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19.11.2019
Sécurité sociale

Travail dissimulé : pouvoir de sanction de l’URSSAF

Dans le cadre d’un contrôle, une URSSAF a relevé l’existence d’infractions en matière de travail dissimulé qui ont donné lieu à l’établissement d’un procès-verbal transmis au ministère public. Après deux lettres d’observations et une mise en demeure, l’URSSAF a délivré une contrainte à la société, laquelle a fait opposition devant une juridiction de sécurité sociale.

1- Sur le respect de la procédure

Dans cette affaire, la question était relative à la portée de l’article R.243-9 du code de la sécurité sociale qui précise, s’agissant de la procédure relative à l’infraction de travail dissimulé, qu’en cas « de réitération d’une pratique ayant déjà fait l’objet d’une observation ou d’un redressement lors d’un précédent contrôle, la lettre d’observations précise les éléments caractérisant le constat d’absence de mise en conformité […] le constat d’absence de mise en conformité est contresigné par le directeur de l’organisme effectuant le recouvrement ».

La Cour d’appel, pour accueillir le recours de la société et annuler le redressement litigieux se livre,  sur la base de l’article R.243-9 du code de la sécurité sociale, à l’analyse des deux lettres d’observations successivement notifiées par l’URSSAF à l’employeur.

La première, du 22 septembre 2010, mentionne comme objet du contrôle l’application de la législation de sécurité sociale, de l’assurance chômage et de la garantie des salaires AGS, et se rapporte à la période du 1er janvier 2007 au 28 février 2009, avec comme date de fin de contrôle le 30 août 2010. La seconde, du 19 novembre 2010, revêtue de la mention « annule et remplace », mentionne comme objet du contrôle la recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé mentionnées aux articles L. 8221-1 et L. 8221-2 du code du travail, la fin du contrôle étant également fixée au 30 août 2010 .

Les juges en déduisent  que la recherche des infractions n’avait pas pour seule finalité le recouvrement des cotisations sociales et que la procédure ayant abouti au redressement était fondée sur le constat de délit de travail dissimulé, ce qui imposait que le redressement soit porté à la connaissance de l’employeur par un document signé par le directeur de l’organisme de recouvrement . En l’espèce, la notification du redressement de l’assiette de cotisations en date du 19 novembre 2010 avait été signée par les inspecteurs de recouvrement c’est à dire en méconnaissance des dispositions du code de la sécurité sociale.

La Cour de cassation censure cette décision et précise que la recherche des infractions constitutives de travail illégal mentionnées à l’article L.8211-1 du code du travail est soumise, pour le recouvrement des cotisations qui en découle, à la procédure prévue par l’article R.243-59 du code de la sécurité sociale. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu’un organisme de recouvrement procède, dans le cadre d’un contrôle de l’application de la législation de sécurité sociale à la recherche des infractions susmentionnées aux seuls fins de recouvrement des cotisations afférentes.

2- Sur les droits du cotisant

La Cour d’appel accueille également un autre argument développé par l’employeur, celui selon lequel il n’aurait pas bénéficié de l’assistance nécessaire dans le cadre de ce contrôle. En effet, les juges d’appel relèvent que le représentant de la société, anglophone, a été entendu « par le truchement d’une personne dont il est mentionné dans le procès-verbal qu’elle n’était pas interprète professionnelle et qui a attesté de ce que, dépourvue de compétence en matière de traduction, elle a fait son possible pour que les parties se comprennent au mieux. De plus, à l’issue de l’entretien, le dirigeant de la société a refusé dans un premier temps de signer le document qu’on lui présentait, ne pouvant contrôler son contenu en français. Les contrôleurs de l’URSSAF lui auraient alors précisé « qu’il avait juste besoin de le signer pour en terminer là ».

Par conséquent et pour annuler le redressement, la Cour d’appel estime que l’employeur n’a pas bénéficié de l’assistance d’un interprète habilité lors de son audition relative à l’infraction de travail dissimulé, manquements préjudiciables aux droits du cotisants.

La Cour de cassation sanctionne cette décision estimant qu’il appartenait aux juges du fond de rechercher si le redressement litigieux n’était pas suffisamment fondé sur les autres éléments invoqués par l’URSSAF.

Civ., 2ème., 7 novembre 2019, n° 18-21.947.