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13.05.2020
Social

Covid-19 et manquement à l’obligation de sécurité

Le géant américain du commerce en ligne a vu son activité croître depuis le début du confinement. Suite aux nombreuses critiques et alertes données par les salariés et la DIRECCTE sur les conditions de travail et l’absence de mesures de prévention dans le contexte de l’épidémie de Covid -19, l’entreprise était assignée devant le Tribunal judiciaire de Nanterre pour, entre autres, manquement à son obligation de sécurité de résultat.

Pour sa défense, la société assure avoir mis en œuvre l’ensemble des mesures nécessaires au sens de l’article L.4121-1 du code du travail pour assurer la sécurité de ses salariés, de ses partenaires de livraison et de ses clients. Elle prétend même être allée  » au-delà de ces règles » en procédant à trois évaluations complètes par jour comprenant un contrôle de l’équipe sécurité, une visite quotidienne des sites avec les représentants du personnel qui le souhaitent et, une réunion téléphonique avec l’ensemble des fonctions supports de tous les sites.

Pourtant, dans sa décision, les juges relèvent plusieurs manquements :

La société ne justifie pas avoir associé les représentants du personnel pour l’évaluation des risques. Aucun procès-verbal du CSE n’est communiqué. Seules des informations sont communiquées a posteriori aux instances pour rendre compte des mesures prises.

La société a sous-évalué le risque lié à l’utilisation des portiques d’entrées, seuls moyens d’accès aux sites, qui contraignent les centaines de salariés à les pousser avec les mains.

Le risque de contamination s’agissant de l’utilisation des vestiaires n’a pas fait l’objet d’une évaluation suffisante dans la mesure où aucune directive n’est donnée quant au nombre maximum de salariés pouvant occuper simultanément les lieux.

La société ne justifie pas des protocoles de prévention mis en place avec les entreprises extérieures chargées du transport des marchandises.

S’agissant du risque de contamination par la manipulation successive des cartons : ce risque ne fait pas l’objet d’une évaluation dans les DUERP. Le seul fait d’affirmer que les gestes barrières permettent une protection efficace ne répond pas à l’obligation d’évaluer préalablement les risques avant de définir les mesures de sécurité et de prévention nécessaires.

Il ressort de plusieurs procès-verbaux dressés par l’inspection du travail et de photos annexées à des constats d’huissier que la société n’a pas assuré l’effectivité de la distanciation sociale. Précisions que s’agissant des constats d’huissier les juges considèrent qu’ils permettent d’attester seulement de la signalétique mise en place pour gérer les flux de personnes et non du respect de celle-ci par les salariés.

Les mesures de formation des personnels ne sont ni suffisantes ni adaptées au regard des risques élevés de contamination liés à la nature de l’activité de l’entreprise.

L’absence d’évaluation des risques psychosociaux en lien avec l’épidémie et les changements organisationnels.

En conséquence, le Tribunal dans son jugement du 14 avril 2020 (n° 20/00503) estime que « la société a, de façon évidente, méconnu son obligation de sécurité et de prévention de la santé des salariés, ce qui constitue un trouble manifestement illicite. Le non-respect de cette obligation rend également nécessaire de prévenir un dommage imminent constitué par la contamination d’un plus grand nombre de salariés et par suite la propagation du virus à de nouvelles personnes ». 

Les juges ordonnent à la société de procéder à l’évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de Covid-19 sur l’ensemble de ses entrepôts en y associant les représentants du personnel et à mettre en oeuvre les mesures prévues à l’article L.4121 du code du travail.

Cette décision a été confirmée le 24 avril 2020 par la Cour d’appel de Versailles qui a prononcé, passé le délai de 48 heures, une astreinte de 100 000 euros due pour chaque réception, préparation et/ou expédition de produits non autorisés, et ce pendant une durée maximale d’un mois, à l’issue de laquelle il pourra être à nouveau statué.