la suite de la perte d’un marché où il était affecté, un salarié avait refusé le transfert de son contrat de travail à l’entreprise entrante. Son employeur l’avait donc affecté à un poste sur un autre site. Le salarié ayant refusé cette nouvelle affectation, il a d’abord été placé en arrêt de travail pour maladie et ensuite, n’a plus été rémunéré.
C’est dans ce contexte qu’il a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.
La Cour de cassation estime que le changement de site d’affectation décidé par l’employeur avait été refusé par le salarié protégé et que l’inspecteur du travail n’avait pas autorisé son licenciement, de sorte que l’absence de rémunération constituait un manquement grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail et justifiant la prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur
Soc., 24 novembre 2021, n° 20-19040.
Sanction d’un licenciement pour inaptitude chez un salarié en souffrance au travail
Ayant retenu que la dégradation de l’état de santé du salarié ayant conduit à l’avis d’inaptitude du médecin du travail était, au moins pour partie, la conséquence de la souffrance au travail dont il avait été victime, et que l’employeur, qui avait connaissance du conflit l’opposant à d’autres salariés, n’avait pas pris toutes les mesures de prévention nécessaires, ni les mesures propres à le faire cesser, la Cour de cassation confirme la décision d’appel déclarant le licenciement pour inaptitude physique sans cause réelle et sérieuse.
Soc., 1er décembre 2021, n° 19-25107.
Droit au congés payés du salarié réintégré
Dans cet arrêt, la Cour de cassation reconsidère sa jurisprudence pour se conformer à la position de la Cour de justice de l’Union européenne s’agissant des conséquences de la nullité d’un licenciement. Elle estime désormais que le salarié qui, à la suite de l’annulation de son licenciement sollicite sa réintégration a droit aux congés payés pour l’intégralité de la période d’éviction sauf s’il a occupé un autre emploi durant cette période.
Soc., 1er décembre 2021, nº 19-24766.
Les indemnités fixées par le barème Macron s’entendent en mois de salaire brut
Dans cette affaire, un salarié avait obtenu, au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité nette, correspondant au plafond prévu par le barème Macron.
La Cour de cassation sanctionne la décision des juges du fond.
Soc., 15 décembre 2021, n°20-18782.
Rupture conventionnelle : dématérialisation obligatoire à compter du 1er avril 2022
Un décret du 13 décembre 2021 prévoit que les demandes d’homologation présentées à compter du 1er avril 2022 soient réalisées par téléservice.
Autrement dit, la dématérialisation est rendue obligatoire sauf à ce qu’une partie ne soit pas en mesure d’utiliser le téléservice de sorte qu’elle pourra effectuer sa démarche par le dépôt d’un formulaire.
Décret n° 2021-1639 du 13 décembre 2021.
Délégation de pouvoirs : l’immixtion de l’employeur peu caractériser un manquement grave
Dans cette affaire, un salarié, directeur d’une société de résidence pour personnes âgées a quitté son poste le 16 juillet 2015 après avoir adressé une lettre le 8 juin 2015.
Considérant qu’il s’agissait d’une démission, l’employeur a saisi une juridiction prud’homale de diverses demandes. Or, pour les juges du fond, la rupture du contrat de travail s’analyse en une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La Cour de cassation confirme la décision d’appel relevant que l’employeur, sans mettre fin à la délégation de pouvoirs dont disposait le salarié, s’était immiscé dans l’exécution de celle-ci, privant ainsi le salarié d’une partie de ses prérogatives et l’empêchant de mener à bien ses missions notamment par rapport à la qualité des soins des résidents. Ce manquement est jugé suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Soc., 1er décembre 2021, n° 20-16851.
Risque pénal
Reconnaissance multiple de culpabilité pour blessures involontaires
Dans cette affaire, un salarié a fait une chute dans une trémie entre le 5ème et 4ème étage d’un immeuble dans lequel il effectuait des travaux.
L’employeur et le conducteur de travaux ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel ainsi que la société chargée du gros œuvre du bâtiment et son directeur de travaux. Ils ont été reconnus coupables.
La société chargée du gros œuvre et son conducteur de travaux, condamnés respectivement à 15.000 euros d’amende et 5.000 euros d’amende avec sursis contestaient la décision estimant notamment que l’obligation de clôturer ou d’obturer les trémies ne concernait que l’employeur de la victime ou son délégataire.
Pour confirmer la décision des juges du fond, la Cour de cassation rappelle que le plan général de coordination confiait à l’entreprise titulaire du lot correspondant au gros œuvre, l’organisation collective du chantier et la mise en place d’un responsable sécurité, chargé de veiller journellement à la maintenance des protections collectives. Les juges relèvent également qu’au sein de cette société le conducteur de travaux était titulaire d’une délégation de pouvoirs.
Les juges précisent que sous l’intitulé « Discipline générale », le PPSPS (Plan Particulier de Sécurité et de Protection de la Santé), rappelait que la protection collective du chantier était assurée par l’entreprise de gros œuvre et que, s’agissant des trémies, le risque de chute devait être prévenu par la mise en place de podiums télescopiques ou platelage.
Ainsi, la protection incombait à la société chargée du gros œuvre. D’autre part, les juges relèvent à la lecture du registre journal transmis à la DIRECCTE que les intervenants avaient été alertés des risques de chutes engendrés par le retrait des protections des trémies.
Enfin, les juges concluent que c’est la carence des deux sociétés qui a contribué à créer la situation ayant permis la survenue du dommage de sorte qu’il est justifié que chacune des deux sociétés ainsi que le délégataire soient condamnés.
Crim., 30 novembre 2021, n° 21-82208.
Risque environnemental
Changement de régime pour les activités papetières
Un décret du 2 décembre 2021 modifie la rubrique 2445 de la nomenclature des ICPE relative aux activités papetières.
Ce décret introduit le régime de l’enregistrement pour les installations de transformation du papier et du carton.
Les installations produisant une à vingt tonnes par jour restent soumises au régime de la déclaration alors que les installations produisant plus de vingt tonnes par jour basculent du régime de l’autorisation à celui de l’enregistrement.
Cumul des poursuites en matière environnementale
Le Conseil Constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par la chambre criminelle de la Cour de cassation. La société requérante estimait que les dispositions L.171-8 et L.173-1 du code de l’environnement étaient contraires au principe non bis in idem dans la mesure où ces dispositions rendaient possible le cumul d’une amende administrative et de sanctions pénales en cas de violation d’une mise en demeure prononcée par l’autorité administrative en matière d’ICPE (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement).
Dans sa décision du 3 décembre 2021, le Conseil Constitutionnel a rejeté la demande de la société requérante. Au terme de sa décision, le Conseil estime « qu’à la différence de l’article L.171-8 qui prévoit uniquement une sanction de nature pécuniaire, l’article L.173-1 prévoit une peine d’amende et une peine de d’emprisonnement pour les personnes physiques ou, pour les personnes orales, une peine de dissolution, de placement sous surveillance judiciaire, de fermeture temporaire ou définitive ou d’exclusion des marchés publics à titre temporaire ou définitif » de sorte qu’il s’agit de sanctions de natures différentes.
Autrement dit, ces sanctions peuvent être cumulées.
Conseil constitutionnel, 3 décembre 2021, n°2021-953 QPC.